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31/12/2013 | FRANCE | N°11PA04420

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 31 décembre 2013, 11PA04420


Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2011, présentée pour la commune de Bora-Bora par Me A...; la commune de Bora-Bora demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 110122 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française l'a condamnée à payer à la société Technival la somme de 29 344 357 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Technival devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de condamner la

société Technival à lui payer la somme de 29 036 959 francs CFP ou, subsidiairement, la somm...

Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2011, présentée pour la commune de Bora-Bora par Me A...; la commune de Bora-Bora demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 110122 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française l'a condamnée à payer à la société Technival la somme de 29 344 357 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Technival devant le Tribunal administratif de la Polynésie française ;

3°) de condamner la société Technival à lui payer la somme de 29 036 959 francs CFP ou, subsidiairement, la somme de 7 375 000 francs CFP ;

4°) de mettre à la charge de la société Technival la somme de 330 000 francs CFP au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Petit, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la commune de Bora-Bora a confié, en 2003, pour une durée de cinq ans, à la société Technival la gestion de l'unité d'élimination des déchets verts par compostage de Povai, par une convention dénommée "délégation de service public" ; que la société Technival a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française d'une demande de condamnation de la commune de Bora-Bora à lui payer la somme de 21.977.176 F CFP en règlement des prestations effectuées en exécution de cette convention durant la période allant du mois de septembre 2003 au mois de juin 2006 ; que, par un jugement du 26 juin 2007, devenu définitif, le Tribunal administratif a rejeté cette demande au motif que le contrat constituait en réalité, eu égard au mode de financement, un marché qui devait être soumis aux formalités de publicité et de mise en concurrence prévues par le code des marchés publics et que, faute de l'avoir été, le marché était nul et ne pouvait avoir fait naître d'obligations contractuelles entre les parties ; que la société Techhnival a alors saisi à nouveau le Tribunal administratif d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Bora-Bora à lui payer, d'une part, la somme de 29 344 357 francs CFP, sur le fondement de l'enrichissement sans cause, pour la période du 23 juin 2003 au 26 juin 2007, d'autre part la somme de 7 138 740 francs CFP sur le fondement de la faute, en réparation du préjudice correspondant à la perte de chance d'être payée pour l'exécution des prestations prévues par le contrat jusqu'à son terme ; que la commune a conclu au rejet de cette demande et a présenté des conclusions reconventionnelles, tendant à la condamnation de la société Technival à lui payer la somme de 7 375 000 francs CFP ; que, par un jugement du 30 juin 2011, le tribunal a condamné la commune à payer à la société Technival la somme de 29 344 357 francs CFP, majorée des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006, et a rejeté les conclusions reconventionnelles de la commune ; que la commune de Bora-Bora fait appel de ce jugement, en demandant, outre le rejet de la demande de première instance, la condamnation de la société Technival à lui payer la somme de 20 036 959 francs CFP, ou, à tout le moins, la somme de 7 375 000 francs CFP ; que la société Technival présente, pour sa part, des conclusions d'appel incident, en demandant que la condamnation prononcée en première instance soit augmentée de 7 138 740 francs CFP, au titre des prestations accomplies postérieurement à la date du 26 juin 2007 à laquelle la nullité du contrat a été constatée par le Tribunal administratif ;

Sur la recevabilité de l'appel principal de la commune :

2. Considérant que l'appel principal de la commune de Bora-Bora n'est pas recevable en tant qu'il conclut à la condamnation de la société Technival à lui payer une somme excédant le montant sollicité dans ses conclusions reconventionnelles de première instance, soit la somme de 7 375 000 francs CFP ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que le mémoire de la société Technival, enregistré au greffe du Tribunal administratif le 23 juin 2011, n'a pas été communiqué à la commune de Bora-Bora ; que, toutefois, il ressort des motifs du jugement attaqué que le Tribunal administratif ne s'est pas fondé sur des éléments nouveaux contenus dans ce mémoire ; que l'absence de communication de ce mémoire à la commune ne lui a donc pas préjudicié ; que, par suite, le jugement n'est pas entaché d'irrégularité ;

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les prestations accomplies par la société Technival, qui consistaient à collecter, broyer et transformer en compost des résidus verts qui lui étaient livrés par les usagers et la commune, ne peuvent être regardées comme des travaux publics, l'entretien des locaux de stockage et de compostage ne présentant, en tout état de cause, qu'un caractère accessoire ; que, par suite, le litige ne correspond pas à un litige de travaux publics au sens de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que la société Technival a adressé à la commune, le 14 février 2007, une demande d'indemnisation à hauteur de 21 977 176 francs CFP, au titre des prestations effectuées entre septembre 2003 et juin 2006 ; que cette réclamation préalable, alors même qu'elle invoquait la responsabilité contractuelle de la commune, a lié le contentieux, en ce qui concerne le préjudice né de l'exécution des prestations effectuées pour l'exécution du contrat dont la nullité a été reconnue, ensuite, par le Tribunal administratif ; qu'en revanche, la demande de première instance, en tant qu'elle a demandé également la condamnation de la commune à payer une somme correspondant aux prestations effectuées postérieurement à la date du 26 juin 2007, en dépit du constat de nullité du contrat retenu par le Tribunal administratif, est irrecevable, en l'absence de liaison du contentieux sur ce point ;

Sur le bien-fondé de l'appel principal :

5. Considérant que l'entrepreneur dont le contrat est entaché de nullité peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que les fautes éventuellement commises par l'intéressé, antérieurement à la signature du contrat, sont sans incidence sur son droit à indemnisation au titre de l'enrichissement sans cause de la collectivité, sauf si le contrat a été obtenu dans des conditions de nature à vicier le consentement de l'administration, ce qui fait obstacle à l'exercice d'une telle action ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, l'entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant, le cas échéant, de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre, il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Technival a réalisé, jusqu'en juin 2007, des prestations de collecte, tri, compostage de déchets verts au bénéfice de la commune de Bora-Bora ; qu'il est constant que ces prestations n'ont pas été payées ; qu'elles se sont traduites par un enrichissement sans cause de la commune, les dépenses exposées par la société Technival ayant présenté un caractère utile pour celle-ci ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les interruptions du fonctionnement de la déchetterie, la qualité parfois insuffisante du compost produit par la société Technival, ou le non respect de certaines prescriptions environnementales, mentionnées dans un constat d'huissier établi le 15 décembre 2005, auraient retiré de manière significative à ces prestations leur caractère utile, ou que les factures émises par la société Technival n'auraient pas correspondu à des prestations effectives, le rapport d'expertise judiciaire du 30 septembre 2006 ne reprochant pour l'essentiel à la société que le mauvais entretien du matériel ; que, par ailleurs, la conclusion du contrat en méconnaissance des règles de passation prévues par le code des marchés publics, d'où résulte la nullité de ce contrat, constitue une faute de la commune ; que la société Technival peut, dès lors, également prétendre aux gains dont elle a été privée du fait de la nullité du contrat, notamment du bénéfice auquel elle pouvait prétendre ; que, dans ces conditions, et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la société Technival est fondée à demander la condamnation de la commune de Bora-Bora à lui payer le montant des factures émises au titre de la période antérieure au 26 juin 2007, soit la somme de 29 344 357 francs CFP, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 29 septembre 2006, date d'enregistrement de son premier recours devant le Tribunal administratif ;

7. Considérant que la commune soutient que la société Technival lui a causé un préjudice de 7.375.000 F CFP, dès lors qu'elle aurait dégradé le matériel mis à sa disposition ; que, toutefois, si le rapport de l'expert judiciaire du 30 septembre 2006 fait effectivement état d'une telle dégradation et propose d'évaluer le préjudice subi par la commune à la somme précitée, il ressort d'un constat d'huissier de 2008, dont les énonciations ne sont pas sérieusement contestées par la commune, que les travaux de réparation du matériel ont été effectués par la société Technival ; qu'ainsi, la commune ne peut être regardée comme ayant subi un préjudice du fait du comportement de la société Technival ;

Sur l'appel incident de la société Technival :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que le contentieux n'a été lié qu'en ce qui concerne le préjudice correspondant aux prestations réalisées avant la date du 26 juin 2007, à laquelle la nullité du contrat a été constatée par le Tribunal administratif de la Polynésie française ; que, par suite, les conclusions d'appel incident de la société Technival, qui tendent à la condamnation de la commune de Bora-Bora à lui payer une somme correspondant aux prestations effectuées postérieurement à cette date, sont irrecevables ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetés tant l'appel principal de la commune de Bora-Bora que l'appel incident de la société Technival ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Bora-Bora et les conclusions de la société Technival sont rejetées.

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N° 11PA04420


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA04420
Date de la décision : 31/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Valérie PETIT
Rapporteur public ?: M. DEWAILLY
Avocat(s) : QUINQUIS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-12-31;11pa04420 ?
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