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21/03/2012 | FRANCE | N°11PA03854

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 21 mars 2012, 11PA03854


Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1021524/6-1 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mlle Dalila A en annulant son arrêté du 21 octobre 2010 rejetant la demande de titre de séjour de cette dernière, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de troi

s mois à compter de la notification du jugement et en mettant à la charge d...

Vu la requête, enregistrée le 19 août 2011, présentée par le PREFET DE POLICE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1021524/6-1 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a fait droit à la demande de Mlle Dalila A en annulant son arrêté du 21 octobre 2010 rejetant la demande de titre de séjour de cette dernière, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant son pays de destination, en lui enjoignant de délivrer à l'intéressée une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et en mettant à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mlle A de la somme de 1 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mlle A devant ce tribunal ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979, relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 8 juillet 1999 relatif aux conditions d'établissement des avis médicaux concernant les étrangers malades, pris en application de l'article 7-5 du décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2012 :

- le rapport de Mme Tandonnet-Turot, président-rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Considérant que Mlle A, née en 1977 en Tunisie, pays dont elle a la nationalité, a fait l'objet d'un arrêté du 21 octobre 2010 du PREFET DE POLICE lui refusant la délivrance du titre de séjour qu'elle avait sollicité sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination ; que le PREFET DE POLICE fait appel du jugement n° 1021524/6-1 du 20 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à Mlle A le titre de séjour sollicité ;

Sur les conclusions du PREFET DE POLICE :

Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté en litige, les premiers juges ont considéré qu'il était contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Mlle A étant entrée en France le 17 février 2008 afin d'y rejoindre toute sa famille, résidant chez son frère de manière continuelle depuis son entrée sur le territoire français, souffrant d'un syndrome anxio-dépressif majeur suite au départ de toute sa famille vers la France et n'ayant plus d'autre famille en Tunisie que son grand-père, atteint de la maladie d'Alzheimer ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que Mlle A, qui soutient être entrée en France le 17 février 2008, ne s'est présentée aux services de la préfecture qu'en décembre 2009 ; qu'elle est célibataire et sans charge de famille ; que, si elle fait valoir qu'une partie de sa famille réside en France et a la nationalité française, il ressort des pièces du dossier que plusieurs de ses soeurs résident en province et qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Tunisie, où résident son grand-père et ses tantes et où elle a vécu elle-même au moins jusqu'à l'âge de 31 ans ; que, dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que, dans ces conditions, le PREFET DE POLICE n'a pas porté, en prenant cet arrêté, une atteinte disproportionnée au droit de Mlle A au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont annulé cet arrêté au motif qu'il méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mlle A devant le Tribunal administratif de Paris et devant la Cour ;

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

Considérant, en premier lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs : " (...) doivent être motivées les décisions qui : (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ", et que l'article 3 de cette loi dispose que " La motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis (...), à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police " ; que l'article R. 313-22 de ce code dispose que " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. " ; qu'en vertu de l'article 4 de l'arrêté du 8 juillet 1999, pris pour l'application de ces dispositions, le médecin chargé d'émettre un avis doit préciser si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement médical approprié dans son pays, la durée prévisible du traitement, et si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;

Considérant qu'il résulte de ces dispositions que le préfet, lorsqu'il rejette, au vu d'un avis défavorable émis par le médecin inspecteur de santé publique, une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour en qualité d'étranger malade, doit indiquer, dans sa décision, les éléments de droit et de fait qui justifient ce refus ; qu'il peut satisfaire à cette exigence de motivation soit en reprenant les termes ou le motif déterminant de l'avis du médecin, inspecteur de santé publique rendu conformément aux prescriptions de l'arrêté du 8 juillet 1999, soit en joignant cet avis à sa décision ; que, dans son arrêté du 21 octobre 2010, le PREFET DE POLICE reprend les termes de l'avis du médecin, chef du service médical de la préfecture de police ; qu'il a également précisé l'ensemble des circonstances de fait propres à la situation personnelle de l'intéressée ; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mlle A ; que, par suite, cette dernière n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige est insuffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux exposés précédemment s'agissant de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lequel au surplus Mlle A n'a pas fondé sa demande de titre de séjour, ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que Mlle A est atteinte d'un syndrome anxio-dépressif majeur lié à l'éloignement de sa famille ; que, toutefois, le médecin, chef du service médical de la préfecture a, dans son avis du 25 mai 2010, indiqué que, si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, Mlle A pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que les certificats médicaux produits par cette dernière, qui se bornent à affirmer de manière imprécise et générale que le traitement nécessaire n'est pas disponible dans son pays d'origine, ne sauraient suffire à contredire l'appréciation portée par le médecin, chef du service médical de la préfecture de police, quant à la disponibilité d'une prise en charge thérapeutique en Tunisie ; que, si l'intéressée fait valoir que sa guérison nécessite la présence de sa famille, elle ne démontre pas que son retour en Tunisie la priverait de contacts avec les siens ; qu'ainsi, la décision portant refus de titre de séjour en litige n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mlle A ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi " ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment, et notamment de l'avis du 25 mai 2010 du médecin, chef du service médical de la préfecture, que Mlle A peut bénéficier des soins appropriés à son état de santé dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité par la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation de Mlle A ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 21 octobre 2010 refusant d'accorder à Mlle A le titre de séjour qu'elle sollicitait et obligeant celle-ci à quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à l'intéressée un titre de séjour portant la mention "vie privée et familiale" et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de Mlle A de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par Mlle A :

Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par Mlle A, tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour, doivent être rejetées ;

Sur l'application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1990 :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que Mlle A demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 1021524/6-1 du 30 juin 2011 du Tribunal administratif de Paris est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mlle A devant le Tribunal administratif de Paris, ainsi que ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

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N° 08PA04258

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N° 11PA03854


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11PA03854
Date de la décision : 21/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Suzanne TANDONNET-TUROT
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : NADER LARBI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2012-03-21;11pa03854 ?
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