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14/06/2013 | FRANCE | N°11NT02135

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 14 juin 2013, 11NT02135


Vu la requête, enregistrée le 2 août 2011, présentée pour la société Les Trois Coteaux, demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Coutances ; la société Les Trois Coteaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902666 du 10 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Longueville à lui verser la somme de 213 600 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la d

cision du 18 décembre 2007 du maire refusant de lui délivrer le permis de constr...

Vu la requête, enregistrée le 2 août 2011, présentée pour la société Les Trois Coteaux, demeurant..., par Me Gorand, avocat au barreau de Coutances ; la société Les Trois Coteaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902666 du 10 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Longueville à lui verser la somme de 213 600 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2007 du maire refusant de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait;

2°) de condamner la commune de Longueville à lui verser ladite indemnité de 213 600 euros, avec intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable;

3°) de mettre à la charge de la commune de Longueville une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le refus opposé, le 18 décembre 2007, par le maire de Longueville à sa demande de permis de construire est entaché d'illégalité, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Caen par jugement du 23 avril 2009, devenu définitif ; cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Longueville envers elle ; cette illégalité fautive présente un lien de causalité direct avec les préjudices résultant de ce qu'elle n'a pu mettre en oeuvre son projet immobilier ; la circonstance qu'elle n'a pas renoncé à la condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire, prévue par la promesse de vente, n'est pas susceptible, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, d'exonérer la commune de sa responsabilité ;

- les préjudices dont elle demande réparation sont certains ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 2 novembre 2011, présenté pour la commune de Longueville, représentée par son maire, par Me Launay, avocat au barreau de Caen ;

La commune de Longueville conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Les Trois Coteaux à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le refus de permis de construire opposé, le 18 décembre 2007, à la société requérante aurait pu être légalement fondé sur le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ; l'illégalité de cette décision n'est donc pas susceptible d'ouvrir un droit à réparation ;

- il n'existe pas de lien direct entre la prétendue faute de la commune et les préjudices allégués dès lors que ceux-ci trouvent leur origine dans les stipulations d'un contrat de droit privé ; la vente n'a pas été réalisée du seul fait de la décision prise par la société de ne pas renoncer à la clause suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire ;

- les préjudices résultant d'un manque à gagner présentent un caractère éventuel ;

- la requérante ne justifie pas avoir engagé les dépenses dont elle demande réparation ; la facture établie par l'architecte a été établie un an après le refus d'autorisation ; les autres frais sont dépourvus de lien direct avec l'opération projetée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 janvier 2012, présenté pour la société Les Trois Coteaux ; la société Les Trois Coteaux conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens qu'elle développe et en outre, par les moyens que : les dispositions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme ne sont pas applicables en l'espèce et ne pouvaient légalement fonder le refus de permis de construire du 18 décembre 2007 ; les préjudices dont elle demande réparation sont directs et certains ;

Vu le mémoire de production de pièces, enregistré le 4 mars 2013, présenté pour la société Les Trois Coteaux ;

Vu l'ordonnance du 11 avril 2013 fixant la clôture d'instruction au 2 mai 2013 à 12 heures, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 mai 2013 :

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gorand, avocat de la SARL Les Trois Coteaux ;

1. Considérant que par jugement du 10 juin 2011, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de la société Les Trois Coteaux tendant à la condamnation de la commune de Longueville à lui verser la somme de 213 600 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 18 décembre 2007 du maire refusant de lui délivrer le permis de construire qu'elle sollicitait en vue de l'édification de trois bâtiments à usage d'habitation ; que la société Les Trois Coteaux interjette appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne le principe de la responsabilité :

2. Considérant que la société Les Trois Coteaux a conclu, le 18 juin 2007 un compromis de vente en vue de la réalisation d'un ensemble immobilier sur un terrain sis " chemin du Raciquot " sur le territoire de la commune de Longueville, sous la condition suspensive " stipulée dans l'intérêt exclusif de l'acquéreur, lequel pourra toujours y renoncer " d'obtention d'un permis de construire sur ce terrain ; que par arrêté du 18 décembre 2007, le maire de Longueville a refusé la délivrance du permis de construire sollicité par la société Les Trois Coteaux; que, par jugement du 23 avril 2009, devenu définitif, le tribunal administratif de Caen a annulé cet arrêté en raison de ce qu'il ne comportait pas les considérations de fait sur lesquelles il était fondé et de ce que les motifs de refus opposés par le maire tirés de ce que le projet de construction méconnaissait les dispositions des articles R. 111-4 et R. 111-21 du code de l'urbanisme étaient entachés d'illégalité ; que contrairement à ce que soutient la commune de Longueville, pour la première fois en appel, le maire n'aurait pu légalement fonder sa décision de refus sur le nouveau motif tiré de la méconnaissance des prescriptions de l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme dès lors que celles-ci ne sont pas opposables, en vertu de l'article R. 111-1 de ce code, dans les communes telles que celle de Longueville qui sont dotées d'un document d'urbanisme ; que, par suite, le refus de permis de construire opposé, le 18 décembre 2007, par le maire de Longueville est entaché d'illégalité ; que cette illégalité est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Longueville envers la société Les Trois Coteaux ; que l'illégalité de ce refus présente un lien de causalité direct avec les préjudices dont elle demande réparation résultant de ce qu'elle n'a pu mettre en oeuvre son projet immobilier, lesquels ne sauraient être imputables, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Caen, à une prétendue faute commise par cette société du fait de ce qu'elle n'a pas renoncé à la condition suspensive susmentionnée d'obtention d'un permis de construire ; qu'ainsi, c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté, pour ce motif, sa demande d'indemnisation ;

En ce qui concerne les préjudices :

3. Considérant, d'une part, que les frais d'honoraires d'architecte correspondant à l'établissement du dossier de demande de permis de construire, engagés en pure perte du fait de la faute commise par la commune, doivent être inclus dans le montant du préjudice indemnisable ; qu'il résulte de l'instruction que les frais exposés par la société Les Trois Coteaux au titre de la conception et de l'élaboration du projet de construction de l'ensemble immobilier en cause s'élèvent à 29 900 euros ; que cette société peut ainsi, et alors même que la facture correspondant à ces frais est postérieure d'un an à la décision de refus de permis de construire, prétendre être indemnisée au titre de ce chef de préjudice ; qu'en revanche, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier que les autres frais intitulés " fournitures de bureau ", " honoraires comptables ", " frais d'acte ", " honoraires divers ", " services bancaires ", " taxe professionnelle " et " agios " présenteraient un lien direct avec l'illégalité fautive commise par le maire ; que, par suite, ces frais ne peuvent donner lieu à indemnisation ;

4. Considérant, d'autre part, que la société Les Trois Coteaux demande, également, à être indemnisée d'un manque à gagner correspondant aux bénéfices qu'elle aurait retirés, si elle n'avait pas dû renoncer à son projet du fait de la décision de refus illégale opposée par le maire, de la vente des immeubles qu'elle aurait pu construire; que, pour établir l'existence d'une tel manque à gagner, elle s'appuie sur les conclusions non contredites d'un rapport établi par un expert près la Cour d'appel de Caen, évaluant son manque à gagner à 180 000 euros par comparaison avec une opération réalisée, à la même époque, dans une commune voisine dont il n'est pas contesté qu'elle présente des caractéristiques similaires ; que, dans les circonstances de l'espèce, ce préjudice revêt un caractère direct et certain ; qu'il y a lieu, par suite, de fixer à ce montant le préjudice subi à ce titre par la société requérante;

5. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que le préjudice total de la société Les Trois Coteaux s'élève à la somme de 209 900 euros ; qu'il y a lieu, dès lors, de condamner la commune de Longueville à verser cette somme à ladite société ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Les Trois Coteaux est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;

Sur les intérêts :

7. Considérant que la société Les Trois Coteaux a droit aux intérêts de la somme de 209 900 euros à compter de la date du 1er septembre 2009 de réception de sa demande indemnitaire par la commune de Longueville ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions, de mettre à la charge de la commune de Longueville, le versement de la somme de 2000 euros que la société Les Trois Coteaux demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Les Trois Coteaux, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la commune de Longueville demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 juin 2011 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La commune de Longueville est condamnée à verser à la société Les Trois Coteaux la somme de 209 900 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la date du 1er septembre 2009 de réception de sa demande indemnitaire par la commune de Longueville.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel de la société Les Trois Coteaux est rejeté.

Article 4 : La commune de Longueville versera à la société Les Trois Coteaux une somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Longueville tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Les Trois Coteaux et à la commune de Longueville.

Délibéré après l'audience du 21 mai 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- Mme Buffet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 juin 2013.

Le rapporteur,

C. BUFFETLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'égalité des territoires et du logement en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02135
Date de la décision : 14/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : GORAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-06-14;11nt02135 ?
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