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04/06/2012 | FRANCE | N°11NC01016

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 04 juin 2012, 11NC01016


Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2011, complétée par un mémoire enregistré le 30 novembre 2011, présentée pour la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE, dont le siège social est 12 Traverse du Daval à La Bresse (88250), représentée par son co-gérant, par Me Rémy, avocat ; la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901488 du 19 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet des Vosges l'a autorisée à réhabiliter et à exploiter la cent

rale hydroélectrique du Pont du Gouffre pendant une durée de 30 ans ;

2°) de...

Vu la requête, enregistrée le 20 juin 2011, complétée par un mémoire enregistré le 30 novembre 2011, présentée pour la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE, dont le siège social est 12 Traverse du Daval à La Bresse (88250), représentée par son co-gérant, par Me Rémy, avocat ; la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901488 du 19 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet des Vosges l'a autorisée à réhabiliter et à exploiter la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre pendant une durée de 30 ans ;

2°) de rejeter la demande présentée par la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique devant le Tribunal administratif de Nancy ;

3°) de mettre à la charge de la fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE soutient que :

- la demande de première instance de la fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique, qui n'était pas valablement représentée, était irrecevable ;

- le classement du ruisseau du Ventron au titre des cours d'eau réservés n'interdit pas la modification et l'optimisation d'ouvrages hydrauliques existants ; l'exploitation de la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre ayant été autorisée par un arrêté du préfet des Vosges du 14 juillet 1860 est toujours valable à ce jour et cette centrale bénéficie du statut d'installation existante au sens de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 ; une autorisation administrative nouvelle pouvait lui être délivrée pour la réalisation de toute modification autre que le relèvement de la crête du barrage de prise d'eau ; les modifications autorisées par l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2008 ne visaient pas à la réalisation d'une installation hydroélectrique nouvelle mais à l'optimisation énergétique et environnementale d'une installation existante ;

- les textes applicables aux demandes d'autorisation administrative au titre de la police de l'eau ou de la police de l'énergie ne prévoient pas la consultation du directeur du parc régional naturel dans le périmètre duquel se trouve le projet pour lequel l'autorisation est sollicitée ;

- le rapport du commissaire enquêteur, qui transcrit les observations exprimées au cours de l'enquête publique, les analyse et rend compte de son avis motivé, est complet et n'est entaché d'aucune irrégularité ;

- la notice d'impact n'avait pas à faire état du classement du ruisseau du Ventron au titre des réservoirs biologiques dès lors que ce classement est intervenu postérieurement à la délivrance de l'autorisation préfectorale ;

- la non utilisation de l'énergie hydraulique du ruisseau du Ventron pendant plus de 40 ans n'a pas fait disparaître le droit d'usage de l'eau constitué par l'arrêté du 14 juillet 1860 ;

- la procédure de simple déclaration prévue à l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 pour les augmentations de puissance d'au plus 20 % n'était pas applicable à son projet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2011, présenté par la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique, dont le siège est 31 rue de l'Estrey BP 19 Nomexy (88440)représentée par son président, par Me Bourdeaux, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique soutient que :

- son président ayant été régulièrement mandaté par le bureau de l'association pour la représenter dans le cadre de l'instance engagée à l'encontre de la SOCIETE HDYROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE, sa demande de première instance était recevable ;

- le directeur du parc naturel régional des Ballons des Vosges n'a pas été consulté avant que le commissaire enquêteur ne rende son rapport au préfet ;

- les conclusions du commissaire enquêteur sont insuffisamment motivées ;

- la notice d'impact, qui ne fait pas mention de ce que le ruisseau du Ventron constitue un réservoir biologique pour la population de truites Fario, et qui repose sur des données non actualisées, ne permet pas de mesurer l'impact réel du projet sur l'environnement alieutique;

- le projet de la société équivaut à la création d'une nouvelle installation hydroélectrique ; l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2008 autorisant ce projet méconnaît l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 interdisant la construction de nouvelles centrales hydroélectriques sur les cours d'eau réservés, dont le ruisseau du Ventron ;

Vu l'ordonnance en date du 23 septembre 2011 fixant la clôture de l'instruction le 30 novembre 2011 à 16 heures ;

Vu la production enregistrée le 26 décembre 2011, présentée pour la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique ;

Vu la production enregistrée le 2 mai 2012, présentée pour la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE ;

Vu la production enregistrée le 11 mai 2012, présentée par le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi du 16 octobre 1919 modifiée ;

Vu le décret n° 99-1138 du 27 décembre 1999 ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2012 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

- et les observations de Me Rémy, avocat de la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE et de Me Bourdeaux, avocat de la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique ;

Considérant qu'en janvier 2006, la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE (SHPG) a déposé auprès de la préfecture des Vosges une demande tendant à être autorisée à réhabiliter les installations de la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre non exploitées depuis 1961 dont elle s'était portée acquéreur en 2005 et à en porter la puissance de 82 à 207 kW ; que cette autorisation lui a été accordée par un arrêté du préfet des Vosges du 20 octobre 2008 pour une durée de 30 ans ; que la SHPG demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2011 qui a annulé cet arrêté ;

Sur la fin de non recevoir opposée par la société :

Considérant qu'aux termes de l'article 30 des statuts de la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique, le bureau est l'organe compétent pour décider de l'engagement d'une action en justice ; que par une délibération du 31 octobre 2008, le bureau de cette association a mandaté son président pour engager une action en justice afin de solliciter l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2008 ; que par suite, la fin de non recevoir soulevée par la SHPG, tirée de ce que la demande de première instance de la Fédération serait irrecevable, faute pour cette association d'être valablement représentée, doit être écartée ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral du 20 octobre 2008 portant autorisation d'exploiter :

Considérant, d'une part, qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 16 octobre 1919 susvisée relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique, " Nul ne peut disposer de l'énergie des marées, des lacs et des cours d'eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l'État " ; qu'en application de l'article 2 sont placées sous le régime de la concession les entreprises dont la puissance excède 4 500 kilowatts et sous le régime de l'autorisation les autres entreprises ; qu'aux termes des deux premiers alinéas de l'article 18 de la même loi dans leur rédaction applicable en l'espèce : " Les entreprises autorisées à la date de la promulgation de la présente loi demeurent, pendant soixante-quinze ans, à compter de la même date, soumises au régime qui leur était antérieurement applicable (...) / Ces entreprises, suivant qu'elles sont ou non réputées concessibles aux termes de l'article 2, sont, à l'expiration du régime provisoire prévu au paragraphe précédent et au point de vue des délais de préavis et de leurs conséquences, soumises respectivement aux dispositions des articles 13 et 16. " ; alors que le dernier alinéa prévoit que " Les dispositions des paragraphes 1er, 2, 3 et 4 du présent article ne sont pas applicables aux entreprises dont la puissance maximum ne dépasse pas 150 kilowatts ; ces entreprises demeurent autorisées conformément à leur titre actuel et sans autre limitation de durée que celle résultant de la possibilité de leur suppression dans les conditions prévues par les lois en vigueur sur le régime des eaux. " ; que l'article R. 214-84 du code de l'environnement dispose que : " Les autorisations délivrées (...) avant le 16 octobre 1919 aux entreprises d'une puissance maximale brute inférieure à 150 kW sont assimilées, pour les ouvrages, travaux, aménagements ou activités existantes, aux autorisations délivrées en application des articles L. 214-1 à L. 214-6. (...) / Lorsque des modifications sont demandées par l'exploitant, elles sont instruites dans les conditions de la présente sous-section. " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions qu'une entreprise, autorisée avant l'entrée en vigueur de la loi du 16 octobre 1919 dont la puissance maximale n'excède pas 150 kW, le demeure sans nouvelle condition de durée ;

Considérant qu'il est constant que l'exploitation de la centrale hydroélectrique du Pont de Gouffre a été autorisée par un arrêté du préfet des Vosges du 14 juillet 1860 pour une puissance de 82 kW ; qu'il s'ensuit que, par application des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 18 de la loi du 16 octobre 1919 et de celles de l'article R. 214-84 du code de l'environnement, l'exploitation de cette centrale demeure autorisée dans cette mesure au titre à la fois de la police de l'énergie et de la police de l'eau sans limitation de durée ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'alinéa 5 de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 dans sa rédaction résultant de la loi du 15 janvier 1980 : " Sur certains cours d'eau dont la liste sera fixée par décret en Conseil d'Etat, aucune autorisation ou concession ne sera donnée pour les entreprises hydrauliques nouvelles. Pour les entreprises existantes régulièrement installées à la date de promulgation de la loi n°80-531 du 15 juillet 1980 (...) une autorisation pourra être accordée sous réserve que la hauteur du barrage ne soit pas modifiée. " ; qu'en application de cette disposition, le ruisseau du Ventron sur lequel est implanté l'ouvrage hydroélectrique du Pont du Gouffre a été classé par un décret n° 99-1138 du 27 décembre 1999 au titre des cours d'eau réservés ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les modifications envisagées par le projet de réhabilitation de la centrale hydroélectrique du Pont de Gouffre consistent notamment en l'élargissement du canal d'amenée, le remplacement d'une grande portion de ce canal d'amenée par une conduite forcée et la construction d'un nouveau bâtiment de turbinage en aval du bâtiment existant ; que ces travaux aboutissent à accroître le débit d'eau prélevé et ainsi à presque tripler la puissance nominale de l'installation ; qu'eu égard à leur importance, ces travaux doivent être regardés comme entraînant la création d'une entreprise nouvelle au sens des dispositions de l'article 2 de la loi du 16 octobre 1919 alors même que la crête du barrage de prise d'eau n'a pas été rehaussée ; que, par suite, le Ventron étant classé comme il a été dit sur la liste des cours d'eau réservés sur lesquels aucune entreprise hydraulique nouvelle ne peut être autorisée, le préfet ne pouvait, sans commettre d'erreur de droit, délivrer l'autorisation litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SHPG n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 20 octobre 2008 par lequel le préfet des Vosges l'a autorisée à réhabiliter et à exploiter la centrale hydroélectrique du Pont du Gouffre pendant une durée de 30 ans ;

Sur les conclusions d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SHPG la somme que cette dernière réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SHPG une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE versera à la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique une somme de 1 000 (mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SOCIETE HYDROELECTRIQUE DU PONT DU GOUFFRE, à la Fédération des Vosges pour la pêche et la protection du milieu aquatique et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 11NC01016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01016
Date de la décision : 04/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-02 Energie. Énergie hydraulique.


Composition du Tribunal
Président : M. JOB
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : BOURDEAUX

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-06-04;11nc01016 ?
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