Vu la requête, enregistrée le 5 mai 2011, complétée par un mémoire enregistré le 20 février 2012, présentée pour M. Christian A, demeurant ..., par Me Brand, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0702043 du 8 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 mars 2007 par lequel le maire de la commune de Steinseltz lui a retiré le permis tacite du 19 décembre 2006 et lui a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire un hangar agricole et d'élevage de bovins au lieu-dit Oberwiese ;
2°) d'annuler l'arrêté en date du 21 mars 2007 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Steinseltz une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que :
- le permis de construire litigieux a été retiré sans qu'il ait pu présenter ses observations dans un délai suffisant et raisonnable, et ce en méconnaissance de l'article 24 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le retrait de permis de construire n'est pas motivé au regard de la loi du 11 juillet 1979 et le Tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;
- le sursis à statuer n'est pas suffisamment motivé en fait et en droit ;
- le permis de construire tacite ne pouvait pas être retiré, il n'était pas illégal car les dispositions du plan local d'urbanisme n'étaient pas encore approuvées, et le Tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen ;
- le sursis à statuer est illégal dès lors que le nouveau plan local d'urbanisme était inopposable et le projet ne risquait pas de compromettre ou de rendre plus onéreuse l'exécution du nouveau document d'urbanisme ;
Vu le jugement et la décision attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2011, complété par un mémoire enregistré le 2 mars 2012, présenté pour la commune de Steinseltz, représentée par son maire en exercice, élisant domicile à l'Hôtel de Ville rue Principale à Steinseltz (67160), par Me Gillig, avocat ;
Elle conclut au rejet de la requête et demande que soit mis à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure contradictoire a été régulière ; que le moyen tiré de l'absence de motivation du retrait du permis de construire tacite n'a pas été invoqué en première instance ; le moyen tiré de l'absence de motivation du sursis à statuer n'est pas fondé ; le moyen tiré de l'absence de bien-fondé du retrait du permis de construire tacite n'est pas fondé ; le sursis à statuer est fondé dès lors que l'état d'avancement du plan local d'urbanisme est établi et que le projet est de nature à compromettre et à rendre plus onéreuse la réalisation du nouveau plan local d'urbanisme ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 mars 2012 :
- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,
- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,
- et les observations de Me Maamouri, avocat de M. A, ainsi que celles de Me Bozzi, avocat de la commune de Steinseltz ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 mars 2012, présentée pour M. A, par Me Brand ;
Considérant que, par un jugement du 8 mars 2011, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. A tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 21 mars 2007 par lequel le maire de la commune de Steinseltz lui a retiré le permis tacite du 19 décembre 2006 et lui a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire un hangar agricole et d'élevage de bovins au lieu-dit Oberwiese ; que M. A relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort du jugement contesté que le Tribunal n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, soulevé par M. A tiré de ce que le retrait du permis de construire tacitement accordé le 19 décembre 2006 n'était pas illégal et que ledit permis ne pouvait ainsi être retiré ; que, par suite, M. A est fondé à soutenir que le jugement qu'il critique est entaché d'une omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le Tribunal administratif de Strasbourg par M. A ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 21 mars 2007 :
En ce qui concerne la décision de retrait du permis tacite :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales " ; qu'une décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 et, par suite, entre dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 précitée ; qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a été invité, par une lettre en date du 5 février 2007, dénuée d'ambiguïté, à présenter, avant le 13 février 2007, ses observations sur le retrait du permis de construire qu'il avait tacitement obtenu au mois de décembre 2006 ; que l'accusé de réception produit par la commune établit que M. A a réceptionné ladite lettre le 7 février 2007 ; que, dans ces conditions, et nonobstant les circonstances que ce délai comprend un dimanche, qu'il n'aurait pas été informé de l'existence d'une pétition contre son projet, que ledit courrier n'indiquait pas où le plan local d'urbanisme en cours de révision était consultable, M. A a, contrairement à ce qu'il soutient, disposé d'un délai suffisant et raisonnable pour présenter ses observations ; qu'en précisant par ailleurs dans ladite correspondance : " Je vais être amené à procéder au retrait du permis(...) ", le maire n'a pas entendu, contrairement à ce que soutient M. A, prendre la décision litigieuse avant que celui-ci ait pu présenter ses observations ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision litigieuse de retrait de permis de construire est motivée par les circonstances " que le permis de construire est illégal selon les dispositions du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, le projet situé en zone AC2, n'autorisant que les hangars et halls de stockage nécessaires à une exploitation agricole et qui ne sont pas destinés à abriter des animaux, et qu'en conséquence le projet est de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution de ce plan " ; que, par suite, ladite décision de retrait du permis de construire tacite comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait qui la fondent et ne méconnaît pas ainsi la loi du 11 juillet 1979 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme : " Le plan local d'urbanisme est élaboré à l'initiative et sous la responsabilité de la commune.(...) A compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, l'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délais prévus à l'article L. 111-8, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan ", et qu'aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme : " Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus par les articles L. 111-9 et L. 111-10 du présent titre, ainsi que par les articles L. 123-6 (dernier alinéa), L. 311-2 et L. 313-2 (alinéa 2) du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement " ; que le permis tacitement accordé ne pouvait être retiré que s'il était illégal ; que ce retrait étant motivé, comme il vient d'être dit, par les dispositions du plan local d'urbanisme en cours d'élaboration, la légalité de ce retrait est subordonnée à ce que le maire puisse être regardé comme ayant commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de surseoir à statuer sur la demande présentée par M. A;
Considérant, d'une part, que si le plan d'occupation des sols de la commune, approuvé en mars 1995, classait les parcelles en litige en secteur Nca, dans lequel sont autorisés les " (...) abris ouverts pour animaux, les installations et constructions liées et nécessaires à l'activité et aux exploitations agricoles (...) ", il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 25 septembre 2001, le conseil de communauté de la communauté de communes du Pays de Wissembourg a prescrit la révision du plan d'occupation des sols de la commune de Steinseltz, qui le lui avait confié ; que le projet de règlement de la révision dudit plan d'occupation des sols édicté en novembre 2006, consécutivement à une délibération du conseil municipal du 24 mars 2006 émettant un avis défavorable à une précédente demande de M. A du fait de la volonté de la commune de ne plus permettre la construction de bâtiments d'élevage, prévoit dans son article 2A " occupations et utilisation du sol soumises à des conditions particulières : les occupations et utilisations du sol suivantes sont admises : (...) dans la zone AC2 : les hangars et halls de stockage nécessaires à une exploitation agricole et qui ne sont pas destinés à abriter des animaux (...) " ; qu'il n'est pas contesté que les parcelles en litige seraient situées en zone AC2 ; que, dans ces conditions, l'état d'avancement des travaux d'élaboration du plan local d'urbanisme de la commune de Steinseltz à la date de la décision litigieuse, alors même qu'il n'a été approuvé qu'en mai 2009, était suffisant pour justifier légalement une décision de sursis à statuer ;
Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier qu'eu égard à l'importance du projet envisagé, portant notamment sur la construction d'un bâtiment destiné à accueillir 48 jeunes bovins et d'une fumière devant être implantés en face d'un secteur comprenant une maison d'habitation et destiné à être urbanisé, ainsi qu'aux orientations susrappelées de la commune, la demande de permis de construire présentée par M. A était susceptible de compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme de la commune ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le maire de la commune de Steinseltz a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne prononçant pas le sursis à statuer sur la demande de M. A et en laissant ainsi naître une décision implicite d'acceptation de cette demande ; que, par suite, le permis de construire tacitement obtenu étant entaché d'illégalité, le maire de la commune a pu légalement procéder à son retrait ;
En ce qui concerne la décision de sursis à statuer :
Considérant, en premier lieu, que la décision de sursis à statuer sur la demande de permis de construire sollicité, qui cite l'article L. 111-7 précité du code de l'urbanisme et énonce le critère légal précité relatif à ce que la demande soit de nature à compromettre l'exécution du futur plan et dont la motivation de fait se confond avec celle de la décision portant retrait du permis de construire tacite, répond aux exigences de motivation prescrites par les dispositions de l'article L. 111-8 du code de l'urbanisme ;
Considérant, en second lieu, que, comme il vient d'être dit, la demande de M. A était de nature à compromettre l'exécution du futur plan d'urbanisme de la commune ; que, par suite, le maire de la commune de Steinseltz n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant le sursis à statuer sur cette demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté en date du 21 mars 2007 par lequel le maire de la commune de Steinseltz lui a retiré le permis tacite du 19 décembre 2006 et lui a opposé un sursis à statuer à sa demande de permis de construire un hangar agricole et d'élevage de bovins au lieu-dit Oberwiese ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Steinseltz qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme demandée par la commune de Steinseltz au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0702043 du Tribunal administratif de Strasbourg du 8 mars 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.
Article 3 : Les conclusions de M. A et de la commune de Steinseltz tendant au versement de sommes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4: Le présent arrêt sera notifié à M. Christian A et à la commune de Steinseltz.
''
''
''
''
2
11NC00732