Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011, présentée pour M. Boumedienne A, demeurant ..., par Me Mengus ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005620 en date du 3 décembre 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 2010 décidant sa reconduite à la frontière et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence algérien vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler en application de l'article L.911-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, d'ordonner à l'administration de produire tout élément justifiant la modification de l'avis du médecin émis par le médecin inspecteur de la santé publique concernant la possibilité de disposer d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie ainsi que tout élément relatif à l'offre de soins dans la prise en charge du stress post-traumatique et à l'accessibilité de ces soins pour la population algérienne ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
M. A soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors que, d'une part, le tribunal a, à tort, procédé à la substitution de base légale demandée par le préfet du Bas-Rhin et, d'autre part, M. A n'a pas été mis à même de présenter ses observations écrites sur la substitution de base légale opérée ;
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé dans la mesure où il ne comporte aucune mention relative à la date d'entrée sur le territoire français de M. A et il n'explicite pas clairement et précisément en quoi il peut bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
- l'arrêté de reconduite à la frontière est dépourvu de base légale et entaché d'erreur de droit en tant qu'il se fonde sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. A était en possession d'un récépissé de demande de carte de séjour au moment de son entrée sur le territoire français le 24 décembre 2008 ;
- le préfet a commis un détournement de procédure en ordonnant sa reconduite à la frontière dès lors qu'il faisait l'objet d'un refus de séjour portant obligation de quitter le territoire en date du 22 janvier 2010 encore exécutoire et ainsi détourné les dispositions de l'article L. 511-1, II, 3° ;
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dans la mesure où il souffre d'un état anxio-dépressif post-traumatique pour lequel il bénéficie depuis plusieurs années en France d'un suivi médical dont l'interruption aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;
- il ne pourrait pas effectivement bénéficier en Algérie, eu égard à l'insuffisance de la prise en charge psychiatrique, alors que l'administration doit apprécier au cas par cas la question de l'accessibilité aux soins, notamment du point de vue des ressources financières de l'étranger ;
- il excipe de l'illégalité de la décision de refus de séjour en date du 22 janvier 2010 prise par le préfet du Bas-Rhin ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il justifie d'une résidence habituelle en France depuis son arrivée sur le territoire le 1er octobre 2000, qu'il a noué des contacts tant personnels que professionnels et que la relation thérapeutique qu'il a noué avec son médecin traitant depuis 2007 est importante ;
- le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien dès lors qu'il justifie résider en France depuis plus de dix à la date de l'arrêté attaqué, étant entré sur le territoire français le 1er octobre 2000 ;
Vu le jugement et l'arrêté et attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 mai 2011, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclue au rejet de la requête présentée sous le numéro 11NC00088 par M. Boumedienne A et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision du Président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 07 avril 2011 accordant à M. A l'aide juridictionnelle totale ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2011 :
- le rapport de M. Giltard, président de la Cour,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité algérienne, est entré pour la première fois en France le 1er octobre 2000 muni d'un visa valable du 20 septembre 2000 au 19 mars 2001 ; qu'il a obtenu, en raison de son état de santé, des autorisations provisoires de séjour en qualité de malade, plusieurs fois renouvelées ; que s'il est reparti en Algérie entre le 3 et le 24 décembre 2008 pour se rendre au chevet de sa mère malade, il était alors titulaire d'un récépissé de demande de titre de séjour valable du 5 novembre 2008 au 9 février 2009, qui l'autorisait à séjourner en France pendant cette période et lui permettait donc de quitter le territoire national et d'y revenir pendant cette même période, sans que soit exigé un quelconque visa ; qu'ainsi, M. A, n'entrait pas dans la catégorie des étrangers entrés irrégulièrement en France ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a jugé que le préfet du Bas-Rhin pouvait prendre un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de M. A sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en tout état de cause, le préfet ne pouvait légalement, à la date de la décision attaquée, prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre de M. A, dès lors que sa décision en date du 22 janvier 2010 portant obligation pour l'intéressé de quitter le territoire français était encore exécutoire ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 1er décembre 2010 du préfet du Bas-Rhin ordonnant sa reconduite à la frontière et fixant le pays de destination ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens, à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle accordée à l'intéressé ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 3 décembre 2010 et l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 1er décembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et fixant le pays de destination sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à Me Mengus, conseil de M. A, une somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Mengus s'engage à reverser la fraction correspondant à la part contributive de l'Etat de l'aide juridictionnelle qu'il a perçue.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Boumedienne A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.