Vu le recours, enregistrée le 7 juillet 2011 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0706159, en date du 15 juin 2011, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a, en son article 1er, ordonné la restitution à M. Frédéric A des droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittés au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, à raison de l'activité d'ostéopathie qu'il a pratiquée, et, en son article 2, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, à verser à M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de remettre à la charge de M. A les droits de taxe sur la valeur ajoutée dont la restitution a été ordonnée par le Tribunal administratif de Grenoble, pour un montant de 11 371 euros ;
Il soutient que :
- par les dispositions du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, le législateur a entendu exonérer de taxe sur la valeur ajoutée uniquement les soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées par une disposition législative ou par un texte pris en application d'une telle disposition ;
- le Tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions de l'article 75 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, pour décharger les droits de taxe sur la valeur ajoutée en litige, alors que ce dispositif n'a aucune portée utile en matière fiscale ; cette réglementation de l'usage du titre d'ostéopathe n'a pas pour effet de conférer fiscalement à cette activité le caractère d'une profession médicale ou paramédicale réglementée ;
- M. A n'a pas établi qu'au cours de la période litigieuse il s'est abstenu d'accomplir des actes d'ostéopathie interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ;
- les opérations litigieuses ayant été spontanément assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et les cotisations litigieuses ayant été spontanément acquittées par M. A, c'est à ce dernier qu'il incombe, en application des dispositions de l'article R. 194 du livre des procédures fiscales, de prouver que la taxe acquittée n'était pas exigible ;
- M. A, qui n'a produit aucun élément relatif à sa pratique au cours des périodes d'imposition litigieuses, qui permettrait d'appréhender la nature des actes qu'il a accomplis ou les conditions dans lesquelles lesdits actes ont été effectués, n'est pas fondé à soutenir que, pour la période litigieuse, l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des actes qu'il a dispensés porterait atteinte au principe de neutralité fiscale ;
- la circonstance que le droit d'user du titre d'ostéopathe lui a été reconnu en 2008 ne saurait être regardée comme suffisant à apporter la preuve que les actes qu'il a accomplis alors que son activité n'était pas réglementée étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mars 2012, présenté pour M. Frédéric A, domicilié ... ; M. A demande à la Cour de rejeter le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; Il soutient qu'il remplissait, dès avant la publication des décrets n° 2007-435 et n° 2007-437 du 25 mars 2007, les conditions fixées par ces derniers pour que ses actes puissent être regardés comme présentant des garanties au moins équivalentes à celles d'actes de même nature effectués par un médecin ou un kinésithérapeute ; qu'il justifie avoir suivi au sein de l'Ecole européenne d'ostéopathie du Maidstone (Royaume-Uni) une formation de 2 660 heures sur quatre ans dans les matières aujourd'hui définies par décret et a obtenu à l'issue de cette formation un diplôme en ostéopathie ; qu'il a obtenu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe le 19 juin 2008, ce qui suffit à apporter la preuve que les actes qu'il a accomplis alors que son activité n'était pas réglementée étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été exonérés ; qu'il doit donc bénéficier de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue par l'article 13 - A - 1 - c de la sixième directive n° 77/388/CEE du 17 mai 1977, s'agissant de prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales ;
Vu l'ordonnance du 6 février 2012 fixant la clôture de l'instruction au 24 février 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance du 26 mars 2012 reportant la date de clôture de l'instruction au 10 avril 2012, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne ;
Vu la sixième directive n° 77/388 du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 modifiée, relative à l'harmonisation des législations des Etats membres en matière de taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;
Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;
Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 2012 :
- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que M. Frédéric A, titulaire du diplôme d'ostéopathe, qui lui a été délivré le 26 septembre 2002, a exercé cette dernière activité à Annecy (Haute-Savoie) ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a ordonné que lui soient restitués les droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittés à raison de cette dernière activité au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006, soit la somme de 11 371 euros ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;
Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les Etats membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'Etat membre concerné (...) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des Etats membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ; que, toutefois, ainsi qu'il résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles aptes à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;
Considérant que l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé reconnaît l'usage professionnel du titre d'ostéopathe aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique en la matière ; qu'il prévoit que les praticiens en exercice à la date d'entrée en vigueur de la loi peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe dans les conditions qu'il définit et qui seront précisées par décret ; que deux décrets en date du 25 mars 2007 ont été pris pour l'application de ces dispositions législatives, l'un relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, l'autre relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ; que le premier décret, relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie, énonce les conditions dans lesquelles peut être délivrée l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe ; qu'il dispose, en son article 4, que : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe est réservé : (...) 3° Aux titulaires d'une autorisation d'exercice de l'ostéopathie ou d'user du titre d'ostéopathe délivrée par l'autorité administrative en application des articles 9 ou 16 du présent décret " ; que l'article 16 du même décret dispose : " A titre transitoire et par dérogation aux dispositions de l'article 4, l'autorisation d'user du titre professionnel d'ostéopathe est délivrée après avis de la commission mentionnée au II : 1° Par le préfet de région du lieu d'exercice de leur activité, aux praticiens en exercice à la date de publication du présent décret justifiant de conditions de formation équivalentes à celles prévues à l'article 2 du décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 visé ci-dessus ou attestant d'une expérience professionnelle dans le domaine de l'ostéopathie d'au moins cinq années consécutives et continues au cours des huit dernières années. Si aucune de ces deux conditions n'est remplie, la commission peut proposer des dispenses de formation en fonction de la formation initialement suivie " ; que le second décret prévoit que : " Le diplôme d'ostéopathe est délivré aux personnes ayant suivi une formation d'au moins 2 660 heures ou trois années comportant 1 435 heures d'enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie (...). Le contenu et la durée des unités de formation ainsi que les modalités de leur validation sont définis par arrêté du ministre chargé de la santé. Le diplôme est délivré par les établissements agréés mentionnés aux articles 5 à 7 du présent décret ou par l'un des établissements universitaires mentionnés à l'article 9 " ; que, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance que ces décrets du 25 mars 2007 soient postérieurs à la période d'imposition en litige ne fait pas obstacle à ce que le juge de l'impôt puisse, sans entacher pour autant sa décision d'une erreur de droit, prendre en compte, notamment, les critères fixés par ces textes pour apprécier si les personnes ayant pratiqué pendant cette période des actes d'ostéopathie peuvent être regardés comme ayant présenté alors des qualifications professionnelles de nature à assurer à leurs prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies, notamment, par des médecins ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A a obtenu dès le 26 septembre 2002 un diplôme en ostéopathie, après avoir suivi à l'Ecole européenne d'ostéopathie du Maidstone (Royaume-Uni), école privée spécialisée, une formation en ostéopathie pendant quatre années à temps plein, entre septembre 1998 et juillet 2002, ainsi qu'en atteste le directeur de cette école, pour un total minimum de 2 660 heures, dont 1 225 heures consacrées à l'enseignement théorique et pratique de l'ostéopathie ; qu'il n'est pas sérieusement contesté par l'administration que cette formation, sanctionnée par la délivrance d'un diplôme plusieurs années avant le début de la période d'imposition en litige, était équivalente à celle aujourd'hui exigée par le décret susmentionné du 25 mars 2007, l'intéressé ayant d'ailleurs reçu l'autorisation d'user du titre d'ostéopathe par décision du directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Rhône-Alpes en date du 19 juin 2008 ; que M. A doit ainsi être regardé comme établissant que les actes accomplis par lui pendant la période en litige, alors que son activité n'était pas encore réglementée, étaient d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin, auraient été dès alors exonérés, sans que le ministre puisse utilement faire valoir que l'intéressé n'apporterait pas la preuve qu'au cours de ladite période il s'est abstenu d'accomplir des actes d'ostéopathie aujourd'hui interdits aux praticiens qui n'ont pas la qualité de médecin ; qu'il suit de là qu'en vertu du principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée et sans que le ministre puisse davantage utilement faire valoir, en tout état de cause, que le législateur avait entendu n'exonérer de taxe sur la valeur ajoutée que les soins dispensés par les membres de professions médicales ou paramédicales réglementées, M. A était en droit de bénéficier, pendant la période en litige, de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a ordonné la restitution des droits de taxe sur la valeur ajoutée acquittés par M. A au titre de cette période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 ;
DECIDE :
Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. Frédéric A.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2012 à laquelle siégeaient :
M. Duchon-Doris, président,
M. Montsec, président-assesseur,
Mme Besson-Ledey, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 24 mai 2012.
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N° 11LY01691