Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 4 juillet 2011 sous forme de télécopie, confirmée par courrier le 6 juillet 2011, sous le n° 11BX1599, présentée pour la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT dont le siège est Abbaye d'EN Calcat à Dourgne (81110) par la SCP d'avocat Ortscheidt ;
La COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0704890 du 6 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de la décision du président de la région Midi-Pyrénées, née du rejet implicite de sa demande du 3 juillet 2007 tendant à obtenir une subvention en vue de l'installation d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de la région Midi-Pyrénées la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012 :
- le rapport de M. Valeins, président assesseur,
- et les conclusions de M. Bentolila, rapporteur public ;
Vu la note en délibéré enregistrée au greffe de la Cour le 8 février 2012, présentée pour la région Midi-Pyrénées ;
Considérant que par lettre en date du 3 juillet 2007, la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT a demandé au président de la région Midi-Pyrénées le bénéfice d'une subvention pour l'installation d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique ; qu'une décision implicite de rejet, née du silence gardé sur cette demande, a été opposée par le président de la région Midi-Pyrénées ; que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT a demandé au Tribunal administratif de Toulouse l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision ; que, par jugement en date du 6 mai 2011, le Tribunal administratif de Toulouse a rejeté cette demande ; que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT interjette appel du jugement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : "Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la minute du jugement par lequel la demande de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT a été rejetée, n'a pas été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ; qu'ainsi, le jugement est entaché d'une irrégularité qui, eu égard à l'objet des dispositions de l'article R. 741-7, présente un caractère substantiel ; que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT est donc fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ; que le jugement du Tribunal administratif de Toulouse doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT devant le tribunal administratif ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La République ne reconnaît, ne salarie, ni ne subventionne aucun culte " ; qu'au sens des dispositions de la loi du 9 décembre 1905, l'exercice d'un culte consiste dans la célébration de cérémonies organisées en vue de l'accomplissement, par des personnes réunies par une même croyance religieuse, de certains rites ou de certaines pratiques ;
Considérant que selon ses statuts, la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT a en particulier pour objet la pratique de la vie monastique selon la règle de Saint Benoît c'est-à-dire " de vaquer à la prière liturgique et à l'oraison, de s'adonner aux disciplines philosophiques, théologiques, spirituelles et artistiques, et de pourvoir à la subsistance de ses membres par le produit de son travail " ; qu'il ressort des pièces du dossier que la vie des BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT se partage entre le travail et les activités cultuelles comme la prière liturgique, la messe et la lecture en commun de la Bible ; que, dans ces conditions, alors même qu'en tant que congrégation religieuse la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT est régie par les dispositions du titre III de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, elle entre dans le champ d'application de la loi du 9 décembre 1905, dès lors qu'elle exerce une activité cultuelle et qu'elle fait une demande de subvention ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes des dispositions de l'article 13 de la loi du 9 décembre 1905 : " (...) L'Etat, les départements, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront engager les dépenses nécessaires pour l'entretien et la conservation des édifices du culte dont la propriété leur est reconnue par la présente loi " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de la même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées et de celles des articles 1 et 2 de la loi du 9 décembre 1905 que les collectivités publiques peuvent seulement financer les dépenses d'entretien et de conservation des édifices servant à l'exercice d'un culte dont elles sont demeurées ou devenues propriétaires lors de la séparation des Eglises et de l'Etat ou accorder des concours aux associations cultuelles pour des travaux de réparation d'édifices cultuels et qu'il leur est interdit d'apporter une aide à l'exercice d'un culte ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce qu'une collectivité publique finance des travaux qui ne sont pas des travaux d'entretien ou de conservation d'un édifice servant à l'exercice d'un culte, en accordant une subvention lorsque l'édifice n'est pas sa propriété, en vue de la réalisation d'un équipement ou d'un aménagement en rapport avec cet édifice, à condition, notamment, que cet équipement ou cet aménagement présente un intérêt public local, qu'il ne soit pas destiné à l'exercice du culte et que la subvention ne soit pas versée à une association cultuelle ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que si la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT exerce des activités cultuelles, elle n'a pas exclusivement pour objet l'exercice d'un culte ; qu'elle ne constitue donc pas une association cultuelle au sens des dispositions de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905 ; qu'au surplus les installations d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique destinées respectivement à assurer le chauffage du monastère, qui comprend notamment boutiques et atelier, et à la production d'eau chaude sanitaire pour le bâtiment d'accueil des hôtes, ne peuvent être regardées comme des travaux de réparation d'un édifice cultuel ; que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT ne pouvait donc pas bénéficier d'une subvention en vertu des dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 19 de la loi du 9 décembre 1905 ;
Considérant, d'autre part, que ces installations ne peuvent être regardées comme des travaux d'intérêt public local ou général dès lors que leur seule utilité est d'améliorer le confort et de réduire les coûts de fonctionnement en matière de chauffage et de production d'eau chaude sanitaire des immeubles de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT ; que la circonstance que les installations s'inscrivent dans le cadre d'une politique définie par l'Etat pour la réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et pour le développement des énergies renouvelables, ne suffit pas à faire regarder lesdits travaux comme d'intérêt public local ou d'intérêt général ; que, dans ces conditions, la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT ne peut légalement bénéficier de la subvention demandée en invoquant le caractère d'intérêt public des travaux envisagés ;
Considérant, en troisième lieu, que si la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT fait valoir que d'autres régions ont accepté de subventionner l'installation de chaufferies au bois de congrégations religieuses, les circonstances que d'autres régions se soient abstenues de faire application de la loi du 9 décembre 1905 ou aient fait une appréciation différente de l'intérêt de l'opération dont le subventionnement était demandé, ne peuvent faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une méconnaissance du principe d'égalité devant la loi ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'eu égard à sa formulation, l'article 2 de la Charte de l'Environnement, selon lequel " toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement ", ne saurait être regardé comme imposant à la région Midi-Pyrénées d'octroyer la subvention en question sans tenir compte des dispositions de la loi du 9 décembre 1905 ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 de la Charte de l'environnement doit donc être écarté ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 9 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (...). / 2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée sans distinction aucune fondée notamment sur (...) la religion " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique (...) " ;
Considérant que le refus par le président de la région Midi-Pyrénées de subventionner l'installation d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique ne porte atteinte ni à la liberté de religion de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT ni à sa liberté de manifester sa religion dès lors qu'il ne concerne que des travaux tendant à la diminution du coût du chauffage des bâtiments et de la production d'eau chaude sanitaire dont l'absence éventuelle de réalisation du fait de ce refus n'est pas de nature à faire obstacle aux activités religieuses de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT; que la décision attaquée n'a donc pas été prise en méconnaissance des stipulations des articles 9 et 14 précités de la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales ; que si la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT invoque également la méconnaissance par le refus contesté des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, elle ne précise pas en quoi la subvention demandée constituerait un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel ; qu'elle n'indique pas non plus en quoi la décision attaquée porterait atteinte à ce bien de façon discriminatoire par rapport aux droits et libertés protégés par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les moyens tirés de la méconnaissance par la décision attaquée des stipulations précitées de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de son premier protocole additionnel doivent être écartés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le président de la région Midi-Pyrénées a rejeté sa demande de subvention pour l'installation d'une chaufferie à bois et d'un chauffe-eau solaire thermique;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Midi-Pyrénées, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT la somme demandée par la région Midi-Pyrénées au titre de ces mêmes frais ;
DECIDE
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Toulouse en date du 6 mai 2011 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT devant le Tribunal administratif de Toulouse est rejetée.
Article 3 : Le surplus de la requête de la COMMUNAUTE DES BENEDICTINS DE L'ABBAYE SAINT BENOIT D'EN CALCAT est rejeté.
Article 4 : Les conclusions de la région Midi-Pyrénées tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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