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22/11/2011 | FRANCE | N°11-80013

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 novembre 2011, 11-80013


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Carrefour hypermarchés,

contre l'arrêt n° 554 de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 novembre 2010, qui, pour paiement de salaires inférieurs au salaire minimum de croissance, l'a condamnée à vingt-quatre amendes de 100 euros chacune, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt a

ttaqué et des pièces de procédure que, par acte du 4 mai 2009, vingt-sept salariés de l'établis...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Carrefour hypermarchés,

contre l'arrêt n° 554 de la cour d'appel d'ANGERS, chambre correctionnelle, en date du 9 novembre 2010, qui, pour paiement de salaires inférieurs au salaire minimum de croissance, l'a condamnée à vingt-quatre amendes de 100 euros chacune, et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires en demande et en défense, et les observations complémentaires produits ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, par acte du 4 mai 2009, vingt-sept salariés de l'établissement de la société Carrefour hypermarchés à Cholet et le syndicat des services CFDT de Maine-et-Loire, ont fait citer cette société à comparaître devant le tribunal de police pour paiement, depuis le 1er mai 2008, de salaires inférieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), sur le fondement de l'article R. 3233-1 du code du travail ; qu'ils lui ont reproché d'avoir intégré dans le salaire de base des salariés concernés la rémunération prévue, à raison de 5% du travail effectif, par la convention collective étendue du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, alors que selon cette convention collective, durant les périodes de repos comprises dans le temps de présence journalier au sein de l'entreprise, l'exécution du travail est suspendue ; que le tribunal de police, ayant relaxé la prévenue pour une des contraventions poursuivies, a déclaré la prévention établie pour le surplus et prononcé sur les intérêts civils ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 385, 522, 550, 551 et 565 du code de procédure pénale ainsi que des articles L. 3231-4, L. 3231-5, R. 3231-1, R. 3231-4, R. 3231-7, R. 3242-1 et R. 3233-1 du code du travail, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré irrecevable l'exception de nullité de la citation initiale soulevée par la société Carrefour ;

"aux motifs que, sur les moyens de nullité, dans ses conclusions déposées devant la cour, la société Carrefour demande, au visa des articles 550, 551 et 565 du code de procédure pénale, ainsi que des articles L. 3231-4, L. 3231-5, R. 3231-1, R. 3231-4, R. 3231-7, R. 3242-1 et R. 3233-1 du code du travail, que soit prononcée la nullité de la citation initiale ; qu'il ne ressort pas de l'examen des trois jeux d'écritures déposées par la société Carrefour en première instance que cette société ait soulevé cette exception devant ledit tribunal, avant toute défense au fond ; que la note d'audience mentionne seulement que l'avocat de la prévenue a fait état dans sa plaidoirie d'irrégularités affectant la citation, mais sans solliciter que soit prononcée la nullité de cet acte, et le jugement du tribunal de police ne fait pas état d'une telle demande dans l'exposé des moyens des parties ; qu'il résulte de la rédaction des motifs du jugement, plus précisément du paragraphe consacré à la citation, que des irrégularités de celle-ci auraient été soulevées par le conseil de la société Carrefour, et si le premier juge a indiqué dans son dispositif qu'il rejetait les exceptions relatives à la nullité ou à l'irrégularité de la citation directe, la présentation de celles-ci n'a pu être faite que lors de la plaidoirie, après que les parties civiles et le ministère public avaient pris la parole ; qu'en conséquence, les exceptions présentées devant la cour, ne l'ayant pas été au début du procès de première instance, sont irrecevables en application des articles 385 et 522 du code de procédure pénale ;

"alors qu'aux termes de l'article 385, alinéa 6, du code de procédure pénale, les exceptions de nullité doivent être présentées avant toute défense au fond ; qu'est soulevée avant toute défense au fond au sens du texte précité, l'exception présentée oralement par le plaideur avant qu'il ne développe son argumentation sur le fond, peu important qu'il n'ait pas plaidé en premier ; que ce texte ne fait dès lors pas obstacle à ce que le prévenu, prenant la parole après que les parties civiles et le ministère public aient abordé le fond du litige, soulève à ce moment une exception de nullité avant de développer son argumentation sur le fond ; qu'en déclarant irrecevable l'exception de nullité de la citation soulevée par la société Carrefour au motif que la présentation de cette exception devant le premier juge avait été faite lors de la plaidoirie, après que les parties civiles et le ministère public avaient pris la parole, la cour d'appel a violé par fausse application l'article 385 du code de procédure pénale et par refus d'application, l'ensemble des textes visés au moyen";

Attendu que, contrairement à ce qui est soutenu, c'est à bon droit que, par application des dispositions de l'article 385 du code de procédure pénale, la cour d'appel a déclaré irrecevable l'exception de nullité visant la citation initiale à comparaître présentée devant elle par la société Carrefour hypermarchés, qui ne l'avait pas proposée en première instance avant toute défense au fond ;

Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 141-1 à L. 141-9 recod. L. 3231-1 et suivants , R. 154-1 recod. R. 3233-1 et D. 141-3 D. 3231-6 du code du travail ensemble l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, l'avenant n° 12 du 2 mai 2005 et de son arrêté d'extension en date du 3 octobre 2005, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les éléments constitutifs de l'infraction de paiement par l'employeur d'une rémunération inférieure au SMIC étaient réunis et, en conséquence, a condamné la société Carrefour à diverses amendes contraventionnelles ainsi qu'à payer aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que sur la culpabilité, le premier juge a justement retenu qu'aucune rémunération effective ne peut être inférieure au salaire minimum de croissance, lequel est un minimum horaire qui ne peut être comparé qu'au salaire horaire qui correspond, en vertu des dispositions de l'article D. 3231-6 du code du travail, à une heure de travail effectif, compte tenu des avantages en nature et majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, et à l'exclusion des sommes versées à titre du remboursement de frais, des majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et de la prime de transport ; que la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, en date du 12 juillet 2001, applicable en l'espèce, énonce que le temps de pause est un temps de repos, payé ou non, compris dans le temps de présence journalière dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue ; que le temps de pause ainsi défini ne correspond pas à un temps de travail effectif ; qu'il n'est pas prévu par ladite convention que durant ce temps de pause, le salarié demeurerait à la disposition de l'employeur et devrait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que le juge a d'ailleurs sur ce point opportunément relevé que dans le magasin Carrefour de Cholet, les salariés prenant leur pose pouvaient se rendre dans une salle aménagée à cet effet ou déambuler dans la galerie marchande jouxtant le magasin ou encore aller dans l'une des surfaces commerciales se trouvant à proximité de l'hypermarché ; que de sorte, ce temps de pause ne peut être assimilé à un temps de travail effectif par l'application des dispositions des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail ; que par ces motifs que la cour adopte, le premier juge a entièrement répondu aux différents moyens présentés par la société Carrefour ; qu'il en ressort que la rémunération de ces temps de pause ne peut constituer un complément de salaire entrant dans la comparaison avec le SMIC ; qu'il n'est pas nécessaire que les parties poursuivantes produisent, ni même ne visent les textes réglementaires ayant successivement fixé le montant du SMIC, ceux-ci devant être connu de tous, et du juge avant tous autres ; qu'en revanche, il leur appartient de faire la preuve du non-respect de ce minimum par la société Carrefour, en produisant notamment les bulletins de paie des salariés qui auraient été lésés ; qu'il convient, tout d'abord, de rappeler qu'en matière contravention, la prescription de l'action publique est d'un an et que ne peuvent donc être examinés que les faits postérieurs au 4 août 2008, la citation directe ayant été en l'affaire le premier acte de poursuite ; que les vingt-six salariés visés par l'acte d'appel produisent leurs bulletins de paie jusqu'au mois de décembre 2008 inclus et, compte tenu de ce qui précède, ne doivent être examinés que ceux correspondant aux périodes de travail postérieures au 4 août 2008 ; que deux de ces salariés, Mmes X... et Y..., ne justifient d'aucun versement de salaire inférieur au SMIC durant la période visée par la prévention et non couverte par la prescription ; que les vingt-quatre autres ont perçu durant deux mois, août et septembre 2008, un salaire horaire inférieur au SMIC de 0,03 euros à 0,08 euros ; que la société Carrefour s'est donc bien rendue coupable de l'infraction reprochée à l'égard de ces vingt-quatre salariés travaillant dans son magasin du centre commercial de Cholet ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu sa culpabilité pour ces faits ; qu'en revanche, il devra être infirmé, et la société Carrefour relaxée pour ce qui concerne Mmes X... et Y... ; qu'il convient, en outre, de confirmer le jugement en ce qu'il a relaxé la société Carrefour pour les faits concernant Mme Z..., pour laquelle aucun justificatif n'a été produit, en première instance comme devant la cour ; que, sur la peine,
l'article R. 3233-1 du code du travail dispose que l'amende, prévue pour les contraventions de cinquième classe, est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales ; qu'il sera donc prononcé vingt-quatre amendes, et non vingt-six à l'encontre de la société Carrefour ; que le tribunal a justement fixé le montant de chacune des amendes à 100 euros, et ce montant sera maintenu ; que sur l'action civile, Mme Z... n'ayant pas fait appel de la décision, et la société appelante ne demandant rien sur ce point, le chef de dispositif la concernant ne peut qu'être confirmé ; que le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a accordé à Mmes X... et Y... une indemnisation, et ces parties civiles seront déboutées de leurs demandes ; que les autres salariés ont subi un préjudice financier, résultant de l'écart entre le taux horaire appliqué et le SMIC, mais l'indemnisation de ce préjudice relève de la compétence du Conseil des prud'hommes ; qu'ils ont, en outre, subi un préjudice moral résultant des démarches effectuées et des difficultés rencontrées pour faire valoir leurs droits face à leur employeur qui a persisté, en dépit d'observations faites par les services de l'inspection du travail et de plusieurs condamnations judiciaires, dans son analyse erronée des dispositions légales et réglementaires ; qu'il y a lieu d'allouer à chacun d'eux une indemnité de 100 euros, et le jugement sera également réformé sur ce chef ; que la violation des dispositions protectrices des salariés que constitue l'ensemble de la réglementation sur le salaire minimum de croissance est une atteinte aux intérêts que les syndicats professionnels ont pour mission de défendre ; que le syndicat CFDT des services de Maine-et-Loire est donc bien fondé à réclamer la réparation du préjudice résultant de cette atteinte, que le tribunal a justement fixée à la somme de 1 000 euros ; que les parties civiles attraites en appel sont bien fondées à demander à être indemnisées des frais qu'elles y ont exposés pour défendre leurs intérêts ; qu'ayant eu un seul conseil, qui a écrit et plaidé pour toutes ensembles, il leur sera alloué à ce titre une somme unique de 800 euros ;

"1) alors que doivent être prises en compte dans la comparaison entre le salaire réel et le SMIC les majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, c'est-à-dire toutes les sommes perçues par un salarié en contrepartie ou à l'occasion de son travail, de sorte que sont seules exclues du calcul du salaire devant être au moins égal au SMIC, les primes liées à une situation ou à une sujétion particulière du salarié envers l'entreprise et les primes dont le versement est aléatoire ; que les primes ou sommes versées de façon uniforme et systématique à tous les salariés constituent des « compléments de salaire de fait » et sont à retenir pour effectuer la comparaison entre le salaire perçu par le salarié et le salaire minimum de croissance ; que tel est le cas de la rémunération forfaitaire des temps de pause conventionnellement prévue et équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, devant être versée de façon uniforme et systématique à tous les salariés, proportionnellement à leur temps de travail effectif et indépendamment de la prise effective d'une pause ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail, ensemble l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire ;

"2) alors que l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail prévoit que le salaire horaire à prendre en considération pour vérifier l'application du SMIC est celui qui correspond à une heure de travail effectif, «compte tenu des avantages en nature et des majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire » ; que, sauf à vider ce texte de sa substance, les « majorations» qu'il prévoit ne sauraient s'assimiler à la contrepartie directe d'un travail effectif par hypothèse déjà rémunéré, de sorte qu'en statuant comme ils l'ont fait et en écartant la rémunération forfaitaire du temps de pause, équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base, sous le seul prétexte que le temps de pause lui-même ne pouvait être qualifié de « travail effectif », les juges du fond ont violé le texte susvisé par fausse interprétation ;

"3) alors qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), les salariés disposent "d'une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif " ; que la rémunération de cette pause, dès lors qu'elle prend la forme d'une majoration de salaire équivalente à une majoration de 5 % du salaire de base et est donc directement proportionnelle au temps de travail effectif du salarié, lequel influe ainsi directement sur son montant, doit être considérée comme la contrepartie de ce même travail effectif ; qu'en jugeant du contraire, les juges du fond ont violé par fausse interprétation le texte conventionnel précité, ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ;

"4) alors qu'aux termes de l'article 5-4 de la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001, étendue par arrêté du 26 juillet 2002 (JORF 6 août 2002), tous les salariés disposent "d'une pause payée à raison de 5 % du temps de travail effectif", ladite pause étant définie comme « un temps de repos – payé ou non – compris dans le temps de présence journalier dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue», cependant que le même texte ne rend obligatoire la prise effective de la pause ainsi définie que pour les salariés qui travaillent par intervalles continus de plus de quatre heures ; qu'il en résulte que le paiement de la « pause payée » n'est pas subordonné à la prise effective d'une pause venant entrecouper le temps de présence journalier dans l'entreprise ; que, par conséquent, même à supposer que l'employeur ne puisse inclure dans le calcul des salaires, afin de les porter au niveau du salaire minimum de croissance, la rémunération spécifique prévue par une convention ou un accord collectif ou par un contrat de travail dont peuvent faire l'objet les temps consacrés aux pauses si celles-ci ne constituent pas un travail effectif, la « prime de pause » prévue par le texte conventionnel précité ne correspond pas à cette hypothèse dès lors qu'elle est indifféremment versée aux salariés qui ne prennent pas de façon effective une pause au cours de leur journée de travail ; que cet élément de rémunération, qui ne vient donc pas rémunérer de façon spécifique une période de pause mais est versé de façon forfaitaire à l'ensemble des salariés, doit être requalifié en élément de salaire venant rémunérer la prestation de travail elle-même et doit être par conséquent inclus dans l'assiette du SMIC ; qu'en jugeant du contraire, la cour d'appel a violé le texte conventionnel précité ensemble l'article D. 141-3 recod. D. 3231-6 du code du travail ;

"5) alors qu'en déclarant que la « prime de pause » payée aux salariés ne devait pas être incluse dans l'assiette du calcul destiné à la vérification du respect du SMIC sans vérifier si les salariés concernés prenaient effectivement des pauses durant leur temps de présence journalier dans l'entreprise, condition nécessaire pour que la « prime de pause » puisse être considérée comme une rémunération spécifique aux dites pauses et non comme la contrepartie du temps de travail effectif, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes";

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 111-3, 121-3, 122-3 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a dit que les éléments constitutifs de l'infraction de paiement par l'employeur d'une rémunération inférieure au SMIC étaient réunis et en conséquence, a condamné la société Carrefour à diverses amendes contraventionnelles ainsi qu'à payer aux parties civiles diverses sommes à titre de dommages-intérêts ;

"aux motifs que sur la culpabilité, le premier juge a justement retenu qu'aucune rémunération effective ne peut être inférieure au salaire minimum de croissance, lequel est un minimum horaire qui ne peut être comparé qu'au salaire horaire qui correspond, en vertu des dispositions de l'article D. 3231-6 du code du travail, à une heure de travail effectif, compte tenu des avantages en nature et majorations diverses ayant le caractère de fait d'un complément de salaire, et à l'exclusion des sommes versées à titre du remboursement de frais, des majorations pour heures supplémentaires prévues par la loi et de la prime de transport ; que la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, en date du 12 juillet 2001, applicable en l'espèce, énonce que le temps de pause est un temps de repos, payé ou non, compris dans le temps de présence journalière dans l'entreprise pendant lequel l'exécution du travail est suspendue ; que le temps de pause ainsi défini ne correspond pas à un temps de travail effectif ; qu'il n'est pas prévu par ladite convention que durant ce temps de pause, le salarié demeurerait à la disposition de l'employeur et devrait se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; que le juge a d'ailleurs sur ce point opportunément relevé que dans le magasin Carrefour de Cholet, les salariés prenant leur pose pouvaient se rendre dans une salle aménagée à cet effet ou déambuler dans la galerie marchande jouxtant le magasin ou encore aller dans l'une des surfaces commerciales se trouvant à proximité de l'hypermarché ; que de sorte, ce temps de pause ne peut être assimilé à un temps de travail effectif par l'application des dispositions des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail ; que par ces motifs que la cour adopte, le premier juge a entièrement répondu aux différents moyens présentés par la société Carrefour ; qu'il en ressort que la rémunération de ces temps de pause ne peut constituer un complément de salaire entrant dans la comparaison avec le SMIC ; qu'il n'est pas nécessaire que les parties poursuivantes produisent, ni même ne visent les textes réglementaires ayant successivement fixé le montant du SMIC, ceux-ci devant être connu de tous, et du juge avant tous autres ; qu'en revanche, il leur appartient de faire la preuve du non-respect de ce minimum par la société Carrefour, en produisant notamment les bulletins de paie des salariés qui auraient été lésés ; qu'il convient, tout d'abord, de rappeler qu'en matière contravention, la prescription de l'action publique est d'un an et que ne peuvent donc être examinés que les faits postérieurs au 4 août 2008, la citation directe ayant été en l'affaire le premier acte de poursuite ; que les vingt-six salariés visés par l'acte d'appel produisent leurs bulletins de paie jusqu'au mois de décembre 2008 inclus et, compte tenu de ce qui précède, ne doivent être examinés que ceux correspondant aux périodes de travail postérieures au 4 août 2008 ; que deux de ces salariés, Mmes X... et Y..., ne justifient d'aucun versement de salaire inférieur au SMIC durant la période visée par la prévention et non couverte par la prescription ; que les vingt-quatre autres ont perçu durant deux mois, août et septembre 2008, un salaire horaire inférieur au SMIC de 0,03 euros à 0,08 euros ; que la société Carrefour s'est donc bien rendue coupable de l'infraction reprochée à l'égard de ces vingt-quatre salariés travaillant dans son magasin du centre commercial de Cholet ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a retenu sa culpabilité pour ces faits ; qu'en revanche, il devra être infirmé, et la société Carrefour relaxée pour ce qui concerne Mmes X... et Y... ; qu'il convient, en outre, de confirmer le jugement en ce qu'il a relaxé la société Carrefour pour les faits concernant Mme Z..., pour laquelle aucun justificatif n'a été produit, en première instance comme devant la cour ; que, sur la peine,
l'article R. 3233-1 du code du travail dispose que l'amende, prévue pour les contraventions de cinquième classe, est appliquée autant de fois qu'il y a de salariés rémunérés dans des conditions illégales ; qu'il sera donc prononcé vingt-quatre amendes, et non vingt-six à l'encontre de la société Carrefour ; que le tribunal a justement fixé le montant de chacune des amendes à 100 euros, et ce montant sera maintenu ; que sur l'action civile, Mme Z... n'ayant pas fait appel de la décision, et la société appelante ne demandant rien sur ce point, le chef de dispositif la concernant ne peut qu'être confirmé ; que le jugement sera en revanche infirmé en ce qu'il a accordé à Mmes X... et Y... une indemnisation, et ces parties civiles seront déboutées de leurs demandes ; que les autres salariés ont subi un préjudice financier, résultant de l'écart entre le taux horaire appliqué et le SMIC, mais l'indemnisation de ce préjudice relève de la compétence du Conseil des prud'hommes ; qu'ils ont, en outre, subi un préjudice moral résultant des démarches effectuées et des difficultés rencontrées pour faire valoir leurs droits face à leur employeur qui a persisté, en dépit d'observations faites par les services de l'inspection du travail et de plusieurs condamnations judiciaires, dans son analyse erronée des dispositions légales et réglementaires ; qu'il y a lieu d'allouer à chacun d'eux une indemnité de 100 euros, et le jugement sera également réformé sur ce chef ; que la violation des dispositions protectrices des salariés que constitue l'ensemble de la réglementation sur le salaire minimum de croissance est une atteinte aux intérêts que les syndicats professionnels ont pour mission de défendre ; que le syndicat CFDT des services de Maine-et-Loire est donc bien fondé à réclamer la réparation du préjudice résultant de cette atteinte, que le tribunal a justement fixée à la somme de 1 000 euros ; que les parties civiles attraites en appel sont bien fondées à demander à être indemnisées des frais qu'elles y ont exposés pour défendre leurs intérêts ; qu'ayant eu un seul conseil, qui a écrit et plaidé pour toutes ensembles, il leur sera alloué à ce titre une somme unique de 800 euros ;

"1) alors que nul ne peut être puni pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis de manière précise par le règlement ; qu'en déclarant les prévenus coupables d'avoir payé un salaire inférieur au salaire minimum de croissance cependant que l'article R. 154-1 du code du travail alors applicable au moment des faits se borne à énoncer que sont passibles de l'amende prévue pour les contraventions de la 5ème classe les employeurs qui paient les salaires inférieurs au minimum prévu par les articles L. 141-1 à L. 141-9, lesquels ne comportent aucune référence au temps de pause et à la question de savoir s'il doit être pris en compte pour vérifier le respect du salaire minimum de croissance, et cependant qu'il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que les autres dispositions du code du travail à savoir les articles L. 212-4 du code du travail ainsi que l'article 5-4 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire relatif au temps de pause, auxquels le texte d'incrimination ne renvoie d'ailleurs pas, ne précisent pas de manière explicite si ce temps de pause doit entrer dans le calcul du salaire minimum interprofessionnel de croissance, la cour d'appel a violé les articles L. 111-3 du code pénal et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"2) alors que n'est pas pénalement responsable la personne qui justifie avoir cru, par une erreur sur le droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir l'acte ; qu'en tout état de cause le doute doit profiter aux prévenus ; qu'à supposer pour les besoins du raisonnement que la rémunération du temps de pause ne puisse être considérée comme un complément de salaire et être ainsi prise en compte pour le calcul du SMIC, a violé ces principes, la cour d'appel qui retient les prévenus dans les liens de la prévention tout en constatant en l'état des textes applicables que la question de l'intégration de la rémunération forfaitaire du temps de pause dans le calcul destiné à la vérification du respect du SMIC ne donnait lieu à aucune exclusion précise et ferme à laquelle les prévenus auraient contrevenu";

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour déclarer la prévention établie à l'égard de vingt quatre salariés de l'établissement de la société Carrefour hypermarchés à Cholet, et écarter l'argumentation de la prévenue qui soutenait notamment que la rémunération forfaitaire des temps de pause, telle que prévue par la convention collective applicable, répondait à des critères de fixité, de généralité et de constance et constituait ainsi, de fait, une composante du salaire minimum garanti, l'arrêt, après avoir analysé les bulletins de paie produits par les parties civiles, retient que, selon la convention collective, les salariés de la société Carrefour peuvent vaquer librement à leurs occupations personnelles durant les pauses et ne sont pas à la disposition de l'employeur, et que, dans ces conditions, la rémunération du repos leur étant accordé ne peut être assimilée à du temps de travail effectif, ainsi que le prévoient les dispositions des articles L. 3121-1 et L. 3121-2 du code du travail ;

Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance comme de contradiction et qui reposent sur l'examen de la situation personnelle de chacun des salariés concernés, la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors que les temps de pause, correspondant en l'espèce à un temps de repos obligatoire durant lequel l'exécution du travail était suspendue, ne pouvaient être reconnus comme un temps de travail effectif et que les primes les rémunérant en application de l'article L. 3121-2, alinéa 2, du code du travail, ne constituant pas un complément de salaire de fait, étaient exclues du salaire devant être comparé au salaire minimum de croissance ;

Qu'il s'ensuit que les moyens proposés par la demanderesse, inopérants en ce qu'ils invoquent vainement une prétendue imprécision des textes applicables ainsi que l'existence d'une erreur sur le droit non constituée, en la cause, au regard des dispositions de l'article 122-3 du code pénal, ne sauraient être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

FIXE à 2 000 euros la somme que la société Carrefour hypermarchés devra verser aux défendeurs en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Guirimand conseiller rapporteur, M. Blondet conseiller de la chambre ;

Greffier de chambre : M. Bétron ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 11-80013
Date de la décision : 22/11/2011
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Présentation - Moment - Présentation avant toute défense au fond

Selon les dispositions de l'article 385, dernier alinéa, du code de procédure pénale, les exceptions de nullité, pour être recevables, doivent être présentées avant toute défense au fond. Il résulte de ce principe, d'une part, que l'exception de nullité doit être présentée en première instance avant que le prévenu ne s'engage dans sa défense au fond, et, d'autre part, qu'une telle exception ne peut être utilement proposée pour la première fois en cause d'appel, après débat au fond devant le tribunal en présence dudit prévenu ou de son avocat


Références :

article 385 du code de procédure pénale

Décision attaquée : Cour d'appel d'Angers, 09 novembre 2010

Sur le caractère irrecevable des exceptions de nullités présentées tardivement, à rapprocher :Crim., 19 septembre 1994, pourvoi n° 93-85641, Bull. crim. 1994, n° 298 (rejet) ;Crim., 29 mars 1995, pourvoi n° 94-82320, Bull. crim. 1995, n° 137 (rejet) ;Crim., 14 mai 2008, pourvoi n° 07-88013, Bull. crim. 2008, n° 113 (rejet)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 nov. 2011, pourvoi n°11-80013, Bull. crim. criminel 2011, n° 237
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2011, n° 237

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Salvat
Rapporteur ?: Mme Guirimand
Avocat(s) : SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Masse-Dessen et Thouvenin

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:11.80013
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