LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée le 18 décembre 2006 par contrat à durée indéterminée à temps partiel en qualité d'agent d'accueil par la société Cinéma lorrain Cinélor, qui exploite la salle de cinéma Empire à Saint-Dié-des-Vosges ; que le contrat de travail rappelait que, conformément à l'article L. 212-4-4 du code de travail, chaque journée de travail ne devait comporter qu'une seule coupure d'activité qui devait pas excéder 2 heures ; qu'invoquant l'existence de temps de coupure supérieurs au temps de travail, des temps d'activité inférieurs à 1 heure 30 et le défaut de respect de la réglementation des contrats de travail à temps partiel, la salariée a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de limiter la condamnation de l'employeur à lui payer certaines sommes à titre de rappel de salaires pour la période du 18 décembre 2006 au 31 janvier 2009, outre les congés payés afférents et de la débouter de ses demandes au titre des rappels de salaire pour la période du 1er février 2009 au 30 mars 2010 et de complément d'indemnité, alors, selon le moyen :
1°/ que lorsqu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail ou de stipulations contractuelles, la journée de travail du salarié à temps partiel comporte une coupure d'activité d'une durée supérieure à deux heures, le salarié a droit à ce que l'amplitude de la journée de travail soit intégralement retenue comme du temps de travail effectif à l'exception de deux heures correspondant à la durée de la coupure maximum autorisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en dépit d'une clause expresse du contrat de travail, les horaires imposés à la salariée comportaient des coupures d'activité excédant deux heures ; qu'en se fondant, pour rejeter néanmoins la demande de rappel de salaire, sur la considération inopérante que la salariée avait pu, pendant ces coupures, vaquer librement à ses occupations, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-16 du code du travail et 1134 du code civil ;
2 / que lorsqu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail ou de stipulations contractuelles, la journée de travail du salarié à temps partiel comporte plusieurs coupures d'activité, le salarié a droit à ce que ces coupures soient intégralement retenues comme du temps de travail effectif à l'exception de la plus longue, dans la limite de deux heures correspondant à la durée de la coupure maximum autorisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en dépit d'une clause expresse du contrat de travail, les horaires imposés à la salariée comportaient plus d'une coupure d'activité par jour ; qu'en se fondant, pour rejeter néanmoins la demande de rappel de salaire, sur la considération inopérante que la salariée avait pu, pendant ces coupures, vaquer librement à ses occupations, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-16 du code du travail et 1134 du code civil ;
3 / que la méconnaissance, par l'employeur, des dispositions légales et des stipulations contractuelles régissant le nombre et la durée des coupures d'activité imposées au salarié à temps partiel au cours de la journée de travail cause nécessairement un préjudice à celui-ci ; qu'en rejetant les demandes de la salariée après avoir constaté le manquement de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel, à qui il appartenait de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, a violé les articles L. 3123-16 du code du travail, 1134 du code civil et 1147 du code civil et 12 du code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que si le défaut de respect des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail, relatif aux interruptions d'activité, ouvre droit à réparation du préjudice causé au salarié, le dépassement des limites relatives aux interruptions d'activité d'un salarié à temps partiel au cours de la même journée de travail ne peut, en l'absence de dispositions légales ou conventionnelles en ce sens, être assimilé à du temps de travail effectif ;
Attendu, ensuite, que le juge n'est pas tenu, sauf règles particulières, de changer la dénomination ou le fondement juridique des demandes formées par les parties ; qu'ayant constaté qu'elle était saisie d'une demande au titre d'un rappel de salaire en raison du défaut de respect des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail, qu'elle rejetait, la cour d'appel n'était pas tenue de rechercher si cette action pouvait être fondée au titre de l'indemnisation des conséquences du manquement invoqué ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais, sur le second moyen :
Vu les articles L. 1234-9 du code du travail et 3 de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 ;
Attendu qu'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de transition professionnelle n'a pas de cause et l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées ;
Attendu que pour débouter la salariée de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis l'arrêt retient que la totalité de l'indemnité de préavis a été versée par l'employeur à Pôle emploi ;
Qu'en statuant ainsi, alors que seules les sommes versées par l'employeur à la salariée pouvaient être déduites de la créance au titre de l'indemnité de préavis, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute Mme X... de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis, l'arrêt rendu le 10 décembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Cinélor aux dépens ;
Vu l'article 37, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1991 et l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Cinélor et la condamne à payer à Me Haas la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze décembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné la société Cinelor à verser à Mme X... la somme de 1.174,78 euros à titre de rappel de salaire pour la période du décembre 2006 au 31 janvier 2009, outre 117,48 euros au titre des congés payés afférents et D'AVOIR débouté Mme X... de ses demandes de rappel de salaire au titre de la période du 1er février 2009 au 30 mars 2010 et de complément d'indemnité de licenciement ;
AUX MOTIFS QUE, sur les rappels de salaires au titre du non-respect de la durée maximale des coupures et de la durée minimale des périodes de travail, Mme X... fonde sa demande sur le non respect par l'employeur du nombre de coupures journalières prévu par le contrat de travail et le non-respect de la durée minimale des périodes d'activité ; que la société Cinelor considère s'être conformée aux stipulations de la convention collective, de l'accord-cadre du 3 octobre 1997 et de l'avenant n° 24 à la convention collective du 15 mars 2000 en ce qui concerne le nombre des coupures dans une même journée et la durée minimale des périodes travaillées ; qu'elle ajoute que Mme X... pouvait rentrer chez elle pendant les coupures de sorte qu'elle n'était pas à la disposition de son employeur et n'effectuait pas un travail effectif ; que, s'agissant des coupures journalières, l'article L. 3123-16 du code du travail prévoit que l'horaire de travail du salarié à temps partiel ne peut comporter au cours d'une même journée plus d'une interruption d'activité ou une interruption supérieure à deux heures, sauf exception prévue par une convention collective ou un accord de branche étendu ; que l'accordcadre du 3 octobre 1997 de la convention collective de l'exploitation cinématographique a prévu une dérogation à cette règle en fixant à deux le nombre de coupures autorisées, stipulation reprise dans l'avenant n° 24 à la convention collective du 15 mars 2000, non étendu, cet avenant précisant au surplus que, dans les établissements ne fonctionnant pas en permanent (ce qui est le cas du cinéma Empire de Saint-Dié-des-Vosges), les interruptions d'activité peuvent dépasser la durée maximale de deux heures ; que, toutefois, le contrat de travail de Mme X... comporte la clause suivante : « Conformément à l'article L. 212-4-4 du code du travail, chaque journée de travail ne doit comporter qu'une seule coupure d'activité. Celle-ci ne doit pas excéder deux heures » ; que cette clause, plus favorables que les dispositions conventionnelles, doit prévaloir sur ces dispositions ; qu'en ce qui concerne le durée minimale des périodes d'activités, l'accord-cadre précité du 3 octobre 1997 prévoit en son article 4.1 que la journée de travail doit comporter « une période d'activité continue qui doit être au moins d'une heure et demie » ; que la société Cinélor considère que ce texte implique uniquement qu'une période d'activité soit au moins égale à une heure et demie mais que, dans la même journée, d'autres périodes d'activité peuvent être d'une durée inférieure ; que les dispositions du texte précité, mises en regard avec celles de l'article L. 3123-16 du code du travail conduisent à considérer que la salariée ne pouvait travailler chaque jour pendant plus de deux périodes, dont l'une devait être d'une durée non inférieure à une heure et demie, la coupure entre les deux périodes ne pouvant excéder deux heures ; que dans le cas de Mme X..., le rapprochement des emplois du temps qu'elle produit et des relevés récapitulatifs qu'elle a minutieusement établis révèlent des horaires de travail variant, selon les jours, de la manière suivante : soit 13 h 40 – 14 h 05 ; 16 h 10 – 17 h 30 ; 20 h 10 - 21 h 10, soit 13 h 40 – 16 h ; 16 h 10 – 17 h 30 ; 20 h 10 – 21 h 30, soit 20 h 10 – 21 h ; 22 h 15 -22 h 50 ou parfois 23 h 45, ou encore certains jours de manière encore différente ; que ces horaires comportent certains jours de la semaine, plus de deux périodes quotidiennes inférieures à une heure et demie, plus de deux périodes de travail, soit plus d'une coupure et des interruptions de plus de deux heures ; que l'employeur reconnaît la réalité de ces horaires mais affirme que Mme X... habitait à 5 mn de son lieu de travail et qu'elle pouvait rentrer chez elle pendant les coupures, quelle qu'en soit la durée ; que le conseil de prud'hommes a considéré, quant à lui, que Mme X... n'avait pas pu vaquer librement à ses occupations, qu'elle ne pouvait pas prévoir les coupures qu'elle a dû subir et qu'elle n'a pas pu travailler chez un autre employeur, de sorte qu'il convenait de retenir au titre du travail effectif l'amplitude quotidienne diminuée de heures de coupure quotidiennes ; que Mme X... approuve l'analyse faite par les premiers juges dont elle sollicite l'adoption en appel ; que le mode de calcul qu'elle suggère est le suivant : lorsqu'une coupure a excédé deux heures, l'amplitude de la journée doit être intégralement retenue comme temps de travail effectif à l'exception de deux heures, durée de la coupure autorisée ; que, toutefois, le fait qu'e l'intéressée ne puisse pas regagner son domicile entre deux périodes de travail ne permet pas de considérer à lui seul qu'elle restait à la disposition de son employeur et que ces périodes d'inactivité doivent être regardées comme du temps de travail effectif ; qu'au contraire, Mme X... connaissait parfaitement les heures auxquelles elle devait être présente sur le lieu du travail et savait qu'elle pouvait disposer librement de son temps entre deux prestations de travail ; que le paiement du temps de coupure excédant deux heures constituerait, dans ces conditions, non pas le paiement d'un travail effectif mais une sanction qui n'est prévue par aucun texte ; que Mme X... ne demande pas l'application du principe selon lequel l'absence, dans le contrat de travail, des mentions légales exigées par l'article L. 3123-147 du code du travail, en particulier de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, et des cas dans lesquels une modification éventuelle de la répartition des horaires peut intervenir, fait présumer que le contrat est un contrat à temps complet ; que le jugement qui a fait droit à la demande de rappel de salaire sera, en conséquence, infirmé ; que cette infirmation ne sera toutefois que partielle puisque la société Cinelor ne la demande que pour les condamnations excédant la somme de 1.174,78 euros outre 117,48 au titre des congés payés, somme qu'elle indique devoir après vérification des tableaux horaires de la salariée ; que, sur les demandes formées au titre des rappels de salaires du 1er février 2009 au 30 mars 2010 et du complément d'indemnité de licenciement, ces demandes, fondées sur la réévaluation du salaire de base de Mme X..., ne peuvent être accueillies, cette réévaluation ayant été écartée ;
ALORS, 1°), QUE lorsqu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail ou de stipulations contractuelles, la journée de travail du salarié à temps partiel comporte une coupure d'activité d'une durée supérieure à deux heures, le salarié a droit à ce que l'amplitude de la journée de travail soit intégralement retenue comme du temps de travail effectif à l'exception de deux heures correspondant à la durée de la coupure maximum autorisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en dépit d'une clause expresse du contrat de travail, les horaires imposés à la salariée comportaient des coupures d'activité excédant deux heures ; qu'en se fondant, pour rejeter néanmoins la demande de rappel de salaire, sur la considération inopérante que la salariée avait pu, pendant ces coupures, vaquer librement à ses occupations, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-16 du code du travail et 1134 du code civil ;
ALORS, 2°), QUE lorsqu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 3123-16 du code du travail ou de stipulations contractuelles, la journée de travail du salarié à temps partiel comporte plusieurs coupures d'activité, le salarié a droit à ce que ces coupures soient intégralement retenues comme du temps de travail effectif à l'exception de la plus longue, dans la limite de deux heures correspondant à la durée de la coupure maximum autorisée ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté qu'en dépit d'une clause expresse du contrat de travail, les horaires imposés à la salariée comportaient plus d'une coupure d'activité par jour ; qu'en se fondant, pour rejeter néanmoins la demande de rappel de salaire, sur la considération inopérante que la salariée avait pu, pendant ces coupures, vaquer librement à ses occupations, la cour d'appel a violé les articles L. 3123-16 du code du travail et 1134 du code civil ;
ALORS, 3°) et subsidiairement, QUE la méconnaissance, par l'employeur, des dispositions légales et des stipulations contractuelles régissant le nombre et la durée des coupures d'activité imposées au salarié à temps partiel au cours de la journée de travail cause nécessairement un préjudice à celui-ci ; qu'en rejetant les demandes de la salariée après avoir constaté le manquement de l'employeur à ses obligations, la cour d'appel, à qui il appartenait de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, a violé les articles L. 3123-16 du code du travail, 1134 du code civil et 1147 du code civil et 12 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR rejeté la demande de Mme X... tendant à la condamnation de la société Cinelor au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis ;
AUX MOTIFS QU'ayant plus de deux ans d'ancienneté, Mme X... avait droit à une indemnité de préavis conventionnelle et légale de deux mois de salaire ; que l'employeur ayant versé l'indemnité de préavis aux organismes publics, Mme X... n'a rien perçu ; que si, en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de transition professionnelle devient sans cause de sorte que l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, c'est sous la réserve des sommes déjà versées à ce titre en vertu du dit contrat ; que la totalité de l'indemnité de préavis ayant été versé par l'employeur à Pôle Emploi, Mme X... ne peut prétendre à aucune somme de ce chef ;
ALORS QU'en l'absence de motif économique de licenciement, le contrat de transition professionnel devient sans cause de sorte que l'employeur est alors tenu à l'obligation du préavis et des congés payés afférents, sauf à tenir compte des sommes déjà versées au salarié à ce titre en vertu dudit contrat ; qu'en rejetant la demande du salarié en paiement d'une indemnité compensatrice de préavis à raison des sommes déjà versées de ce chef à Pôle Emploi, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 du code du travail et 3 de l'ordonnance n° 2006-433 du 13 avril 2006 relative à l'expérimentation du contrat de transition professionnelle.