LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Donne acte à MM. X... et Y..., ès qualités de leur intervention à l'instance ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article L. 223-18 du code de commerce ;
Attendu que la rémunération du gérant d'une société à responsabilité limitée est déterminée soit par les statuts, soit par une décision de la collectivité des associés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que par actes des 17 octobre 2007 et 7 janvier 2008, M. Z... et Mme A..., son épouse, titulaires de l'intégralité des parts représentant le capital de la société à responsabilité limitée Préfabriqués Garreau (la société), ont cédé celles-ci à M. B... ; que faisant valoir que M. Z..., qui avait exercé jusqu'à la cession de sa participation les fonctions de gérant de la société, avait prélevé, avant la cession, au titre de sa rémunération afférente à l'exercice 2007, certaines sommes dont le versement n'avait pas été autorisé par l'assemblée des associés, la société et M. B... ont fait assigner M. et Mme Z... en paiement de ces sommes, augmentées des charges sociales ;
Attendu que pour rejeter cette demande, l'arrêt retient que M. et Mme Z... étant les seuls associés de la " société cédée ", il est sans intérêt de s'attacher à déterminer si les prélèvements critiqués ont été ou non autorisés par l'assemblée générale ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu entre les parties, le 15 juin 2011, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne M. et Mme Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Préfabriqués
Z...
ainsi qu'à M. B... la somme globale de 2 500 euros ; rejette les autres demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq septembre deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat aux Conseils, pour M. B... et autres
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société PREFABRIQUES
Z...
, Monsieur B... et la société GROUPE BETONS B... de leurs demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, ainsi que les cotisations sociales qui y étaient liées, outre intérêts ;
AUX MOTIFS QUE l'existence des prélèvements contestés dans les derniers jours de décembre 2007 ne fait l'objet d'aucune observation ; qu'il résulte du protocole d'accord du 17 octobre 2007 que :- article 3 : le prix des parts sociales a été déterminé en considération de la valorisation du fonds de commerce arrêtée d'un commun accord entre les parties à la somme de 245. 000 euros, du montant des capitaux propres figurant au bilan au 31 décembre 2006 pour 134. 171 euros, de l'absence de distribution de dividendes depuis le 31 décembre 2006, du montant prévisionnel des capitaux propres de la société qui devra être identique à celui au 31 décembre 2006, le cédant s'engageant à le reconstituer dans le cas contraire, des renseignements donnés par le cédant, étant précisé que les comptes au décembre 2007 seront arrêtés contradictoirement entre les parties selon les méthodes d'usage dans la société,- article 7 : le compte courant associé de Philippe Z... lui a été remboursé,- article 8 : garantie d'actif et de passif : aucune mention n'a été portée sous la rubrique « résultats » au titre de l'exercice clos au 31 décembre 2007, puisque non connu lors de la signature du protocole ; qu'il est par ailleurs précisé que le gérant n'est pas titulaire d'un contrat de travail ; que la cession de parts définitive, signée le 7 janvier 2008, fixe définitivement le prix de cession, identique à celui prévu au protocole, renvoie aux obligations réciproques des parties fixées dans le protocole du 17 octobre 2007, et dispose que les bénéfices réalisés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 resteront acquis aux cessionnaires, ladite mention étant d'ailleurs apposée en bas de page, au voisinage immédiat des paraphes des parties ; qu'aucun de ces deux actes ne règle expressément la question de la rémunération du gérant, dont il est cependant rappelé qu'il n'est pas salarié ; les époux Z... étant les seuls associés de la société cédée, il est sans intérêt de s'attacher à déterminer si les prélèvements critiqués ont ou non été autorisés par l'assemblée générale ; que selon la thèse des cessionnaires, la valorisation des parts arrêtée par les parties tenait compte de l'intéressement du gérant, et, en contrepartie, les bénéfices attendus pour l'exercice 2007 à hauteur de 80. 000 euros devaient revenir aux cessionnaires ; que de fait, le protocole contient bien une mention relative à la valeur au bilan du fonds, après amortissement, de 82. 533 euros, portée, d'un commun accord entre les parties à la somme de 245. 000 euros, ce qui peut en effet correspondre au fait que l'intéressement du gérant au titre de 2007 était compris dans le prix de cession, sans que ceci soit cependant démontré, faute de tout autre élément le confirmant ; qu'au soutien de la thèse contraire, Philippe Z... fait valoir qu'il s'est borné à prélever sa rémunération habituelle, soit, en plus de sa rémunération fixe, un prime d'intéressement représentant 30 % du résultat courant ; qu'il produit en pièce 9, l'attestation de son ancien comptable, selon laquelle, lors de la signature du protocole, il a été convenu entre les parties que la situation nette de la société devrait être la même au 31 décembre 2007 qu'au 31 décembre 2006, à savoir disposant de capitaux propres à hauteur de 134. 171 euros et que le gérant était autorisé à percevoir une prime dont la société supporterait les charges sociales, conditions rappelées à trois reprises lors de la réunion et, selon l'attestant, non négociable pour Philippe Z... ; que cependant, ce témoin précise au début de son attestation qu'au cours de ces mêmes discussions, les parties envisageaient une cession de parts n'intégrant pas le fonds de commerce ; qu'or les documents contractuels précités intéressent bel et bien une cession de parts sociales comprenant le fonds de commerce, puisque ce dernier est l'élément principal du prix, et il n'est fait aucune mention d'un éventuel intéressement du gérant au titre de l'exercice 2007, non plus d'ailleurs que de sa rémunération fixe, étant rappelé qu'il n'était pas salarié ; qu'en l'état, il est donc constant que :- les parties ont convenu le 17 septembre 2007 que les capitaux propres lors de la cession effective devaient être d'un montant minimal de euros, le cédant s'engageant à verser la différence au cas où l'exercice ferait apparaître une perte,- elles ont stipulé, lors de la signature définitive de la cession, le 7 janvier 2008, que les « bénéfices » de l'exercice 2007 (sous la gestion du cédant) resteraient acquis au cessionnaire, leur montant n'étant ni précisé ni même estimé,- les modalités de la rémunération du gérant au titre de l'exercice 2007 n'ont fait l'objet d'aucune disposition, étant observé que le protocole du 17 septembre rappelle que le cessionnaire a reçu communication des comptes pour les trois années antérieures et que ce dernier indique lui même que la rémunération et l'intéressement du gérant ont, au titre de ces trois exercices, été compris entre 55. 414 euros et 39. 000 euros ; que la contradiction entre ces éléments n'est en réalité qu'apparente ; qu'en effet, les parties n'ont pu s'accorder sur une absence totale de rémunération et d'intéressement aux résultats de 2007 du gérant, qui était inacceptable pour Philippe Z..., et l'affirmation de Guillaume B... selon laquelle il en a été tenu compte dans l'évaluation du fonds n'est confortée par aucun élément et surtout pas sa valeur résultant du bilan puisque le fonds a été acquis en 1997, soit dix ans avant la cession ; qu'est en revanche démontré que le cessionnaire avait connaissance des modalités habituelles de rémunération du gérant et de son ordre de grandeur, puisqu'il reconnaît avoir eu connaissance des comptes intéressant les trois exercices antérieurs ; que la seule limite contractuelle fixée par les parties à cet intéressement résulte donc de l'exigence de maintenir les capitaux propres de la société à leur niveau du 31 décembre 2006 lors de la cession effective ; qu'or il n'est pas contesté que cette exigence a été satisfaite ; que la mention selon laquelle les bénéfices, d'un montant non précisé, restaient acquis au cessionnaire, insérée à l'acte signé le 7 janvier 2008 doit donc être considérée comme ayant seulement pour objet d'interdire au cédant toute réclamation postérieure à cet acte, compte tenu du délai nécessaire à l'établissement définitif des comptes de l'exercice 2007, dans l'hypothèse où ces derniers feraient apparaître des « bénéfices », ce terme renvoyant d'ailleurs à une notion plus fiscale que financière ; qu'au demeurant la situation pécuniaire de la société n'en a pas été durablement obérée puisque dès l'exercice 2008, cette dernière a été en mesure de verser un dividende de 40. 000 euros à ses associés et de constituer des réserves à hauteur de euros ; qu'en l'état, Guillaume B..., la société Préfabriqués
Z...
et le Groupe Bétons B... ne rapportent donc pas la preuve qui leur incombe de leurs droits sur les sommes revendiquées, étant observé que la demande de la SARL Groupe Bétons B... n'est même pas argumentée ;
1° ALORS QUE les modalités et le montant de la rémunération du gérant sont décidés par l'assemblée des associés de la société à responsabilité limitée ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, qu'il était sans intérêt de s'attacher à déterminer si les prélèvements critiqués avaient ou non été autorisés par l'assemblée générale des associés de la SARL PREFABRIQUES Z..., quand, en l'absence de délibération des associés sur ce point, Monsieur Z..., gérant de la SARL PREFABRIQUES Z..., ne devait percevoir comme seule rémunération au titre de l'année 2007 que la somme de 39. 000 euros, sans prime ni intéressement, déterminée par la dernière assemblée des associés et qu'il avait reçu au titre de l'année 2006, la Cour d'appel a violé l'article 1832 du Code civil, ensemble l'article 49 de la loi du 24 juillet 1966 ;
2° ALORS QU'en toute hypothèse, les modalités et le montant de la rémunération du gérant sont décidés par l'assemblée des associés de la société à responsabilité limitée ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leurs demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, qu'il était sans intérêt de s'attacher à déterminer si les prélèvements critiqués avaient ou non été autorisés par l'assemblée générale des associés de la SARL PREFABRIQUES Z..., sans rechercher, comme elle y était invitée, s'ils n'étaient pas fondés à croire que Monsieur Z..., gérant de la SARL PREFABRIQUES Z..., ne devait percevoir comme rémunération au titre de l'année 2007 que la somme de 39. 000 euros, sans prime ni intéressement, déterminée par la dernière assemblée des associés et qu'il avait reçu au titre de l'année 2006, dès lors que l'existence d'une décision des associés de revaloriser la rémunération du gérant leur avait été celée, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1832 du Code civil, ensemble l'article 49 de la loi du 24 juillet 1966 ;
3° ALORS QU'en toute hypothèse, dans leurs conclusions d'appel, les exposants faisaient valoir que les versements litigieux contrevenaient aux dispositions des actes de cession par lesquels les cédants s'étaient engagés à gérer la société en bon père de famille selon le cours normal des choses ainsi qu'à ne verser aucun dividende et avaient garanti que, jusqu'à la date de cession incluse, il ne serait mis à la charge de la société, de quelque manière que ce soit, ni nouvelles dettes ni nouvelles obligations auxquelles ils seraient directement ou indirectement intéressés ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, qu'aucune stipulation des contrats de cession ne faisait obstacle aux versements litigieux et qu'il était même inconcevable que les parties se soient accordées sur une absence d'intéressement des cédants aux résultats de l'exercice 2007, sans répondre à ce moyen pertinent de nature à établir le contraire, la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
4° ALORS QU'en toute hypothèse, la portée d'un contrat doit être déterminée au regard de son économie générale ; qu'en jugeant, pour débouter les exposants de leur demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, qu'aucune stipulation des contrats de cession ne faisait obstacle aux versements litigieux et qu'il était même inconcevable que les parties se soient accordées sur une absence d'intéressement des cédants aux résultats de l'exercice 2007, sans rechercher, comme elle y était invitée, s'il ne résultait pas de l'économie générale de ces conventions que les bénéfices devaient revenir aux cessionnaires ce qui excluait que l'un des cédants se les attribut, serait-ce de façon indirecte, en augmentant sa rémunération de gérant non salarié associé, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;
5° ALORS QU'en toute hypothèse, abuse de ses prérogatives contractuelles le contractant qui les met en oeuvre de telle façon qu'elles lui octroient des avantages hors de proportion avec ceux habituellement accordés en se fondant sur ses propres intérêts, sans prendre en compte ceux de son cocontractant et en contredisant la portée de ses engagements ; qu'en se bornant à retenir, pour débouter les exposants de leurs demandes tendant à être remboursés du surplus de rémunération perçu par Monsieur Z... au titre de l'année 2007, que le gérant avait droit à un intéressement aux résultats de l'année 2007 dans la seule limite contractuelle de maintenir les capitaux propres de la société à leur niveau du 31 décembre 2006 lors de la cession effective, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la liberté offerte aux cédants de fixer unilatéralement la rémunération du gérant pour l'année 2007 n'avait pas dégénérée en abus dès lors qu'elle les avait conduits à verser à Monsieur Z... une rémunération hors de proportion avec la rémunération qu'il percevait habituellement, en ne tenant compte que de leurs propres intérêts et en contredisant la portée des clauses précisant les éléments d'évaluation du prix des parts cédées, notamment l'absence de distribution de dividendes, imposant aux cédants de gérer la société en « bon père de famille » et attribuant aux cessionnaires les bénéfices de l'année 2007, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil.