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09/10/2012 | FRANCE | N°11-22023

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 octobre 2012, 11-22023


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 interprété par les lettres échangées entre les gouvernements français et monégasque le 16 juillet 1979 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X..., de nationalité marocaine, est décédé le 27 avril 2000 à Monaco où il résidait, laissant pour lui succéder ses frères et soeurs ainsi que des neveux ; que la déclaration de succession mentionne des parts non taxables de la société de droit monégasque Co

gest, propriétaire de biens immobiliers en France ; que l'administration fiscale a...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Vu l'article 2 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 interprété par les lettres échangées entre les gouvernements français et monégasque le 16 juillet 1979 ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Jean X..., de nationalité marocaine, est décédé le 27 avril 2000 à Monaco où il résidait, laissant pour lui succéder ses frères et soeurs ainsi que des neveux ; que la déclaration de succession mentionne des parts non taxables de la société de droit monégasque Cogest, propriétaire de biens immobiliers en France ; que l'administration fiscale a notifié aux héritiers une proposition de rectification soumettant ces titres aux droits de succession ; que les héritiers ont saisi le tribunal de grande instance afin d'être déchargés de cette imposition ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que, par un échange de lettres du 16 juillet 1979, les gouvernements français et monégasque ont décidé que les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions et parts sociales de sociétés, ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, ne sont soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés ; qu'il retient encore que la société Cogest, même si son actif est constitué de biens immobiliers, ne relève pas de cet échange de lettres et que ses parts sociales doivent, en application de l'article 6 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950, être assujetties aux droits de mutation dans la principauté de Monaco ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que seuls les biens auxquels ne s'appliquent pas les articles 2 à 5 de ladite Convention relèvent dudit article 6, que l'échange de lettres étend le champ d'application du paragraphe 1er de l'article 2 de cette dernière et qu'aux termes du paragraphe 2 de ce texte, la question de savoir si un bien ou un droit a le caractère immobilier sera résolue d'après la législation de l'Etat dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé, la cour d'appel a violé la Convention susvisée ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne Mme Micheline Y..., ès qualités de représentant de la succession de Nelly X..., épouse Z... et à titre personnel, M. Gilbert Z..., ès qualités de représentant de la succession de Nelly X..., épouse Z... et à titre personnel, M. Armand A..., M. Jacques B..., Mme Reine Z..., épouse Ohana, Mme Stella Z..., épouse C..., M. Elie D..., M. Robert Gabriel E..., M. Georges E..., Mme Danielle X..., épouse F..., Mme Elisabeth X..., Mme Colette Lucienne X..., épouse G... et M. Thierry X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour le directeur général des finances publiques,
Le moyen unique de cassation reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement de première instance et décidé que la procédure de rectification engagée par l'administration à l'encontre des héritiers de M. Jean X... n'était pas fondée ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « Attendu que l'article 2 de la convention franco-monégasque du 1er avril 1950 énonce :
"1 – Les immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux Etats contractants ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés.
2 – La question de savoir si un bien ou un droit a le caractère immobilier sera résolue d'après la législation de l'Etat dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé ".
Que par un échange de lettres du 16 juillet 1979, les gouvernements des deux pays ont décidé que les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions et parts sociales de sociétés, ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, ne sont soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés ;
Que l'article 6 de la convention précise :
"Les actions ou parts sociales, fonds d'Etat, obligations, créances chirographaires ou hypothécaires et tous autres biens laissés par un ressortissant de l'un des deux Etats auxquels ne s'appliquent pas les articles 2 à 5 seront soumis aux dispositions suivantes :
a ) si le de cujus était domicilié au moment de son décès dans l'un des deux Etats, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans cet Etat, b ) si le de cujus n'avait pas son domicile dans l'un des deux Etats, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat dont le de cujus était ressortissant au moment de son décès ; s'il était, au moment de son décès, ressortissant des deux Etats, chaque cas d'espèce fera l'objet de conventions particulières entre les administrations française et monégasque ".
Attendu que c'est dans ces conditions à bon droit, et part des motifs pertinents que la Cour adopte, que le Tribunal a estimé qu'il n'apparaissait pas que la société COGEST, même si son actif est constitué de biens immobiliers, relevait du type de sociétés visées par l'échange de lettres du 16 juillet 1979, dont les parts donnent vocation à la jouissance ou à l'attribution de lots définis d'immeubles, et que les parts sociales de la société COGEST qui appartenait à Monsieur Jean X... au jour de son décès, devaient en application de l'article 6 de la convention franco-monégasque, dès lors que celui-ci était domicilié à MONACO, être assujetties aux droits de mutation dans la principauté de MONACO ; que le jugement entrepris, qui a condamné l'administration à rembourser à ses héritiers les droits perçus au titre de la taxation de ces parts, doit en conséquence être confirmé ; »
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « c'est à tort que l'administration se réfère à cet égard à un échange de lettres du 16 juillet 1979 entre les autorités des deux Etats aux termes desquelles les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions et parts sociales de sociétés ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur indivision (sic) par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance ne sont soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés.
La société COGEST, en effet, ne relève aucunement du type de société visé par l'échange de lettres du 16 juillet 1979. Les sociétés visées sont les sociétés dites de copropriété régies par les articles L. 212-1 à L. 212-13 et R. 212-1 R. 212-16 du Code de la construction et de l'habitation, issus du titre II de la loi 71-579 du 16 juillet 1971 et du décret 72-1236 du 29 décembre 1972 et par l'article 1655 ter du Code général des impôts. Il s'agit de sociétés très particulières dont les parts donnent vocation à la jouissance où à l'attribution de lots définis de la copropriété de l'immeuble.
Or, si les associés de la société COGEST ont vocation à une partie indivise de l'actif social en cas de liquidation, les parts qu'ils possèdent ne leur donnent droit à aucun bien particulier dans l'actif social.
C'est à tort également que l'administration prétend fondée (sic) sa position sur l'article 2 de la Convention franco-monégasque de 1950, texte qui dispose :
"1 – Les immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux Etats contractants ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés.
2 – La question de savoir si un bien ou un droit a le caractère immobilier sera résolue d'après la législation de l'Etat dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé ".
A juste titre, en effet, les héritiers demandeurs rappellent que les parts d'une société civile immobilière monégasque, comme d'ailleurs d'une société civile de gestion française, sont des biens incorporels de nature mobilière, comme d'ailleurs tous droits sociaux composant le capital des sociétés.
Ceux en litige sont donc situés à Monaco.
En matière de biens meubles, la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 vise :
- les biens meubles corporels non investis dans une entreprise commerciale, industrielle ou autre article 3 - les navires et les aéronefs article 4 - les biens mobiliers investis dans une entreprise article 5 - et les autres biens article 6
Ne concernent pas le cas d'espèce les trois premiers types de biens : en effet, d'une part, les parts sociales sont des meubles incorporels et non corporels, d'autre part, les parts de la SCP COGEST ne sont nullement investies dans une quelconque entreprise et enfin lesdites parts ne sont ni un navire ni un aéronef.
Reste le cas prévu à l'article 6, texte qui expose :
"Les actions ou parts sociales, fonds d'Etat, obligations, créances chirographaires ou hypothécaires et tous autres biens laissés par un ressortissant de l'un des deux Etats auxquels ne s'appliquent pas les articles 2 à 5 seront soumis aux dispositions suivantes :
a ) si le de cujus était domicilié au moment de son décès dans l'un des deux Etats, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans cet Etat,b ) si le de cujus n'avait pas son domicile dans l'un des deux Etats, lesdits biens ne seront soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat dont le de cujus était ressortissant au moment de son décès ; s'il était, au moment de son décès, ressortissant des deux Etats, chaque cas d'espèce fera l'objet de conventions particulières entre les administrations française et monégasque ".
Mais, précisément, puisque Jean X... était domicilié à Monaco au moment de son décès, les parts de la société COGEST ne pouvaient donc (sic) assujetties aux droits de mutation que la dans Principauté de Monaco.
Ces parts étant de nature mobilière et non immobilière c'est, dès lors, à tort que l'Administration excipe de l'article 2 précité ; en effet, la convention ne vise pas les droits représentant indirectement des biens immobiliers ou des droits immobiliers situés dans un Etat.
Pour retenir cette analyse, la convention qui est de stricte interprétation, aurait dû le prévoir, comme l'ont fait d'autres conventions.
Ainsi, l'article 5 de la convention franco-italienne du 20 décembre 1990 sur les successions, prévoit, par exemple, en son paragraphe 3 que "l'expression "biens immobiliers" comprend aussi, à l'égard de la France, les actions ou parts d'une personne morale dont l'actif est principalement constitué d'immeubles situés en France ou de droits y afférents. Pour l'application de cette disposition, ne sont pas pris en considération les biens immobiliers affectés par cette personne morale à sa propre exploitation industrielle, commerciale, agricole ou à l'exercice d'une profession non commerciale".
Il n'apparaît donc pas possible d'apprécier la nature des biens en faisant abstraction de la société.
Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que la Direction des Services Fiscaux des Alpes Maritimes, considérant que la société COGEST est une société dont l'actif est principalement constitué d'immeubles situés en France, en a conclu que les parts de cette société sont imposables en France.
Les 682 parts de la société COGEST ne pouvaient donc pas entrer dans l'assiette taxable aux droits de succession en France ».
Article 2 de la convention francomonégasque du 1er avril 1950 et échange de lettres entre la France et la Principauté de Monaco du 16 juillet 1979 -violation de la loi par fausse interprétation-
ALORS QU' en application de l'article 2 de la convention signée le 1er avril 1950 entre la France et la Principauté de Monaco, les immeubles et droits immobiliers faisant partie de la succession d'un ressortissant de l'un des deux Etats contractants sont soumis aux droits de mutation dans l'Etat où ils sont situés ; que par un échange de lettres du 16 juillet 1976 entre les gouvernements français et monégasque, il a été précisé que les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions et parts sociales de sociétés ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance entraient également dans le champ d'application de la convention précitée ; qu'en toute hypothèse, en cas de difficulté, la nature immobilière d'un bien ou d'un droit doit être résolue en se référant à la législation de l'Etat dans lequel ce bien est situé ; qu'en application de la législation française, sont considérées comme des droits immobiliers les droits représentés par les titres de sociétés dont l'actif est principalement constitué d'immeubles situés en France ; que ces titres sont donc considérés comme français; qu'en décidant que l'échange de lettres précité restreignait la portée de l'article 2 de la convention franco-monégasque et qu'en conséquence seuls les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions ou parts sociales de sociétés de construction ou d'attribution pouvaient être taxés en France aux droits de mutation, la cour d'appel d'Aix-en-Provence a violé les stipulations de la convention entre la France et la Principauté de Monaco du 1er avril 1950, précisées par un échange de lettres entre les deux gouvernements du 16 juillet 1979.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 11-22023
Date de la décision : 09/10/2012
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 - Impôt sur les successions - Article 2 § 1 - Actions et parts de sociétés immobilières - Imposition dans l'Etat du lieu de situation des immeubles

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accord et conventions divers - Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 - Impôt sur les successions - Article 2 § 2 - Caractère immobilier d'un bien ou d'un droit - Législation applicable

En application de l'article 2, paragraphe 1er, de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950 interprété par les lettres échangées entre les gouvernements français et monégasque le 16 juillet 1979, les immeubles et droits immobiliers représentés par des actions et des parts sociales de sociétés, ayant pour objet la construction ou l'acquisition d'immeubles en vue de leur division par fractions destinées à être attribuées aux associés en propriété ou en jouissance, ne sont soumis à l'impôt sur les successions que dans l'Etat où ils sont situés et, aux termes du paragraphe 2 de ce texte, la question de savoir si un bien ou un droit a la caractère immobilier devra être résolue d'après la législation de l'Etat dans lequel est situé le bien considéré ou le bien sur lequel porte le droit envisagé


Références :

article 2 de la Convention franco-monégasque du 1er avril 1950

lettres échangées entre les gouvernements français et monégasque le 16 juillet 1979

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 03 mai 2011


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 oct. 2012, pourvoi n°11-22023, Bull. civ. 2012, IV, n° 180
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 180

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Batut
Rapporteur ?: Mme Bregeon
Avocat(s) : SCP Delaporte, Briard et Trichet, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 11/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:11.22023
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