LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu les articles 706-43 du code de procédure pénale et L. 210-9, alinéa 2, du code de commerce ;
Attendu qu'il résulte du premier de ces textes que l'action publique est exercée à l'encontre de la personne morale prise en la personne de son représentant légal à l'époque des poursuites et qu'en l'absence de toute personne habilitée à représenter la personne morale dans les conditions qu'il prévoit, le président du tribunal de grande instance désigne, à la requête du ministère public, du juge d'instruction ou de la partie civile, un mandataire de justice pour la représenter ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'une information judiciaire ayant été ouverte à l'encontre de la SARL Hôtelière du Camp Rambaud (la société) et de M. François X..., son gérant, lequel a été placé sous contrôle judiciaire avec interdiction de gérer la société, le procureur de la République a, le 2 mars 2011, sur le fondement de l'article 706-43 du code de procédure pénale, saisi le président du tribunal de grande instance d'une requête aux fins de désignation d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale à tous les actes de la procédure pénale ; que cette demande ayant été accueillie par une ordonnance du 9 mars 2011, la société, faisant valoir que M. Jean-Marc X... avait été nommé gérant le 2 mars 2011, a demandé, en référé, la rétractation de l'ordonnance sur requête ; que cette demande ayant été rejetée, la société a fait appel de cette décision ;
Attendu que pour dire qu'il n'y avait pas lieu à rétractation et que la mesure d'administration judiciaire de la société n'avait plus d'objet seulement depuis le 11 avril 2011, l'arrêt retient qu'il est justifié de la publication à cette date, au registre du commerce et des sociétés, de la désignation de M. Jean-Marc X... en qualité de gérant de la société ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que les associés avaient, le 2 mars 2011, nommé un nouveau gérant, ce dont il résultait que ce dernier était, à compter de cette date, habilité à représenter la personne morale à tous les actes de la procédure pénale suivie à son encontre, peu important que cette nomination n'ait été publiée au registre du commerce et des sociétés que le 11 avril 2011, la cour d'appel a violé, par fausse application, le dernier des textes susvisés et, par refus d'application, le premier de ces textes ;
Et vu l'article 627 du code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit que la mesure d'administration judiciaire n'avait plus d'objet depuis le 11 avril 2011, et en sa disposition relative aux dépens, l'arrêt rendu, entre les parties, le 17 mai 2011, par la cour d'appel de Nîmes ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Rétracte l'ordonnance sur requête du 9 mars 2011 ;
Laisse à la charge du Trésor public les dépens afférents à l'instance d'appel et à l'instance de cassation ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils, pour la société Hôtelière du Camp Rambaud
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la mesure d'administration judiciaire n'a plus d'objet seulement depuis le 11 avril 2011, sans rétracter l'ordonnance du 9 mars 2011 ;
AUX MOTIFS QU'en l'espèce, Monsieur le Procureur de la République près le Tribunal de grande instance d'AVIGNON a déposé une requête en désignation d'un mandataire de justice le 2 mars 2011 pour représenter la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD aux motifs de l'ouverture d'une information judiciaire contre Monsieur François X..., gérant de cette société, Monsieur Jean-François X..., directeur général, et contre la personne morale elle-même, des chefs de travail dissimulé, escroquerie, abus de biens sociaux, faux et usage de faux et de l'absence de personne habilitée à représenter l société, le gérant et le directeur général étant placés sous contrôle judiciaire avec interdiction de la gérer ; qu'en application du texte susvisé, si la désignation d'un mandataire de justice pour représenter la personne morale au cours des poursuites est facultative et laissée à l'initiative de son représentant légal, elle est obligatoire en cas de saisine par le Ministère public dans le cas prévu par l'alinéa 3 du texte susvisé de l'absence de personne habilitée à représenter la société ; qu'en l'espèce, si une assemblée générale a été convoquée par l'administrateur ad hoc missionné à cette fin et Jean-Marc X... désigné gérant le 2 mars 2011, cette décision n'était pas inscrite au registre du commerce à la date où le premier juge a statué ; qu'en l'absence de désignation de personne habilité à représenter la société, opposable aux tiers, il n'y avait pas lieu à rétractation ; que devant la Cour, il est justifié de la publication et de l'inscription au registre du commerce de la désignation de Monsieur Jean-Marc X... comme gérant de la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD le 11 avril 2011 ; qu'il y a donc lieu de constater que la mission d'administration judiciaire n'a plus d'objet depuis cette date ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la publication au registre du commerce de la nomination du gérant, si elle rend celle-ci opposable aux tiers, ne constitue pas une condition de l'existence du pouvoir du gérant régulièrement désigné de représenter la société en justice ; qu'en conséquence, dès lors qu'il n'était pas contesté que Monsieur Jean-Marc X... avait été régulièrement désigné comme gérant de la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD par assemblée générale du 2 mars 2011, il en résultait que cette société n'était pas dépourvue d'une personne habilitée à la représenter dans une instance pénale dès cette date, ce qui faisait obstacle à la désignation d'un mandataire de justice par le Président du Tribunal de grande instance par ordonnance du 9 mars 2011 ; qu'ainsi l'arrêt attaqué procède d'une violation de l'article 706-43 du Code de procédure pénale, ensemble les articles L. 223-18 et L. 210-9 du Code de commerce ;
ALORS EN TOUT ETAT DE CAUSE QUE la désignation d'un nouveau gérant est opposable dès sa nomination régulière d'une part à la société elle-même, d'autre part aux tiers intéressés qui en ont eu connaissance ; que, comme l'avait montré la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD dans ses conclusions non réfutées, la désignation de Monsieur Jean-Marc X... en remplacement de Monsieur François X... par délibération du 2 mars 2011 des associés de la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD avait été portée à la connaissance du Ministère public et de la SELARL BERTHOLET DE SAINT RAPT, personnes intéressées à la représentation de la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD dans le cadre des poursuites pénales, au plus tard le 31 mars 2011, ce dont il résultait qu'au jour du 11 avril 2011 où le premier juge, qui devait tenir compte de tous les faits survenus depuis la décision contestée, avait statué, il existait une personne habilitée à représenter la SARL HOTELIERE DU CAMP RAMBAUD, si bien que l'ordonnance du 9 mars 2011 devait être rétractée ; qu'ainsi, en jugeant que la mesure d'administration judiciaire n'a plus d'objet seulement depuis le 11 avril 2011, la Cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 706-43 du Code de procédure pénale et de l'article L. 210-9 du Code de commerce.