LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... et M. Y... se sont mariés le 4 juillet 1970, sans contrat préalable ; qu'aux termes de l'ordonnance de non-conciliation, un notaire a été désigné aux fins d'élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager ; que, par jugement du 22 septembre 2008, un juge aux affaires familiales a prononcé le divorce des époux pour acceptation du principe de la rupture du mariage et a condamné M. Y... à verser à Mme X... une prestation compensatoire en capital d'un montant de 15 000 euros ;
Attendu que, confirmant cette décision, l'arrêt a, en outre, rejeté la demande en paiement d'une indemnité formée par Mme X... du chef de l'occupation de l'immeuble commun par M. Y... ;
Sur le premier moyen, pris en ses quatre branches, ci-après annexé :
Attendu que ce grief n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le second moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu les articles 255 10° et 267, alinéa 4, du code civil ;
Attendu que s'il a désigné un notaire lors de l'audience de conciliation pour élaborer un projet de liquidation du régime matrimonial et de formation des lots à partager et si celui-ci contient des informations suffisantes, le juge aux affaires familiales a le pouvoir, en cas de désaccord persistant, de fixer l'indemnité d'occupation à l'occasion du prononcé du divorce ;
Attendu que, pour rejeter la demande de Mme X... tendant à voir fixer l'indemnité d'occupation due par M. Y..., l'arrêt retient que la demande n'a pas été faite en application des dispositions de l'article 267 du code civil ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que le rapport d'expertise établi le 20 décembre 2006 par le notaire désigné par l'ordonnance de non-conciliation avait évalué le bien immobilier commun et l'indemnité d'occupation y afférente, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations ;
PAR CES MOTIFS sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du second moyen :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté Mme X... de sa demande tendant à voir fixer l'indemnité d'occupation, l'arrêt rendu le 4 novembre 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept novembre deux mille douze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité la condamnation de Monsieur Pierre Yves Y... au titre de la prestation compensatoire due à Madame Françoise X... épouse Y... à la somme de 15.000 € ;
AUX MOTIFS QUE les articles 270 et suivants du code civil disposent que le divorce met fin au devoir de secours mais que l'un des époux peut être tenu de verser à l'autre une prestation destinée à compenser, autant qu'il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans leurs conditions de vie respectives ; cette prestation, qui a un caractère forfaitaire, est fixée selon les besoins de l'époux à qui elle est versée et les ressources de l'autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l'évolution de celle ci dans un avenir prévisible ; cette prestation prend la forme d'un capital dont le montant est fixé par le juge qui décide des modalités selon lesquelles elle s'exécutera. Dans la détermination des besoins et des ressources, le juge prend en considération, notamment, la durée du mariage, l'âge et l'état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelles, les conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux durant la vie commune pour l'éducation des enfants et du temps qu'il faudra encore y consacrer ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne, leur patrimoine estimé ou prévisible, tant en capital qu'en revenu après la liquidation du régime matrimonial, leurs droits existants et prévisibles et leur situation respective en matière de pension de retraite. Pierre Yves Y..., né le 20 novembre 1947, et Françoise X..., née le 20 août 1949 se sont mariés le 4 juillet 1970. Ils ont eu deux enfants, nés en 1971 et 1973. Françoise X... fait valoir qu'il existe une forte disparité entre leurs revenus ; elle-même est infirmière à l'éducation nationale, a travaillé à temps partiel de 1983 à 1987 pour s'occuper des enfants, a choisi de ne pas travailler comme infirmière libérale pour être plus disponible pour sa famille. Elle a atteint le dernier échelon de la classe supérieure des infirmières, perçoit un revenu mensuel de 2.460 euros, et percevra à 65 ans une retraite mensuelle d'un montant brut de 1.721 euros. Elle expose que la somme de 20.000 euros que lui a versée son mari est un acompte sur l'indemnité d'occupation qu'il lui doit. Ce dernier n'a pas versé la pension mensuelle de 400 euros qu'il lui doit au titre du devoir de secours. Elle a hérité de sa mère une somme de 115.447,3 3 euros, et n'héritera pas de son père qui est retraité et vit chez sa nièce. Elle a du s'installer à La Rochelle, au moment de la séparation, et ces sommes ont été en partie utilisées à cette fin. Elle soutient que son mari ne déclare pas tous ses revenus : notamment, il ne fait pas état de l'ensemble de ses revenus et biens dans sa déclaration sur l'honneur, n'a pas déclaré le fait qu'il est nu-propriétaire d'un bien immobilier dont sa mère est usufruitière, qu'il a reçu la somme de 288,886 euros de l'héritage de son père. En outre, il a toujours eu une activité de pilote instructeur, possède un avion, et a, à ce titre, des revenus non déclarés. Pierre Yves Y... s'oppose à ces demandes. Ingénieur au commissariat à l'énergie atomique, il est retraité et perçoit à ce titre la somme de 2.404 euros par mois. Il a hérité de son père en 1980, et les sommes perçues à ce titre ont été utilisées pour la communauté depuis cette date. Il conteste avoir des revenus liés à son activité de pilote, cette activité étant bénévole ; l'avion, qui a été construit par lui-même, fait partie de l'actif de la communauté. Il soutient que le partage à venir de la communauté va être réalisé au bénéfice de son épouse, en raison du montant de l'indemnité d'occupation qu'il devra, cette indemnité ayant été évaluée à la somme de 1.400 euros par mois par l'expert désigné lors de l'ordonnance de non conciliation. Le bien immobilier commun, évalué par l'expert désigné à la somme de 350.000 euros, doit être partagé par moitié, déduction ensuite faite, notamment, du montant de l'indemnité d'occupation due par lui, et de celui d'une somme de 6.000 euros pour l'utilisation du véhicule Citroën CX. Les deux parties ont fait des déclarations sur l'honneur. Françoise X... est infirmière à l'Education Nationale. Il n'est pas contesté qu'elle a travaillé à temps partiel, de 1983 à 1987, pour s'occuper de l'éducation des enfants. Elle a perçu, en 2009, un revenu annuel d'un montant de 30.822 euros, et percevra, au titre de la retraite, une somme d'un montant mensuel brut de 1.721 euros, à 65 ans. Elle a perçu les sommes ci-dessus exposées au titre d'un héritage, a dû s'installer depuis la séparation du couple à La Rochelle. Pierre Yves Y..., ingénieur, est à la retraite depuis janvier 2008, et a déclaré, à ce titre, la somme de 29.329 euros en 2009, comme en 2008. Françoise X... soutient que ce dernier a perçu, en outre, la somme de 67.316 euros en janvier 2008, et qu'il percevra une somme complémentaire à l'âge de 65 ans au titre la retraite des cadres, qu'enfin, il est nu-propriétaire d'un bien immobilier dont sa mère est usufruitière ; ce dernier ne s'explique pas sur ces différents points. L'héritage déjà perçu par Pierre Yves Y..., évoqué ci-dessus, l'a été en 1980 ; en conséquence, il sera retenu que ces sommes ont pu être dépensées depuis cette date. Il n'est pas établi, d'autre paît, qu'il ait une activité rémunérée au titre de pilote d'avion, ainsi que le soutient Françoise X.... Il est rappelé que la prestation compensatoire n'est pas destinée à égaliser les fortunes ; elle doit permettre de pallier l'importance du déséquilibre des situations économiques respectives des époux ; pour le surplus, les simples espérances successorales, par définition incertaines, n'ont pas à être prises en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire. Les époux supportent, proportionnelles à leur situation socio-professionnelle, les charges de la vie courante, impôts, logement, assurances... Les époux ont, principalement, un bien immobilier commun à partager par moitié, évalué par l'expert à la somme de 350.000 euros, Pierre Yves Y... devra, dans le cadre du partage à venir, payer l'indemnité d'occupation due en raison de sa domiciliation dans cet immeuble. Au regard de l'ensemble des éléments exposés ci-dessus, et notamment du fait que l'épouse a travaillé durant plusieurs années à temps partiel pour s'occuper des enfants, de l'âge des époux au moment du divorce, c'est à bon droit que la décision déférée a retenu une disparité dans les conditions de vie des époux au détriment de l'épouse, créée par le divorce. Le montant dû à ce titre a été justement apprécié à la somme de 15.000 €, la décision déférée sera confirmée de ce chef ;
ALORS DE PREMIERE PART QUE les juges doivent prendre en considération tous les composants du patrimoine existant ou prévisible des époux, tant en capital qu'en revenu, après la liquidation du régime matrimonial ; que Madame Y... a fait valoir que Monsieur Y... a refusé, malgré plusieurs sommations, de communiquer l'état de ses biens immobiliers, de ses biens mobiliers et de ses valeurs mobilières ; qu'elle a mis en exergue qu'elle a versé aux débats la recherche FICOBA qu'elle a dû entreprendre, en raison de la carence de Monsieur Y..., et dont il résulte que ce dernier dispose de plusieurs comptes bancaires non déclarés ; qu'elle a, en outre, exposé que selon le dernier bulletin de paie de Monsieur Y..., établi le 1er janvier 2008, ce dernier a perçu la somme de 67.316,97 €, et que ce dernier a produit une fausse attestation en vue de démontrer le contraire ; qu'elle a, par ailleurs, indiqué que Monsieur Y... possède la moitié de la nue-propriété d'un bien immobilier situé près de TOURNON D'AGENAIS, dont sa mère âgée de 92 ans est usufruitière (Conclusions d'appel de Madame Y..., p.3 et 4) ; qu'en retenant que les simples espérances successorales n'ont pas à être prises en compte pour l'appréciation de la prestation compensatoire et que les deux époux ont, principalement, un bien immobilier commun à partager par moitié, évalué par l'expert à la somme de 350.000 €, sans rechercher si Monsieur Y... ne disposait pas d'autres éléments de patrimoine sur l'existence desquels ce dernier ne s'est pas prononcé et dont il convenait de tenir compte pour fixer le montant de la prestation compensatoire due à Madame Y..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE Madame Y... faisait valoir que Monsieur Y... a refusé de produire aux débats l'état de ses biens immobiliers, de ses biens mobiliers et de ses valeurs mobilière et que ce dernier a fait preuve d'une mauvaise-foi flagrante, en dissimulant sciemment sa situation financière réelle, pour tenter d'échapper au versement de la prestation compensatoire (Conclusions d'appel de Madame Y..., p.5) ; qu'en se bornant à relever que Monsieur Y... ne s'est pas expliqué sur ces différents points, ce dont il résultait que ce dernier a manifestement entendu occulter certains composants de son patrimoine sans rechercher, ainsi qu'elle y avait été invitée, si Monsieur Y... en s'abstenant de s'expliquer sur ces différents points et en refusant de produire aux débats l'état de ses biens immobiliers, de ses biens mobiliers et de ses valeurs mobilière, n'a pas entendu dissimuler certains éléments de son patrimoine dans la perspective d'échapper au versement d'une prestation compensatoire, la cour d'appel a affecté une nouvelle fois sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ALORS DE TROISIEME PART ET EN TOUTE HYPOTHESE QUE le juge doit, en application de l'article 271 du code civil, tenir compte des conséquences des choix professionnels faits par l'un des époux durant la vie commune pour l'éducation des enfants ou pour favoriser la carrière de son conjoint au détriment de la sienne pour apprécier la situation respective des époux en matière de pensions de retraite ; que Madame Y... a mis en exergue, qu'en renonçant à faire carrière dans le secteur libéral et en se consacrant à la direction du foyer, cette dernière a favorisé celle de son conjoint, qui a pu accéder au statut de cadre, au détriment de la sienne et qu'elle serait ainsi très défavorisée en matière de retraite par rapport à son conjoint qui percevra, pour sa part, une somme complémentaire au titre la retraite des cadres (Conclusions d'appel de Madame Y..., p.8) ; qu'en fixant la prestation compensatoire due à Madame Y..., sans envisager, ainsi qu'elle le devait, les conséquences des choix professionnels fait par Madame Y... pour favoriser la carrière de son conjoint et assurer l'éducation des enfants, sur la situation respective des époux en matière de pensions de retraite, la cour d'appel a privé une nouvelle fois sa décision de base légale au regard de l'article 271 du code civil ;
ALORS DE QUATRIEME PART ET ENFIN QUE, les juges ne peuvent valablement s'abstenir de préciser l'importance et la nature des charges qui incombent à chacune des parties et plus particulièrement au débiteur de la prestation compensatoire ; que la cour d'appel s'est bornée, pour liquider la prestation compensatoire qu'elle a allouée à Madame Y..., à retenir que les époux supportent, proportionnellement à leur situation socio-professionnelle, les charges de la vie courante, impôts, logement, assurances sans préciser l'importance et la nature de ces charges, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR rejeté la demande de Madame Y... tendant à voir fixer l'indemnité d'occupation due par Monsieur Y... à 1.400 € par mois, à compter du jour où la jouissance de ce bien lui a été attribué à titre onéreux, soit le 27 juin 2006, jusqu'à son départ des lieux ;
AUX MOTIFS QUE la demande faite par l'appelante au titre de la fixation de l'indemnité d'occupation sera rejetée, cette demande n'étant pas faite dans le cadre des dispositions de l'article 267 du code civil ;
ALORS DE PREMIERE PART QU'en déboutant Madame Y... de sa demande tendant à voir fixer à la somme de 1.400 € le montant de l'indemnité d'occupation, au motif qu'une telle demande n'a pas été formulée dans le cadre de l'article 267 du code civil lequel confère exclusivement au juge du divorce le pouvoir d'ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux et, le cas échéant, de statuer sur les demandes d'attribution préférentielle voire, d'accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis, la cour d'appel a statué par la voie d'un motif inopérant impropre à justifier le rejet de la demande litigieuse et a privé sa décision de base légale au regard de telles dispositions ;
ALORS DE DEUXIEME PART QUE tout jugement doit être motivé sous peine de nullité ; qu'en déboutant Madame Y... de sa demande au titre de la fixation du montant de l'indemnité d'occupation au motif que cette demande n'a pas été faite dans le cadre des dispositions de l'article 267 du code civil, la cour d'appel a statué par la voie d'une simple affirmation en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS DE TROISIEME PART QU'il résulte de l'application combinée des articles 262-1 et 815-9 du code civil, qu'à compter de la date à laquelle le jugement de divorce prend effet dans les rapports patrimoniaux entre époux, une indemnité d'occupation est due par le conjoint qui jouit privativement d'un bien indivis ; que l'indemnité d'occupation de l'immeuble en indivision post-communautaire est due par le seul effet de la décision judiciaire qui a attribué la jouissance privative, alors même que l'occupation ne serait ni effective, ni continue ; que dès lors en refusant de fixer le montant de l'indemnité d'occupation de l'immeuble en indivision post-communautaire, alors qu'une telle prétention impliquait seulement pour la cour d'appel de tirer les conséquences qui résultaient de ce que Monsieur Y... est devenu redevable, d'office, d'une indemnité d'occupation par le seul effet de l'ordonnance de non conciliation du 27 juin 2006 qui lui a accordé la jouissance privative du bien indivis, la cour d'appel a violé les articles 262-1 et 815-9, alinéa 2, du code civil ;
ALORS DE QUATRIEME PART ET ENFIN QU'en refusant de fixer le montant de l'indemnité d'occupation de l'immeuble indivis après avoir pourtant constaté que Monsieur Y... est redevable d'une indemnité d'occupation évaluée à 1.400 € par mois, par l'expert désigné, depuis l'ordonnance de non conciliation et que ce dernier ne s'est nullement opposé à l'attribution du bien à son épouse, en raison de l'importance du montant dû au titre de l'indemnité d'occupation, qui ne lui permettra pas de payer une soulte, ce dont il résultait qu'il est constant et non contesté que Monsieur Y... est redevable de plein droit d'une indemnité d'occupation au titre de la jouissance privative du bien indivis qui lui a été accordée à compter de l'ordonnance de non conciliation, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé de plus fort les articles 262-1 et 815-9, alinéa 2, du code civil.