Vu I) la requête, enregistrée le 8 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 10VE01870, présentée pour l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG (EFS), dont le siège est 20, avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (931222), par le cabinet Houdart et associés, avocats ; l'ETABLISSEMENT FRANCAIS DU SANG demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0711057 en date du 13 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a déclaré responsable de la contamination de M. E...par le virus de l'hépatite C, l'a condamné à verser à M. E...la somme de 15 000 euros à titre de provision et à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme de 330 174,47 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 18 décembre 2007 capitalisés à compter du 18 janvier 2008 et a ordonné une expertise médicale complémentaire aux fins de déterminer l'étendue des préjudices des consorts E...;
2°) de rejeter la demande des consortsE... ;
Il soutient qu'il n'existe pas de preuve de l'administration à M. E...de produits sanguins lors de son hospitalisation à l'hôpital Beaujon en 1982 ; qu'il n'est pas démontré que les sommes réclamées par la Caisse primaire d'assurance maladie seraient directement liées à la contamination de M. E...dont l'état de santé procède de diverses causes dont certaines sont sans rapport avec sa contamination ;
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Vu II) la requête, enregistrée le 24 août 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles sous le n° 11VE03132, présentée pour M. C...E...demeurant..., Mme F...E...demeurant..., Mlle B...G...E...demeurant..., et Mlle D... H...E...demeurant..., par le cabinet Coubris, Courtois et associés, avocats ; les consorts E...demandent à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 0711057 en date du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a condamné l'ONIAM à verser la somme de 66 000 euros à M. E..., la somme de 6 000 euros à MmeE..., la somme de 2 100 euros à Mlle B...E..., la somme de 2 700 euros à Mlle D...E...; ils soutiennent que M. E...a subi deux transplantation hépatiques avec traitement antiviral de 70 semaines ; qu'il a subi une rechute faisant état d'une fibrose F2-F3 ; qu'il a été victime en 2004 d'une encéphalopathie hépatique chronique avec des conséquences neurologiques ; que le rapport d'expertise indique qu'il n'existe aucun signe d'éthylisme chronique ; que le partage de responsabilité opéré par les premiers juges doit donc être remis en cause ; qu'il y a lieu de verser à M. E...la somme de 102 286 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, la somme de 8 450 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel subi de mars 1987 à février 1993, la somme de 123 216 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire subi entre le 14 septembre 2005 et la consolidation acquise le 10 janvier 2011, la somme de 40 000 euros au titre des souffrances physiques, la somme de 150 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination, la somme de 64 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent et la somme de 20 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; qu'il y a lei de verser la somme de 20 000 euros à l'épouse de M. E...et la somme de 18 000 euros à chacun de ses enfants ;
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Vu III) la requête, enregistrée le 8 septembre 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour l'OFFICE NATIONAL D'INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX, DES AFFECTIONS IATROGENES ET DES INFECTIONS NOSOCOMIALES (ONIAM), dont le siège est Tour Gallieni II 36, avenue du Général de Gaulle à Bagnolet Cedex (93170), par Me Welsch, avocat ; l'ONIAM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0711057 en date du 12 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamné à verser la somme de 66 000 euros à M.E..., la somme de 6 000 euros à MmeE..., la somme de 2 100 euros à Mlle B...E..., la somme de 2 700 euros à Mlle D...E...;
2°) de rejeter la demande des consortsE... ;
Il soutient qu'aucune pièce du dossier ne permet de prouver que des produits sanguins auraient été administrés à M. E...lors de son hospitalisation à l'hôpital Beaujon en 1982 ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de Mme Colrat, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Agier-Cabanes, rapporteur public ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ou connexes et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué dans un même arrêt ;
Considérant que les consorts E...ont recherché devant la juridiction administrative la responsabilité de l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à raison de la contamination de M. E...par le virus de l'hépatite C à l'occasion d'une intervention chirurgicale subie le 23 novembre 1982 à l'hôpital Beaujon ; que, par un premier jugement en date du 13 avril 2010, le Tribunal administratif de Versailles a déclaré l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG responsable de 60 % des préjudices subis par les consortsE..., condamné l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG à verser à M. E... une indemnité provisionnelle de 15 000 euros et à la Caisse d'assurance maladie des Hauts-de-Seine la somme 330 174,47 euros et a ordonné une expertise complémentaire ; que, par un second jugement du 12 juillet 2011, le Tribunal administratif de Versailles a substitué l'ONIAM à l'ETABLISSEMENT FRANÇAIS DU SANG et l'a condamné à verser 66 000 euros à M. E...sous déduction de la provision déjà versée, 6 000 euros à MmeE..., 2 100 euros à Mlle A...E...et 2 700 euros à Mlle D...E... ; que l'ONIAM et les consorts E...font appel de ces jugements devant la Cour ;
Sur la responsabilité de l'ONIAM :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1221-14 du code de la santé publique, issu du I de l'article 67 de la loi susvisée du 17 décembre 2008 : " Les victimes de préjudices résultant de la contamination par le virus de l'hépatite C causée par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang réalisée sur les territoires auxquels s'applique le présent chapitre sont indemnisées par l'office mentionné à l'article L. 1142-22 dans les conditions prévues à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article L. 3122-1, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 3122-2, au premier alinéa de l'article L. 3122-3 et à l'article L. 3122-4 (...) " ; qu'aux termes du IV du même article 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 : " A compter de la date d'entrée en vigueur du présent article, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales se substitue à l'Etablissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. / Dans le cadre des actions juridictionnelles en cours visant à la réparation de tels préjudices, pour bénéficier de la procédure prévue à l'article L. 1221-14 du même code, le demandeur sollicite de la juridiction saisie un sursis à statuer aux fins d'examen de sa demande par l'office. / Cependant, dans ce cas, par exception au quatrième alinéa de l'article L. 1221-14 du même code, l'échec de la procédure de règlement amiable ne peut donner lieu à une action en justice distincte de celle initialement engagée devant la juridiction compétente " ; que les dispositions de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 sont entrées en vigueur le 1er juin 2010 ; que l'ONIAM se trouve dès lors substitué de plein droit à l'Etablissement français du sang dans la présente instance relative à l'indemnisation des préjudices résultant de la contamination de M. E...par le virus de l'hépatite C du fait de l'administration de produits d'origine sanguine ;
Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;
Considérant que la présomption prévue par les dispositions précitées est constituée dès lors qu'un faisceau d'éléments confère à l'hypothèse d'une origine transfusionnelle de la contamination, compte tenu de l'ensemble des éléments disponibles, un degré suffisamment élevé de vraisemblance ; que tel est normalement le cas lorsqu'il résulte de l'instruction que le demandeur s'est vu administrer, à une date où il n'était pas procédé à une détection systématique du virus de l'hépatite C à l'occasion des dons du sang, des produits sanguins dont l'innocuité n'a pas pu être établie, à moins que la date d'apparition des premiers symptômes de l'hépatite C ou de révélation de la séropositivité démontre que la contamination n'a pas pu se produire à l'occasion de l'administration de ces produits ; qu'eu égard à la disposition selon laquelle le doute profite au demandeur, la circonstance que l'intéressé a été exposé par ailleurs à d'autres facteurs de contamination, résultant notamment d'actes médicaux invasifs ou d'un comportement personnel à risque, ne saurait faire obstacle à la présomption légale que dans le cas où il résulte de l'instruction que la probabilité d'une origine transfusionnelle est manifestement moins élevée que celle d'une origine étrangère aux transfusions ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise en date du 20 décembre 2006 que malgré le caractère incomplet des documents relatifs à l'hospitalisation de M. E...à l'hôpital Beaujon en 1982, celui-ci a reçu au cours de l'intervention chirurgicale du 23 novembre 1982 deux culots globulaires et deux plasmas frais congelés dont l'enquête transfusionnelle n' a pas pu déterminer le statut sérologique du fait de la disparition des archives ; que le rapport indique que le risque de contamination de M. E...au cours de l'appendicectomie subie en 1965 ou de l'intervention sur une hernie discale pratiquée en 1976 est extrêmement faible ; que le rapport ne relève aucun comportement à risque de M. E... ; qu'ainsi l'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que l'absence de preuve de la contamination transfusionnelle de M. E...est de nature à exonérer sa responsabilité ;
Sur les préjudices :
Considérant que les premiers juges ont estimé que l'évolution de la maladie de M. E... était partiellement liée à un état d'alcoolisme chronique et que l'ONIAM ne pouvait être tenu pour responsable que de 60 % des préjudices subis par les consorts E... ; que, toutefois M. E...affirme n'avoir jamais été alcoolique et être sevré de consommation d'alcool depuis plus de vingt ans ; que, dans le dernier rapport d'expertise en date du 20 février 2011, le professeur Brion, neuropsychiatre, indique n'avoir trouvé aucun élément en faveur d'un alcoolisme chronique de M.E... ; qu'ainsi, celui-ci est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges n'ont déclaré l'ONIAM responsable que de 60 % des préjudices subi par lui et par les membres de sa famille ;
Sur le préjudice personnel de M.E... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. E...a été atteint à compter de 1987 par des symptômes d'une hépatite C parvenue au stade de la cirrhose ; que cette maladie a entrainé l'obligation pour M. E...de se soumettre à des traitements répétés, invalidants et générateurs d'une forte asthénie ; que M. E...a du subir deux transplantations hépatiques les 11 novembre 2004 et 18 juillet 2005 ; que la maladie de M. E... provisoirement stabilisée à un score metavir A1 F2 F3 reste évolutive ; que M. E... reste atteint à raison de son atteinte hépatique d'une incapacité évaluée par les experts à 30 % et à raison d'une encéphalopathie hépatique, conséquence de sa contamination, d'atteintes neurologiques engendrant une incapacité de 20 % ; que compte-tenu de la durée des traitements, des souffrances et incapacités endurées et de l'incertitude demeurant..., ;
Considérant, en revanche, qu'il convient d'écarter le surplus des conclusions formées par M. E...au titre d'un " préjudice spécifique de contamination ", dès lors que la contamination par le virus de l'hépatite C ne constitue pas, par elle-même, un préjudice indemnisable distinct de celui réparé ci-dessus au titre des troubles de toutes natures dans les conditions d'existence ;
Sur les préjudices subis par Mme E...et par MllesE... :
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme E..., épouse de M.E..., en lui allouant une indemnité de 10 000 euros ; que le préjudice moral des deux filles de M. E...sera réparé par une indemnité de 2 500 euros pour chacune d'entre elles ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM le versement d'une somme de 1 500 euros, d'une part, aux CONSORTS E...et d'une somme de 800 euros, d'autre part, à la CPAM des Hauts-de-Seine au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : L'ONIAM est condamné à verser à M. E...la somme de 120 000 euros, à Mme E...la somme de 10 000 euros, la somme de 2 500 euros à Mlle A...G...E...et la somme de 2 500 euros à Mlle D...E....
Article 2 : Les jugements en date du 13 avril 2010 et du 12 juillet 2011 du Tribunal administratif de Versailles sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'ONIAM est condamné à verser la somme de 1 500 euros aux consorts E...et la somme de 800 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie des Hauts-de-Seine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des consorts E...est rejeté.
Article 5 : La requête de l'ONIAM est rejetée.
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Nos 10VE01870-11VE03132-11VE03249 2