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03/05/2011 | FRANCE | N°10VE01670

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 03 mai 2011, 10VE01670


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société L'AIR LIQUIDE, dont le siège est 75, Quai d'Orsay à Paris (75007), par Me Bouchard, avocat à la Cour ; la société L'AIR LIQUIDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0713070 en date du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 pour un montant, en droit

s et intérêts de retard, de 402 002 euros ;

2°) de prononcer, à titre pr...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société L'AIR LIQUIDE, dont le siège est 75, Quai d'Orsay à Paris (75007), par Me Bouchard, avocat à la Cour ; la société L'AIR LIQUIDE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0713070 en date du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 402 002 euros ;

2°) de prononcer, à titre principal, la décharge de l'imposition contestée et, à titre subsidiaire, de prononcer la réduction du rappel de taxe sur la valeur ajoutée pour un montant, en droit et intérêts de retard, de 238 266 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les honoraires d'études exposés en vue de l'acquisition des filiales du groupe de droit allemand Messer sont déductibles en application de l'article 271 du code général des impôts, et plus généralement du principe de neutralité qui s'attache à cet impôt, sous réserve que ces acquisitions soient utilisées pour les besoins d'une activité imposable à cette taxe, ce qui est le cas en l'espèce ; que la propriété des biens acquis ne constitue pas une condition d'exercice de ce droit à déduction ; que la documentation administrative de base référencée 3 D-1231, mise à jour au 2 novembre 1996, aussi bien que la jurisprudence admettent depuis longtemps que la circonstance que le redevable ne soit pas propriétaire, au sens juridique du terme, des biens qu'il utilise n'interdit pas la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il convient seulement de se référer au cadre économique dans lequel l'opération intervient, c'est-à-dire de vérifier si l'opération est économiquement liée à la réalisation d'opérations ouvrant elles-mêmes droit à déduction ; que la circonstance que les dépenses exposées ont également bénéficié à un tiers ne suffit pas à leur ôter tout intérêt pour son exploitation ; que le juge de l'impôt n'a pas à s'immiscer dans la gestion des entreprises et n'a pas, en conséquence, à s'interroger sur le point de savoir si elle devait ou non prendre en charge directement les dépenses en cause ; qu'elle n'était pas sans intérêt à exposer des dépenses en vue de procéder à l'acquisition des filiales du groupe Messer dès lors qu'elle anime et développe les sociétés ainsi acquises afin, notamment, de les restructurer ; que les dépenses litigieuses ont, d'une part, permis de placer la propriété des titres acquis au sein de sa filiale Air Liquide International et, d'autre part, créé des recettes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de son activité d'animation des filiales auprès desquelles elle effectue, à titre habituel et permanent, des prestations d'assistance technique, administrative, juridique ou fiscale, vend des matériels et équipements, met à disposition des technologies ou concède des marques ; que la jurisprudence communautaire reconnaît la qualité d'assujetti aux sociétés s'immisçant directement ou indirectement dans la gestion de leurs filiales ; que, par suite, elle est en droit de déduire la taxe ayant grevé les dépenses exposées en vue de réaliser son activité économique d'animation des filiales ; que les prestations d'études commandées lui permettent d'assurer une veille de marché afin de saisir d'éventuelles opportunités d'achat ; que les études réalisées sur les filiales du groupe Messer entrent donc dans le cadre normal de ses activités ; que la circonstance que les titres acquis ont été placés dans une filiale n'est pas de nature à modifier la réalité de son rôle économique d'animatrice des filiales du groupe ; qu'y compris les dépenses d'études afférentes à des opérations d'acquisition qui n'ont pas abouti sont déductibles ; qu'opposer une condition de propriété est artificiel et économiquement inopportun ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mars 2011 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Courjou, substituant Me Bouchard, pour la société L'AIR LIQUIDE ;

Considérant que la société L'AIR LIQUIDE, qui exerce une activité de holding mixte, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a notamment remis en cause le caractère déductible de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les honoraires versés à la banque Lazard Frères, le 2 janvier 2001, pour un montant total de 1 794 000 euros et au cabinet Ernst et Young, le 27 novembre 2001, pour un montant total de 137 522 euros en vue d'étudier l'opportunité d'acquérir tout ou partie des filiales étrangères appartenant au groupe de droit allemand Messer ; que la société L'AIR LIQUIDE relève appel du jugement du 8 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 à concurrence d'un montant, en droits et intérêts de retard, de 402 002 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens meubles et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel (...) ; III. Les opérations autres que celles définies au II et, notamment, la livraison de biens meubles incorporels (...) sont considérées comme des prestations de services ; qu'aux termes de l'article 271 du même code : 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération (...) ; qu'aux termes de l'article 230 de l'annexe II au même code alors en vigueur : 1 La taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les biens et services que les assujettis à cette taxe acquièrent ou qu'ils se livrent à eux-mêmes n'est déductible que si ces biens et services sont nécessaires à l'exploitation et sont affectés de façon exclusive à celle-ci ; qu'il résulte de ces dispositions, prises pour l'application de la sixième directive 77/388/CEE susvisée, telle que l'a interprétée la Cour de justice des Communautés européennes, qu'au regard du droit à déduction, si les dépenses exposées par une société holding pour les différents services qu'elle acquiert dans le cadre d'une prise de participation dans une filiale peuvent être regardées comme faisant partie de ses frais généraux et entretiennent ainsi, en principe, un lien direct et immédiat avec l'ensemble de son activité économique, ne peuvent en revanche être incluses dans les frais généraux des dépenses exposées dans le cadre d'une opération, même assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée, qui a été réalisée non par la société holding dans le cadre de son exploitation propre, mais par une société distincte, telle une filiale ;

Considérant, en premier lieu, que, s'agissant des filiales du groupe Messer qui ont fait l'objet d'une acquisition effective, il résulte de l'instruction, notamment de l'acte d'acquisition signé le 3 octobre 2001 entre la société Messer et la société Air Liquide International, que l'acquisition des titres de participations y afférents a été réalisée par la filiale de L'AIR LIQUIDE, et non pas directement par elle-même ; que les frais d'honoraires litigieux facturés à cette dernière n'ont donc pas été exposés dans le cadre de sa propre exploitation mais pour les besoins de l'activité de sa filiale ; que, par suite, la taxe afférente aux honoraires d'assistance et de conseil litigieux ne peut faire partie des frais généraux de la société L'AIR LIQUIDE, dès lors qu'elle ne se rattache pas à son exploitation commerciale ; que, s'agissant des autres filiales étrangères du groupe Messer dont l'acquisition a finalement été abandonnée, il ne résulte pas de l'instruction que la société L'AIR LIQUIDE ait eu le projet d'en faire directement l'acquisition ; que, dans ces conditions, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les honoraires d'études s'y rapportant, qui ont représenté 60 % et 52 % des montants totaux facturés par la banque Lazard Frères et le cabinet Ernst et Young ne peut davantage faire partie des frais généraux se rattachant à l'exploitation de la société L'AIR LIQUIDE ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 17, paragraphe 2, de la sixième directive susvisée, un assujetti peut uniquement déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les biens et services qui sont utilisés pour les besoins de ses propres opérations taxées ; qu'en tout état de cause, le montant des honoraires payés par la société L'AIR LIQUIDE en vue de permettre l'acquisition, par sa filiale, de titres de participations, que ces derniers aient ou non été l'objet d'une acquisition effective, ne grèvent pas directement les divers éléments du prix de ses propres opérations taxées mais ont été exposés pour l'acquisition de titres de participation par sa filiale ; que, dès lors que ces dépenses ne présentent pas un lien direct et immédiat avec ses opérations d'aval ouvrant droit à déduction, la circonstance que la société L'AIR LIQUIDE a facturé aux sociétés acquises par sa filiale, postérieurement à cette acquisition, des prestations d'assistance technique, administrative, juridique et fiscale, de vente de matériels et d'équipements ainsi que de concession de marque, ayant permis la réalisation, entre le 1er janvier 2003 et le 30 juin 2010, d'un chiffre d'affaires de 18 581 204 euros est sans influence au regard de son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé une opération d'acquisition réalisée par un tiers ; qu'elle ne saurait donc déduire la taxe ayant grevé une telle opération au titre de ses frais généraux ; que présenteraient seulement un lien direct et immédiat avec les opérations taxées de la société L'AIR LIQUIDE, les dépenses éventuellement engagées pour la réalisation des prestations de conseil facturées aux filiales du groupe Air Liquide pour le montant précité de 18 581 204 euros, en tant qu'elles constitueraient un élément du prix des services ainsi facturés ; que, dès lors, il n'est pas porté atteinte au principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée qui ne trouve à s'appliquer que dans le chef d'une seule et même personne morale assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, la taxe litigieuse n'est pas déductible sur le fondement de la loi fiscale, quand bien même la requérante est la holding animatrice du groupe Air Liquide ;

Considérant, en troisième lieu, que la société L'AIR LIQUIDE invoque, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le bénéfice de la documentation administrative de base référencée 3 D-1231, mise à jour au 2 novembre 1996 ; que, si après avoir rappelé que : D'une manière générale, les redevables exercent un droit à déduction au titre de biens qu'ils ont eux-mêmes acquis, ou qu'ils se livrent à eux-mêmes , cette documentation indique que la circonstance qu'un redevable ne soit pas propriétaire, au sens juridique du terme, des biens qu'il utilise n'interdit pas la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée y afférente , c'est pour préciser immédiatement que l'exercice de ce droit est subordonné à la réalisation de conditions telle que, notamment, celles, impérative pour la première d'entre elle, selon lesquelles les biens ainsi utilisés soient nécessaires à l'exploitation , que les dépenses concernées soient constatées et supportées par le redevable lui-même , que ces biens doivent être économiquement liés à la réalisation d'opérations ouvrant droit à déduction ; que, par ailleurs, la situation de fait en cause ne figure pas au nombre des cas retenus par cette documentation qui concernent, pour l'essentiel, ceux mentionnés à l'article 216 bis de l'annexe II au code général des impôts et ceux des constructions édifiées sur sol d'autrui ou des investissements appartenant à l'État, aux collectivités locales et à leurs établissements publics dont l'exploitation est concédée ou affermée ; que, par suite, la documentation administrative de base référencée 3 D-1231, mise à jour au 2 novembre 1996 n'ajoute rien à la loi fiscale sur le point en litige et ne comporte pas d'interprétation de celle-ci dont la société requérante pourrait se prévaloir de manière pertinente sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que la société requérante ne saurait davantage invoquer sur le même fondement, les termes de l'instruction administrative 3 CA-27 du 15 octobre 2001 qui ne traite pas de l'hypothèse de l'acquisition des titres par une filiale de l'assujetti ; que, par voie de conséquence, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance du principe de confiance légitime que constituerait le refus, par l'administration, d'admettre la déduction des rappels de taxe litigieux sur le fondement de sa propre interprétation de la loi fiscale ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne à titre préjudiciel, que la société L'AIR LIQUIDE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2001 pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 402 002 euros ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société L'AIR LIQUIDE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société L'AIR LIQUIDE est rejetée.

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N° 10VE01670


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01670
Date de la décision : 03/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Éléments du prix de vente taxables.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions - Conditions de la déduction.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BOUCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-05-03;10ve01670 ?
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