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02/03/2012 | FRANCE | N°10PA04713

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 7ème chambre, 02 mars 2012, 10PA04713


Vu le recours, enregistré le 17 septembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0613901 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Clairedelp d'une part de la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt et des pénalités correspondantes, auxquelles ell

e a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

2°) de remettre ces imposition...

Vu le recours, enregistré le 17 septembre 2010, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0613901 du 21 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Clairedelp d'une part de la cotisation d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2002 et, d'autre part, des cotisations d'impôt sur les sociétés, de contribution sur cet impôt et des pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2003 ;

2°) de remettre ces impositions à la charge de la société Clairedelp ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2012 :

- le rapport de M. Ladreit de Lacharrière,

- les conclusions de M. Blanc, rapporteur public ;

Sur la remise en cause de l'avoir fiscal au titre de l'année 2002 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Clairedelp a acquis, le 6 novembre 2002, de la société Sofint, appartenant au même groupe de sociétés, des titres de la société " Intelligent solution service " (ISS) pour la valeur de 2 248 262 euros ; qu'elle a perçu le 26 novembre 2002, de cette société, des dividendes à hauteur de 2 024 276 euros ; qu'elle a revendu ces titres le 29 novembre 2002 à la société Samyn, appartenant au même groupe de sociétés ; qu'elle a bénéficié d'un avoir fiscal égal à 25 % des dividendes susmentionnés en application des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable ; que l'administration, constatant que les dividendes perçus n'avaient subi aucune imposition dès lors que leur montant avait été exactement neutralisé par la moins-value sur titres, a réintégré l'avoir fiscal reçu sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; qu'il en est résulté une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés d'un montant de 118 468 euros, qui a été assortie de l'intérêt de retard et des pénalités au taux de 80 % prévus à l'article 1729 du code général des impôts en cas d'application de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ; que la société Clairedelp a obtenu devant le Tribunal administratif de Paris la décharge de l'imposition réclamée au titre de l'année 2002 correspondant à la remise en cause de l'imputation de l'avoir fiscal, après que le Tribunal ait fait droit à la demande de l'administration de substituer le fondement de la fraude à la loi à celui initialement retenu de l'abus de droit ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève appel Tribunal administratif de Paris en date du 21 mai 2010 ;

Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers ; qu'il s'applique également en matière fiscale, dès lors que le litige n'entre pas dans le champ d'application des dispositions particulières de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales qui, lorsqu'elles sont applicables, font obligation à l'administration fiscale de suivre la procédure qu'elles prévoient ; qu'ainsi, hors du champ de ces dispositions, l'administration, qui peut toujours écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, peut également se fonder sur le principe sus-rappelé pour écarter les actes qui, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'aux termes de l'article 158 bis du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition en litige : " I- Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué : a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ; b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor. Ce crédit d'impôt est égal à la moitié des sommes effectivement versées par la société. Il ne peut être utilisé que dans la mesure où le revenu est compris dans la base de l'impôt sur le revenu dû par le bénéficiaire. Il est reçu en paiement de cet impôt. Il est restitué aux personnes physiques dans la mesure où son montant excède celui de l'impôt dont elles sont redevables " ; qu'aux termes de l'article 209 bis du même code dans sa rédaction en vigueur lors de cette même année : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable. (...) " ;

Considérant qu'il ressort de l'ensemble des travaux préparatoires de l'article 1er de la loi du 12 juillet 1965 créant l'avoir fiscal, alors codifié à l'article 158 bis précité du code général des impôts, que le législateur a eu comme objectifs de favoriser l'actionnariat des entreprises ainsi que le développement de la place financière de Paris et d'éliminer à cet effet la double imposition qui frappait les dividendes ; qu'eu égard à l'objet de la loi, l'actionnaire, imposable à raison des dividendes qu'il perçoit, est en droit de prétendre à l'avoir fiscal qui leur est attaché, de sorte que ces dividendes ne soient pas soumis à une double imposition ; que le droit à l'avoir fiscal n'est nullement subordonné à une durée minimum de détention des titres avant ou après la mise en paiement des dividendes auxquels il est attaché ; que, s'agissant des personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés, l'avoir fiscal, s'il constitue aussi un élément du bénéfice de l'actionnaire, est essentiellement, aux termes mêmes des articles 158 bis et 209 bis du code général des impôts, un moyen de paiement de l'impôt dû par ce dernier au titre de ses résultats d'ensemble d'une année donnée ; que ces articles excluent ainsi qu'il puisse être restitué par l'administration, en particulier dans l'hypothèse où l'avoir fiscal excède l'impôt sur les sociétés dû, ainsi qu'en présence de résultats déficitaires ; que, par suite, dès lors qu'une société a effectivement la qualité d'actionnaire, les dividendes qu'elle perçoit à raison des titres qu'elle détient, ouvrent droit à son profit au bénéfice de l'avoir fiscal qui y est attaché ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations en litige n'ont été ni dissimulées ni réalisées en méconnaissance d'aucune des dispositions applicables aux achats et reventes de titres et aux distributions de dividendes ; que si, dans le contexte où elles ont été réalisées, et eu égard à la brièveté de la durée de détention des titres, qui n'a pas excédé une durée d'un mois, les opérations d'achats puis de reventes des titres effectuées par la société Clairedelp , à l'intérieur du même groupe de sociétés, ont été inspirées par la volonté d'acquérir les moyens de payer les charges fiscales qu'elle aurait dû normalement acquitter eu égard à sa situation et à ses activités réelles, le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ne prouve cependant pas que ces opérations, qui se sont traduites par l'élimination de la double imposition frappant les dividendes, auraient présenté un caractère artificiel et que la société n'aurait pas effectivement acquis la qualité d'actionnaire et n'aurait pas encouru les risques qui s'y attachent ; que, dès lors, le MINISTRE n'établit pas que ces opérations auraient procédé de la recherche par la contribuable du bénéfice d'une application littérale des dispositions de l'article 158 bis du code général des impôts relatifs à l'avoir fiscal, à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs ;

Sur l'application du régime des sociétés mères au titre de l'année 2003 :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Clairedelp a acquis, le 8 avril 2003, l'ensemble des titres composant le capital de la société EJMP, laquelle lui a versé, au cours de l'exercice clos le 31 juillet 2003, des dividendes d'un montant total de 436 572 euros ; que ces dividendes ont bénéficié du régime des sociétés mères prévu aux articles 145 et 216 du code général des impôts ; que la société Clairedelp, qui a également déduit de son résultat imposable une provision pour dépréciation des titres litigieux, a ainsi dégagé, au titre dudit exercice, un déficit reportable de 170 131 euros ; que l'administration a estimé que la combinaison de ces éléments constituait un montage fiscal constitutif d'abus de droit au sens des dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales et a, en conséquence, remis en cause la déduction des dividendes opérée sur le fondement des articles 145 et 216 du code général des impôts ; que par le jugement susvisé du 21 mai 2010, le Tribunal administratif de Paris a déchargé la société Clairedelp de la cotisation d'impôt sur les sociétés, d'un montant de 59 242 euros, et de la contribution de 10 % sur ledit impôt, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles elle a été assujettie, au titre de l'année 2003, en conséquence de ce redressement ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève appel de ce jugement en tant qu'il prononce cette décharge ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 145 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " 1. Le régime fiscal des sociétés mères, tel qu'il est défini aux articles 146 et 216, est applicable aux sociétés et autres organismes soumis à l'impôt sur les sociétés au taux normal qui détiennent des participations satisfaisant aux conditions ci-après : a. Les titres de participations doivent revêtir la forme nominative ou être déposés dans un établissement désigné par l'administration ; b. les titres de participation doivent représenter au moins 5 % du capital de la société émettrice ; ce pourcentage s'apprécie à la date de mise en paiement des produits de la participation. / Si, à la date mentionnée au premier alinéa, la participation dans le capital de la société émettrice est réduite à moins de 5 % du fait de l'exercice d'options de souscription d'actions dans les conditions prévues à l'article L. 225-183 du code de commerce, le régime des sociétés mères lui reste applicable si ce pourcentage est à nouveau atteint à la suite de la première augmentation de capital suivant cette date et au plus tard dans un délai de trois ans ; c. Les titres de participations doivent avoir été souscrits à l'émission. / A défaut, la personne morale participante doit avoir pris l'engagement de les conserver pendant un délai de deux ans (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges.(...) " ; qu'aux termes de l'article 219, I, a ter, troisième alinéa, du code général des impôts : " Pour l'application des premier et deuxième alinéas, constituent des titres de participation les parts ou actions de sociétés revêtant ce caractère sur le plan comptable. Il en va de même des actions acquises en exécution d'une offre publique d'achat ou d'échange par l'entreprise qui en est l'initiatrice ainsi que des titres ouvrant droit au régime des sociétés mères ou, lorsque leur prix de revient est au moins égal à 22 800 000 euros, qui remplissent les conditions ouvrant droit à ce régime autres que la détention de 5 % au moins du capital de la société émettrice, si ces actions ou titres sont inscrits en comptabilité au compte de titres de participation ou à une subdivision spéciale d'un autre compte du bilan correspondant à leur qualification comptable " ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : " Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : ... b) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus... L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement " ; qu'il résulte de ces dispositions que l'administration est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable, dès lors que ces actes ont un caractère fictif, ou que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées, eu égard à sa situation ou à ses activités réelles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Clairedelp et la société EJMP existaient antérieurement à l'opération de distribution des dividendes, sans que le bénéfice de l'avantage fiscal ait été permis par l'interposition d'une société spécialement créée à cet effet ; que, dans les circonstances dans lesquelles elle a été réalisée, l'exonération des dividendes n'a pas méconnu les objectifs des auteurs de l'article 216 du code général des impôts, issu de la codification de l'article 2-I du décret n° 52-804 du 30 juin 1952 pris en application de l'article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952, dès lors qu'il n'est pas contesté que la société EJMP, qui a versé les dividendes à la société Clairedelp, avait été imposée à raison des bénéfices qui avaient donné lieu à ces distributions et que l'absence d'option pour le régime des sociétés mères aurait conduit à une seconde imposition des sommes distribuées ; que si, pour l'application des dispositions précitées de l'article 219, I, a, ter du code général des impôts, relatif à l'application du régime des plus-values et moins-values à long terme, les titres de participation sont ceux qui revêtent ce caractère sur le plan comptable, en revanche, la détention de titres pour l'application du régime des sociétés mères n'est pas subordonnée à cette condition par les dispositions précitées de l'article 145 du code général des impôts et les auteurs de l'article 216 de ce code n'ont pas, contrairement à ce que soutient le ministre, entendu réserver le bénéfice de l'avantage que prévoit cet article aux seules sociétés mères qui entendent, par la prise de participation dans une société émettrice, s'assurer, de manière durable, du contrôle de celle-ci aux fins de prendre part à la gestion de son activité économique ; que, dans ces conditions, l'administration n'est pas fondée à soutenir que les opérations en cause seraient constitutives d'un abus de droit ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés, de la contribution sur cet impôt, du précompte, ainsi que les pénalités correspondantes, auxquelles la société Clairedelp a été assujettie au titre des années 2002 et 2003 ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est rejeté.

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