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20/10/2011 | FRANCE | N°10PA04106

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3 ème chambre, 20 octobre 2011, 10PA04106


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 29 novembre 2010, présentés pour M. Lazare C, demeurant ..., M. Francis C, demeurant ..., M. Benjamin C, demeurant ..., Mme Myriam C épouse , demeurant ... et Mme Régine C épouse , demeurant ..., par la SCP Potier de La Varde ; les consorts C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0811025/7-2 du 25 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle le Premier ministre a fixé à

la somme de 3 815 000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 août et 29 novembre 2010, présentés pour M. Lazare C, demeurant ..., M. Francis C, demeurant ..., M. Benjamin C, demeurant ..., Mme Myriam C épouse , demeurant ... et Mme Régine C épouse , demeurant ..., par la SCP Potier de La Varde ; les consorts C demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0811025/7-2 du 25 juin 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle le Premier ministre a fixé à la somme de 3 815 000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice non réparé résultant des spoliations des biens ayant appartenu à M. Georges D ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 instituant une commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'occupation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2011 :

- le rapport de Mme Renaudin, rapporteur,

- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,

- et les observations de Me Buk Lament, pour les consorts C ;

Considérant que le E a été désigné par M. Georges D comme légataire, d'une part, à titre universel, de son actif successoral qui comprenait notamment un nombre important d'oeuvres d'art, dont des tableaux de grands maîtres des XIXème et XXème siècles, à charge pour celui-ci de répartir le produit de la vente de ses biens pour venir en aide à des familles israélites éprouvées par la guerre et, d'autre part, à titre personnel, d'un tableau de sa collection ; que les ayants droit du F, soit ses cinq enfants, ont saisi la commission d'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, instituée par le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999, de deux demandes en date des 16 juin 2000 et 9 juillet 2004 tendant à l'indemnisation respectivement, des biens dont M. Georges D avait été spolié et pour lesquels leur père avait été désigné comme légataire à titre universel, incluant notamment les oeuvres d'art saisies par les forces d'occupation le 15 mars 1943 et n'ayant, à l'exception de quelques-unes, pas été retrouvées, et du tableau légué à leur père à titre personnel ; que ladite commission a, lors de sa séance du 24 décembre 2004, recommandé le rejet de la demande des intéressés en ce qu'elle portait sur l'indemnisation du legs particulier fait à leur père ; que lors de sa séance du 15 avril 2005, elle a recommandé que l'indemnisation de la totalité des biens ayant fait l'objet du legs universel de M. Georges D soit fixée à 3 815 000 euros ; qu'il ressort des pièces du dossier que la commission d'indemnisation a ainsi proposé le versement d'une indemnité complémentaire correspondant à la différence entre le montant du préjudice subi et l'indemnité, limitée à la moitié de la valeur estimative des biens versée au F à la suite d'un accord conclu le 9 octobre 1963 entre ce dernier et le gouvernement allemand dans le cadre de la loi dite Brüg de 1957 ; que la commission s'est appuyée sur la valeur des biens telle que déterminée par le gouvernement allemand selon l'accord du 9 octobre 1963 précité et actualisée à cette date, cette évaluation ayant pris pour base une expertise réalisée par un commissaire priseur et ayant fait l'objet d'un accord des ayants droit de la victime des spoliations ; qu'elle a appliqué à cette valeur un coefficient d'érosion monétaire ; que, par décision en date du 24 avril 2008, le Premier ministre a fixé l'indemnisation des biens dont M. Georges D avait été spolié à la somme de 3 815 000 euros et prévu que cette somme serait répartie entre plusieurs institutions conformément aux volontés de la victime ; que les consorts C ont contesté ladite décision devant le Tribunal administratif de Paris en soutenant qu'elle ne prenait pas en compte la réparation intégrale du préjudice, la valeur des biens devant être, selon eux, fixée à la date à laquelle la décision du Premier ministre avait été prise ; que par un jugement du 25 juin 2010, dont les intéressés relèvent régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le Tribunal administratif de Paris, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments présentés par les consorts C à l'appui de leurs moyens, ni aux moyens inopérants, a répondu aux différents moyens soulevés par les requérants de façon suffisamment motivée et sans commettre d'omission à statuer ; qu'en ce qui concerne notamment le moyen tiré de la nécessaire réparation intégrale du préjudice, les premiers juges ont considéré que l'évaluation d'un dommage aux biens devait être faite à la date où, ses causes ayant pris fin et son étendue étant connue, il pouvait être procédé à sa réparation et que, par ailleurs, le décret du 10 septembre 1999 dont il était fait application n'avait pas pour objet d'assurer la réparation intégrale des préjudices visés mais de permettre à l'Etat de rétablir l'équilibre détruit par le dommage de la manière la plus exacte possible ; qu'ainsi le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé sur ce point, n'est entaché d'aucune irrégularité ;

Au fond :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 10 septembre 1999 modifié susvisé : Il est institué auprès du Premier ministre une commission chargée d'examiner les demandes individuelles présentées par les victimes ou par leurs ayants droit pour la réparation des préjudices consécutifs aux spoliations de biens intervenues du fait des législations antisémites prises, pendant l'Occupation, tant par l'occupant que par les autorités de Vichy. / La commission est chargée de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d'indemnisation appropriées. ; qu'aux termes de l'article 2 dudit décret : La commission s'efforce de parvenir à une conciliation entre les personnes intéressées. En cas d'échec de la conciliation, elle peut émettre toutes recommandations qui lui paraîtraient utiles. et qu'aux termes de l'article 8-2 du même décret : Lorsque la commission propose que l'Etat prenne à sa charge une mesure d'indemnisation, elle transmet sa recommandation au Premier ministre (secrétariat général du Gouvernement). Les décisions d'indemnisation prises par le Premier ministre (secrétariat général du Gouvernement) sur la base des recommandations de la commission sont notifiées aux intéressés et à l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre qui est chargé de les exécuter. (...) ;

Considérant que, pour demander l'annulation de la décision du Premier ministre, les requérants soutiennent que ladite décision méconnaît le principe de la réparation intégrale et font valoir que la commission d'indemnisation aurait dû prendre en compte, pour évaluer les biens dont ils ont été spoliés, la valeur des oeuvres d'art à la date de sa recommandation ; que si le dispositif institué par le décret du 10 septembre 1999 participe, ainsi que l'énonce l'avis n° 315499 Mme G rendu le 16 février 2009 par l'Assemblée du contentieux du Conseil d'Etat, à l'indemnisation des préjudices de toute nature causés par les actions de l'Etat qui ont concouru à la déportation, ledit décret ne prévoit pas, comme le reconnaissent d'ailleurs les appelants eux-mêmes dans leurs écritures, de régime spécial ni de règles particulières d'indemnisation ; que, dès lors, c'est à bon droit que le Premier ministre s'est fondé sur les règles applicables en matière de responsabilité administrative, selon lesquelles l'évaluation des dommages aux biens doit être effectuée à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il peut y être remédié ; qu'en l'occurrence l'étendue des dommages a été connue à l'issue d'un inventaire complet effectué par les autorités allemandes en 1963, sur la base notamment de l'expertise réalisée par un commissaire priseur en 1956 ; que c'est donc à juste titre que la commission s'est appuyée sur la valeur des biens telle qu'elle a été déterminée selon l'accord précité de 1963 et actualisée à cette date ; que les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance du principe de non-discrimination dès lors qu'ils sont dans une situation différente, au regard de la réglementation relative à l'indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait des législations antisémites en vigueur pendant l'Occupation, de celle des propriétaires d'oeuvres d'art versées après la Seconde guerre mondiale dans les collections des musées français et auxquels l'Etat restitue ces oeuvres en les estimant à la date de cette restitution ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les consorts C ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 24 avril 2008 par laquelle le Premier ministre a fixé à la somme de 3 815 000 euros le montant de l'indemnisation du préjudice non réparé résultant des spoliations des biens ayant appartenu à M. Georges D ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête des consorts C est rejetée.

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N° 10PA03855

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N° 10PA04106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3 ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA04106
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Mathilde RENAUDIN
Rapporteur public ?: M. JARRIGE
Avocat(s) : BUK LAMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-10-20;10pa04106 ?
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