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03/02/2011 | FRANCE | N°10PA00278

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 5ème chambre, 03 février 2011, 10PA00278


Vu la décision n°305449 en date du 30 décembre 2009, enregistrée le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris sous le n°10PA00278, par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt du 5 mars 2007 de la 5ème chambre B de la Cour, en tant qu'il a statué sur les chefs de redressements correspondant à la réintégration, dans les résultats des exercices clos en 1992 et 1993, des frais de procédure et de surveillance ainsi que des redevances versées au titre des droits concédés à la SA BEAUTE CREATEURS, et, d'autre part, lui a renvoyé dans cett

e mesure la requête présentée par la SA BEAUTE CREATEURS ;

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Vu la décision n°305449 en date du 30 décembre 2009, enregistrée le 18 janvier 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris sous le n°10PA00278, par laquelle le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt du 5 mars 2007 de la 5ème chambre B de la Cour, en tant qu'il a statué sur les chefs de redressements correspondant à la réintégration, dans les résultats des exercices clos en 1992 et 1993, des frais de procédure et de surveillance ainsi que des redevances versées au titre des droits concédés à la SA BEAUTE CREATEURS, et, d'autre part, lui a renvoyé dans cette mesure la requête présentée par la SA BEAUTE CREATEURS ;

Vu la requête, enregistrée le 18 février 2004 sous le n°04PA00659, présentée pour la SA BEAUTE CREATEURS, ayant son siège social 105 rue Anatole France à Levallois-Perret (92300) par Me Latil ; la SA BEAUTE CREATEURS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9706997/1 du 17 décembre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des compléments d'imposition concernant les frais liés à la conservation des marques et les redevances versées aux créateurs entre 1987 et 1993 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 janvier 2011 :

- le rapport de Mme Merloz,

- les conclusions de M. Gouès, rapporteur public,

- et les observations de Me Austry, représentant la SA BEAUTE CREATEURS ;

Sur les frais de procédure et de surveillance :

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : (...) / Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers ;

Considérant que l'enregistrement d'une marque, qui confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les biens ou services qu'il a désignés, produit, en principe, ses effets pendant une période de dix ans renouvelable, à compter de la date du dépôt de la demande ; que les droits attachés à cette propriété, qui sont ainsi dotés d'une pérennité suffisante, constituent, à l'avantage de l'entreprise qui les détient et peut les céder ou les concéder en tout ou partie à des tiers, une source régulière de profits de nature à les faire regarder comme un élément incorporel de son actif immobilisé ; que les dépenses qui s'intègrent à la valeur comptable d'un tel élément sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel celui-ci doit être inscrit à l'actif du bilan, conformément aux dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ;

Considérant que les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque, à seule fin de maintenir la valeur de celle-ci, sans prolonger la durée des droits concédés ou en accroître la valeur, notamment par l'acquisition d'une clientèle ou la restriction de la concurrence commerciale, ne sauraient être regardés comme des éléments du prix de revient pour lequel cette marque doit être inscrite à l'actif du bilan et sont donc déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés ;

Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que la SA BEAUTE CREATEURS, à qui incombe la charge de la preuve s'agissant d'une écriture de charge, n'a produit, pour l'année 1993, qu'un tableau mentionnant le numéro de la facture, sa date, son objet sommaire ( procédure ou surveillance suivi du nom du pays et du nom d'un produit ou d'une marque) et un montant d'honoraires ; que ce document ne suffit pas, en l'absence des pièces justificatives correspondantes, à établir la réalité du montant des frais de procédure et de surveillance qu'elle soutient avoir exposés, au titre de cet exercice, à hauteur de 83 870 francs ; que, pour l'année 1992, constatant que les frais litigieux représentaient 7,5 % des charges totales en 1993, elle extrapole le même pourcentage forfaitaire de déduction pour demander la déduction d'une somme de 73 569 francs, et admet ainsi elle-même ne pas être en mesure de produire de justificatifs des dépenses engagées ; qu'elle ne saurait à ce titre arguer de ce que l'administration n'a jusqu'alors jamais contesté la nature de ces frais, dès lors que seul le principe de leur déduction était en litige et non, comme en l'espèce, leur montant ; qu'en l'absence de tout autre élément de nature à justifier du montant des frais ainsi déduits, c'est à bon droit que l'administration a réintégré ces sommes aux résultats des deux exercices concernés ;

Sur les droits concédés à la SA BEAUTE CREATEURS :

Considérant que doivent suivre le régime fiscal des éléments incorporels de l'actif immobilisé de l'entreprise, les droits constituant une source régulière de profits, dotés d'une pérennité suffisante et susceptibles de faire l'objet d'une cession ou d'une concession ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société l'Oréal a conclu avec diverses sociétés et personnes physiques cinq contrats de concession de licence exclusive d'utilisation de marques afin que sa filiale commercialise ses produits sous les marques constituées par leurs noms ; que, d'une part, il est constant que les droits ainsi concédés constituaient une source régulière de profits et qu'ils étaient cessibles, la société L'Oréal ayant la possibilité de substituer toute société et de sous-concéder ou faire sous-concéder la licence, ce qu'elle a précisément fait au profit de la SA BEAUTE CREATEURS ; que, d'autre part, les contrats, tous conclus pour des durées déterminées, comportent des clauses de résiliation différentes selon les créateurs concernés ; que les contrats signés avec , et portent sur des durées comprises entre cinq et six ans, renouvelables par tacite reconduction pour une période de cinq ans ; qu'ils peuvent être dénoncés à l'échéance du terme avec un préavis de six mois et par simple lettre recommandée avec accusé de réception ; que si ces contrats prévoient que les deux premiers renouvellements sont automatiques, cette clause est subordonnée à l'hypothèse où les redevances versées dépassent le montant minimum de redevances garanti par le licencié au concédant ; que le licencié bénéficie en outre, en cas de renouvellement et si la redevance due ne dépasse pas ce seuil, de la possibilité de résilier le contrat au cours du trimestre qui suit, par simple lettre recommandée avec accusé de réception, le contrat expirant alors dans un délai de trois à six mois maximum ; que d'autres hypothèses de résiliation sont prévues dans des délais très courts, si l'une des parties ne respecte pas ses obligations et en l'absence de réparation suffisante acceptable et dans certains cas exceptionnels, tels que le décès ou l'incapacité d'un cocontractant ou la survenue de son insolvabilité ; qu'aucune de ces clauses de résiliation ne prévoient le versement d'une indemnité ; que, par ailleurs, si les contrats signés avec le professeur Cotte et portent sur des durées plus longues, comprises entre dix et onze ans, leur renouvellement, pour une période de cinq ans, est subordonné à un accord écrit entre les parties six mois avant la fin de chaque période ; que les deux premiers renouvellements automatiques mentionnés dans le contrat de M. sont eux-mêmes soumis à la condition que le chiffre d'affaires réalisé au cours de l'année précédente place la marque parmi les trois premières marques de produits capillaires vendus par correspondance aux Etats-Unis et dans trois des pays mentionnés dans le contrat ; qu'en cas de renouvellement de ces deux contrats, la société L'Oréal conserve, en tout état de cause, la faculté de les résilier sans indemnité, si le chiffre d'affaires réalisé est inférieur à un certain montant, par simple lettre recommandée avec accusé de réception, le contrat expirant à l'issue d'un délai de trois mois, ainsi que dans les autres hypothèses mentionnées ci-dessus pour les contrats signés avec , et ; qu'il résulte ainsi de l'ensemble de ces clauses, alors même que la durée et les modalités de reconduction des contrats litigieux varient, que le licencié a entendu se ménager une liberté de résiliation sans grande contrainte ; qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que la SA BEAUTE CREATEURS est fondée à soutenir que les droits qui résultaient de ces contrats et qui lui ont été concédés par la société L'Oréal n'étaient pas dotés d'une pérennité suffisante pour constituer des éléments incorporels d'actif immobilisé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la SA BEAUTE CREATEURS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la réduction des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, correspondant à la réintégration dans les résultats de ces deux exercices des redevances versées au titre des droits qui lui ont été concédés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SA BEAUTE CREATEURS et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La SA BEAUTE CREATEURS est déchargée des compléments d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices 1992 et 1993, correspondant à la réintégration dans les résultats de ces deux exercices des redevances versées au titre des droits qui lui ont été concédés.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 décembre 2003 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à la SA BEAUTE CREATEURS une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SA BEAUTE CREATEURS est rejeté.

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N° 10PA00278

Classement CNIJ :

C


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 10PA00278
Date de la décision : 03/02/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Marie-Gabrielle MERLOZ
Rapporteur public ?: M. GOUES
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2011-02-03;10pa00278 ?
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