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17/11/2011 | FRANCE | N°10NC00988

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 17 novembre 2011, 10NC00988


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 juin 2010, complété par un mémoire enregistré le 13 octobre 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE demande à la Cour :

1) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0701170 du 29 avril 2010 du Tribunal administratif de Besançon accordant à M. et Mme A la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités qui leur ont été assignés au titre de l'année 2002 dans la catégorie des plus-values sur cession

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2) de remettre intégralement l'imposition contestée ...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 24 juin 2010, complété par un mémoire enregistré le 13 octobre 2011, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE ;

Le MINISTRE demande à la Cour :

1) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0701170 du 29 avril 2010 du Tribunal administratif de Besançon accordant à M. et Mme A la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ainsi que des pénalités qui leur ont été assignés au titre de l'année 2002 dans la catégorie des plus-values sur cessions de valeurs mobilières ;

2) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de M. et Mme A ;

Le MINISTRE soutient que :

- l'administration n'a en aucun cas entendu mettre en oeuvre implicitement la procédure d'abus de droit prévue par l'article L. 64 du livre des procédures fiscales mais qu'elle a simplement tiré les conséquences d'anomalies comptables relevées dans les écritures de la société civile immobilière Craye ;

- l'administration fiscale pouvait appliquer des pénalités pour manoeuvres frauduleuses sans se placer sur le terrain de l'abus de droit ;

- la procédure de vérification de comptabilité diligentée de la société civile immobilière Craye n'est entachée d'aucune irrégularité ;

- la proposition de rectification adressée à la société civile immobilière Craye est suffisamment motivée ;

- les propositions de rectification adressées à M. et Mme A ne sont entachées d'aucune irrégularité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la lettre du 22 juin 2011 par laquelle M. et Mme A ont été mis en demeure de produire leur défense dans un délai d'un mois ;

Vu la lettre enregistrée le 8 août 2011 par laquelle le conseil de M. et Mme A sollicite un délai supplémentaire pour présenter ses observations en défense ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 septembre 2011, présenté pour M. et Mme A par Me Montravers, avocat ;

M. et Mme A concluent à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision de la Cour dans l'instance n° 08NC00143 ; subsidiairement, au rejet du recours du MINISTRE et à ce qu'un montant de 10 000 euros soit mis à la charge de l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'aucun des moyens du MINISTRE n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011:

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : (...) b. (...) qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus. (...) L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par acte sous seing privé du 31 décembre 2002, M. et Mme A ont cédé à la Sarl Cofathim la totalité des parts qu'ils détenaient dans le capital social de la société civile immobilière Craye pour un prix de 597 600 euros ; que leur déclaration catégorielle de plus-value n° 2049 mentionnait que la cession des parts sociales ne dégageait aucune plus-value imposable dès lors que les parts sociales cédées pour le prix de 597 600 euros avaient initialement été souscrites par eux en 1996 pour le même montant; que pour remettre en cause les éléments ainsi déclarés, dans des conditions l'ayant conduite à imposer un profit taxable, limité en dernier lieu à 269 006 euros , l'administration a estimé que le prix d'acquisition à retenir pour le calcul de la plus-value devait correspondre au prix effectivement payé par les intéressés, sans qu'il puisse être tenu compte des conséquences comptables de la réévaluation libre de ses actifs immobiliers à laquelle a procédé la société civile immobilière Craye en 1997 en affectant le produit de cette réévaluation aux comptes courant de ses associés dans des conditions lui ayant permis de solder le compte ouvert dans ses écritures sous l'intitulé associés-capital non appelé ;

Considérant qu'en remettant en cause le prix d'acquisition de leurs titres tel que déclaré par M. et Mme A, en refusant de tenir compte des conséquences de la réévaluation libre de son actif immobilier par la société civile immobilière Craye, l'administration, quel que soit le bien-fondé de son analyse, n'a pas prétendu que cette réévaluation d'actif avait déguisé la portée véritable d'un contrat et n'a pas cherché davantage à restituer à l'opération son véritable caractère, mais s'est bornée, comme il est dit ci-dessus, à redresser l'évaluation faite par les requérants du prix d'acquisition des parts cédées ; que dès lors, le MINISTRE est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur l'invocation implicite d'un abus de droit par le service pour décharger M. et Mme A des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la remise en cause du mode de calcul de la plus-value réalisée lors de la cession de leurs droits sociaux ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'administration se soit fondée sur la valeur d'origine des parts telle qu'elle avait été comptabilisée au bilan de la société civile immobilière au 1er janvier de la période vérifiée, n'établit pas que l'administration aurait irrégulièrement étendu les opérations de vérification de la comptabilité de la société à une période non visée par l'avis de vérification ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, des articles 92, 88, 206-2 et 238 K du code général des impôts et du I d) de l'article 46 C de son annexe III que, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, les sociétés civiles immobilières exerçant une activité de location immobilière, dont les bénéfices ne sont pas imposables selon les règles prévues à l'article 92 du code général des impôts, n'entrent pas dans le champ des prévisions du 4° de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales ni, au demeurant, dans celui d'aucune autre disposition de cet article, organisant, au bénéfice de certaines entreprises à l'activité modeste limitativement énumérées, une garantie spéciale encadrant la procédure de vérification de comptabilité dont ces entreprises peuvent faire l'objet ; qu'ainsi, M. et Mme A ne peuvent, en tout état de cause, utilement se prévaloir de ce que le délai de trois mois prévu par ces dispositions aurait été méconnu lors de la vérification de la comptabilite de la SCI Craye ;

Considérant, en troisième lieu, que les propositions de rectifications notifiées tant à la société civile immobilière Craye qu'à M. et Mme A, comportent la nature, les motifs et le montant des redressements envisagés et qu'elles sont, dès lors, suffisamment motivées au regard des dispositions des articles L. 57 et R. 57 du livre des procédures fiscales ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que les deux propositions de rectification adressées à M. et Mme A les 15 juin 2004 et 15 avril 2005 n'aient pas été signées par le même vérificateur, est sans incidence sur la régularité de la procédure d'imposition ; qu'en outre cette seule circonstance n'est pas par elle-même de nature à avoir privé la société Craye de la possibilité d'engager avec le vérificateur un débat oral et contradictoire ;

Considérant, enfin, que la circonstance que l'administration ait, par une décision du 11 avril 2005, procédé au dégrèvement des impositions supplémentaires résultant des rehaussements notifiés à M. et Mme A le 15 juin 2004 au titre de l'année 2002 et mises en recouvrement le 30 novembre 2004, ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse adresser, le 15 avril 2005, dans le délai de reprise, une nouvelle proposition de rectification concernant la même imposition ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. et Mme A demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède, sans qu'il soit besoin pour la Cour administrative d'appel de surseoir à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat se prononce sur le pourvoi formé par une société tierce, que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a déchargé M. et Mme A des impositions en litige ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0701170 du Tribunal administratif de Besançon en date du 29 avril 2010 est annulé.

Article 2 : L'impôt sur le revenu et les contributions sociales ainsi que les pénalités auxquels M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 2002 sont intégralement remis à leur charge.

Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A tendant au sursis à statuer ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Jacques A et au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT.

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10NC00988


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC00988
Date de la décision : 17/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Plus et moins-values de cession.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : MONTRAVERS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2011-11-17;10nc00988 ?
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