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06/05/2014 | FRANCE | N°10MA03698

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 06 mai 2014, 10MA03698


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 septembre 2010, présentée pour la SARL La Gougouline, dont le siège social est 16 avenue du Capitaine de Frégate Vial à Cagnes-sur-Mer (13 800) par MeB... ;

La SARL La Gougouline demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1000578 du 29 juin 2010 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice, après avoir constaté par l'article 1er du même jugement, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'action publique ni sur la demande du préf

et des Alpes-Maritimes tendant au remboursement des frais du procès-verbal ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 24 septembre 2010, présentée pour la SARL La Gougouline, dont le siège social est 16 avenue du Capitaine de Frégate Vial à Cagnes-sur-Mer (13 800) par MeB... ;

La SARL La Gougouline demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement n° 1000578 du 29 juin 2010 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice, après avoir constaté par l'article 1er du même jugement, qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'action publique ni sur la demande du préfet des Alpes-Maritimes tendant au remboursement des frais du procès-verbal de contravention, l'a condamnée à démolir, y compris en sous-oeuvre, le bâtiment à usage de restaurant à l'enseigne " La Gougouline ", la terrasse et les piscines adjacentes et à enlever, hors du domaine public maritime, les produits de la démolition, afin de rétablir les lieux litigieux dans leur état initial, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai en autorisant l'administration à procéder d'office, aux frais, risques et périls de la contrevenante, à la suppression des aménagements dont s'agit en cas d'inexécution par l'intéressée, passé le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;

2°) de dire qu'elle est recevable à exciper de l'illégalité de l'arrêté préfectoral du 15 mars 1973, incorporant au domaine public maritime les lais et relais de la mer situés sur le littoral de la commune de Cagnes-sur-Mer et que la contravention de grande voirie est dépourvue de base légale ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de la présente instance et de 3 000 euros au titre de l'instance qui s'est déroulée devant le tribunal administratif de Nice ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de Mme Paix,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que la SARL La Gougouline, qui bénéficiait d'un sous-traité d'exploitation l'autorisant à occuper une parcelle du domaine public maritime située sur la plage naturelle de la commune de Cagnes-sur-Mer pour l'exploitation d'un établissement de restauration s'est trouvée, à la suite de l'arrivée à expiration le 31 décembre 1998 de la concession des plages naturelles octroyée par l'Etat à ladite commune et dudit sous-traité d'exploitation, titulaire d'autorisations d'occupation temporaire du domaine public dont la dernière est arrivée à échéance le 31 décembre 2005 ; que, par arrêté du 22 décembre 2008, le préfet des Alpes-Maritimes a accordé à la commune de Cagnes-sur-Mer une nouvelle concession de plages naturelles pour une durée de 12 ans, ladite convention stipulant en son article 1er, en reprenant les dispositions du décret n° 2006-1220 du 4 octobre 2006 relatif aux concessions de plage, que " seuls sont permis des équipements et installations démontables ou transportables ne présentant aucun élément de nature à les ancrer durablement au sol et dont l'importance et le coût sont compatibles avec la vocation du domaine et sa durée d'occupation. " ; que, le 13 février 2009, a été dressé à l'encontre de la SARL la Gougouline et de M. A...B..., son gérant, un procès-verbal de contravention de grande voirie relatif à l'installation d'un bâtiment à usage de restauration, avec terrasse et trois piscines sur une surface de 2 400 m² sur le domaine public maritime, avenue du Capitaine de Frégate Vial à Cagnes-sur-Mer ; que, par déféré en date du 9 février 2010, le préfet des Alpes Maritimes a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner la SARL La Gougouline représentée par M. B...ou son successeur, au paiement de l'amende maximale prévue par les textes, à procéder à la démolition des installations, sous astreinte de 2 500 euros par jour de retard à l'issue du délai imparti par le jugement ainsi qu'au remboursement des frais d'établissement de procès-verbal et des frais annexes engagés par l'administration ; que, par l'article 1er d'un jugement du 29 juin 2010, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nice a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur l'action publique ni sur la demande du préfet des Alpes-Maritimes tendant au remboursement des frais du procès-verbal de contravention et, par les articles 2 et 3 du même jugement, condamné la SARL La Gougouline à démolir, y compris en sous-oeuvre, le bâtiment à usage de restaurant à l'enseigne " La Gougouline ", la terrasse et les piscines adjacentes et à enlever, hors du domaine public maritime, les produits de la démolition, afin de rétablir les lieux litigieux dans leur état initial, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à l'expiration de ce délai, en autorisant de plus l'administration à procéder d'office, aux frais, risques et périls de la contrevenante, à la suppression des aménagements dont s'agit en cas d'inexécution par l'intéressée, passé le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ; que la SARL La Gougouline relève appel des articles 2 et 3 de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que la société requérante fait valoir que le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que les coupures de presse sur lesquelles le premier juge a estimé pouvoir se fonder n'ont pas été portées à sa connaissance ; qu'il résulte des mentions du jugement que celui-ci relève qu' " au surplus, il ressort des coupures de presse produites aux débats que les installations du restaurant La Gougouline ont été à plusieurs reprises endommagées par la montée des flots " ; que cet élément de fait figure au nombre de ceux que le premier juge a pris en compte pour conclure à l'appartenance au domaine public maritime de la parcelle occupée par la SARL La Gougouline ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les coupures de presse auxquelles se réfère le jugement, que le juge d'appel ne trouve pas d'ailleurs pas au dossier de première instance, auraient été communiquées à la société ; que, dans ces conditions, cette dernière est fondée à soutenir que le principe du contradictoire a été méconnu et à demander pour ce motif, l'annulation des articles 2 et 3 du jugement attaqué ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'action domaniale engagée à l'encontre de la SARL Gougouline ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L.2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de l'Etat comprend : 1° le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et côté terre, le rivage de la mer. Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; (...) 3° Les lais et relais de la mer : a) qui faisaient partie du domaine privé de l'Etat à la date du 1er décembre 1963, sous réserve des droits des tiers (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende (...) " ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques était cité dans le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 13 février 2009 ; qu'ainsi le fondement légal retenu par le procès-verbal n'imposait aucune substitution de base légale ; qu'au demeurant il appartient, le cas échéant, au juge administratif de rechercher, même d'office, si les faits constatés par un procès-verbal de contravention de grande voirie constituent une contravention à d'autres dispositions que celles qui y sont expressément citées ; que le moyen invoqué par la requérante du défaut de base légale du procès-verbal dont elle a fait l'objet doit donc, en tout état de cause , être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes en date du 15 mars 1973, incorporant au domaine public maritime les lais et relais de la mer situés sur le littoral de la commune de Cagnes-sur-Mer, entre la mer et le domaine public routier départemental et le domaine public communal n'a pas de caractère règlementaire ; que cet arrêté a fait l'objet d'une publication au recueil des actes administratifs de la préfecture, aux " Petites affiches " et dans le quotidien Nice Matin le 1er avril 1982 comme cela résulte des pièces produites par la requérante elle-même ; qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait sa publication au Journal officiel ou sa notification à des propriétaires ou exploitants riverains ; qu'il est donc devenu définitif ; que la SARL La Gougouline n'est, par suite, pas recevable à exciper de son illégalité ; que, de plus, il résulte également des documents photographiques produits au dossier que les installations de l'établissement La Gougouline sont implantées directement sur la plage, en front de mer sur un lais de mer ; qu'en outre, la parcelle cadastrée AY 0039, à laquelle fait référence la société requérante, ne supporte pas les installations visées par la contravention de grande voirie ; que le terrain d'assiette des constructions litigieuses se trouve dans le périmètre de la concession de plages naturelles de l'Etat à la commune de Cagnes-sur-Mer arrivée à expiration le 31 décembre 1998 et est ainsi compris dans les limites du domaine public maritime telles qu'elles ressortent de la nouvelle concession en date du 22 décembre 2008 ;

7. Considérant, en troisième lieu, que la SARL La Gougouline soutient que l'établissement aurait obtenu les autorisations nécessaires en matière d'urbanisme et d'hygiène et de sécurité ; que, toutefois, ces législations, distinctes de celles relatives au domaine public maritime, sont sans influence sur la matérialité de la contravention de grande voirie et ne sont pas de nature à l'exonérer de l'action engagée à son encontre par le préfet des Alpes-Maritimes ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que la SARL La Gougouline invoque la faute de l'Etat, en soutenant que les services, informés de son fonctionnement, lui ont demandé de réaliser des travaux d'enrochements par lettre du 12 janvier 2010 ; que, toutefois, cette correspondance n'est pas relative à l'installation du bâtiment objet du procès-verbal dont s'agit ; qu'elle est donc sans incidence sur le présent litige ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que, si la SARL La Gougouline soutient qu'elle aurait été le seul établissement visé par les contraventions de grande voirie, elle ne l'établit pas davantage en appel qu'en première instance ; qu'en tout état de cause, cette circonstance est sans incidence sur le bien-fondé des poursuites engagées à son encontre dès lors qu'elle est occupante sans titre du domaine public maritime depuis le 1er janvier 2006 ; que la société ne saurait non plus utilement se prévaloir des termes d'une circulaire du 20 janvier 2012, qui est dépourvue de caractère réglementaire ;

10. Considérant, en sixième lieu, que, dans une décision n° 2013-316 QPC du 24 mai 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques conforme à la Constitution sous la réserve suivante : " 8. Considérant toutefois que lorsqu'une digue à la mer construite par un propriétaire est incorporée au domaine public maritime naturel en raison de la progression du rivage de la mer, il peut être imposé à l'intéressé de procéder à sa destruction ; que ce dernier pourrait ainsi voir sa propriété privée de la protection assurée par l'ouvrage qu'il avait légalement érigé ; que, dans ces conditions la garantie des droits du propriétaire riverain de la mer ayant élevé une digue à la mer ne serait pas assurée s'il était forcé de la détruire à ses frais en raison de l'évolution des limites du domaine public maritime naturel ; que, sous cette réserve, le 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques est conforme à l'article 16 de la déclaration de 1789 " ;

11. Considérant que cette réserve d'interprétation édictée par le Conseil constitutionnel est relative à la seule circonstance où il serait demandé à un propriétaire privé de démolir, à ses frais, un ouvrage de protection érigé sur le domaine privé ultérieurement incorporé au domaine public ; que tel n'est pas le cas des ouvrages à raison desquels le procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé à l'encontre de la SARL La Gougouline, dont les travaux ont consisté en la réalisation d'un bâtiment avec terrasse, destiné à la restauration et de trois piscines sur une surface totale de 3 400 m² ; qu'il en résulte que la réserve d'interprétation dont la décision du Conseil constitutionnel n° 2013-316 QPC a assorti la conformité à la Constitution de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques n'a pas été, à supposer que la société requérante ait entendu s'en prévaloir, méconnue ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'y a lieu de condamner la SARL La Gougouline, à la demande du préfet des Alpes-Maritimes, à procéder à la démolition de toutes les parties bâties de l'établissement à l'enseigne de " La Gougouline " et de ses annexes y compris la terrasse et à remettre les lieux en état en évacuant les matériaux de démolition, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, en autorisant l'administration, en cas d'inexécution, passé ledit délai de deux mois, à procéder d'office à la suppression des aménagements dont s'agit, aux frais, risques et périls de la société ; qu'en outre, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société à fin d'expertise, une telle mesure d'instruction n'étant pas utile à la solution du litige, et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement n° 1000578 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nice en date du 29 juin 2010 sont annulés.

Article 2 : La SARL La Gougouline est condamnée à procéder à la démolition de toutes les parties bâties de l'établissement à l'enseigne de " La Gougouline " et de ses annexes y compris la terrasse et à remettre les lieux en état en évacuant les matériaux de démolition, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Article 3 : L'administration est autorisée, en cas d'inexécution, passé ledit délai de deux mois, à procéder d'office à la suppression des aménagements dont s'agit, aux frais, risques et périls de la SARL La Gougouline.

Article 4 : Les conclusions de la SARL La Gougouline à fin d'expertise et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La Gougouline et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

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N° 10MA03698

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03698
Date de la décision : 06/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-03-02-04 Collectivités territoriales. Commune. Attributions. Police. Police de la circulation et du stationnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : NOTARI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-06;10ma03698 ?
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