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21/12/2012 | FRANCE | N°10MA03656

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 décembre 2012, 10MA03656


Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2010, présentée pour M. Patrice B, demeurant ..., par Me Guilbault ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704242 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités, à hauteur, s'ag

issant de l'impôt sur le revenu, de 377 777 euros pour l'année 2002 et de 383 064 euros p...

Vu la requête, enregistrée le 20 septembre 2010, présentée pour M. Patrice B, demeurant ..., par Me Guilbault ;

M. B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704242 du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles il a été assujetti au titre des années 2002 et 2003, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées, en droits et pénalités, à hauteur, s'agissant de l'impôt sur le revenu, de 377 777 euros pour l'année 2002 et de 383 064 euros pour l'année 2003 et, s'agissant des contributions sociales, de 1 996 euros pour l'année 2002 et 1 800 euros pour l'année 2003 ;

3°) de lui accorder la somme de 1 500 euros au titre de l'article 8 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;

4°) d'ordonner l'arrêt des poursuites pour les impositions contestées, y compris à l'égard de son ex-épouse Mme B ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2012 :

- le rapport de M. L'hôte, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant qu'à l'issue d'un examen de leur situation fiscale personnelle, l'administration a assigné à M. B des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales au titre des années 2002 et 2003 ; que ces suppléments d'impôts avaient notamment pour base le montant des bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. B dans le cadre de son activité professionnelle de conseil en système informatique exercée à titre individuel et évalués d'office par le service à la suite d'une vérification de comptabilité ; que M. B défère à la Cour le jugement du 30 juin 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande en décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la vérification de comptabilité :

2. Considérant, en premier lieu qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que l'administration fiscale engage à l'égard d'un contribuable mis en détention provisoire une procédure de contrôle, ni ne lui impose d'attendre la décision définitive du juge pénal sur les faits donnant lieu à poursuites ; que, par suite, en adressant à M. B un avis de vérification quelques jours seulement après son incarcération et sans attendre la décision du juge pénal, l'administration n'a pas entaché la procédure d'imposition d'irrégularité ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B a refusé de réceptionner l'avis de vérification qui lui a été notifié le 14 janvier 2005 ; que, par la suite, l'administration lui a adressé plusieurs courriers successifs, notamment les 24 janvier 2005, 8 février 2005, 21 mars 2005, 14 avril 2005, 5 août 2005 et 8 septembre 2005, lui demandant d'indiquer le lieu où pourraient se dérouler les interventions sur place et de désigner un représentant ; que, par ces courriers, le requérant a été mis en garde à trois reprises sur les conséquences qu'aurait sur sa situation la mise en oeuvre de la procédure d'opposition à contrôle fiscal ; qu'ainsi, et contrairement à ce qu'il soutient, lorsque l'administration a dressé le procès-verbal d'opposition à contrôle le 30 septembre 2005, M. B avait disposé d'un délai suffisant pour prendre les dispositions utiles afin de mandater une personne pour le représenter et réunir les documents constitutifs de sa comptabilité ; que si, durant toute cette période, il a affirmé ne pas vouloir s'opposer au contrôle et a proposé que l'examen de sa comptabilité se déroule au centre de détention, sous réserve de l'accord de l'administration pénitentiaire, ou à son domicile, il s'est abstenu de désigner un mandataire et a indiqué à plusieurs reprises qu'il souhaitait s'expliquer personnellement à l'issue de son incarcération ; que s'il soutient avoir eu des difficultés à trouver un avocat fiscaliste ou un mandataire spécialiste en comptabilité, il ne justifie pas avoir accompli la moindre démarche à cette fin ; qu'en agissant comme il l'a fait, M. B n'a pas pris les mesures nécessaires pour permettre le bon déroulement des opérations de contrôle ; que, dans ces circonstances, et alors même que son comportement n'aurait été ni agressif ni entièrement passif, l'administration a pu estimer à bon droit que son attitude dilatoire était constitutive d'une opposition au contrôle fiscal et mettre en oeuvre la procédure d'évaluation d'office de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que le requérant ne saurait utilement faire valoir qu'il a sollicité du juge d'instruction la communication des pièces comptables saisies dans le cadre de l'instance judiciaire engagée à son encontre et qu'un défaut de présentation de comptabilité ne suffit pas à caractériser une opposition à contrôle fiscal ; que les conditions de mise en oeuvre de cette procédure n'ont méconnu par ailleurs ni les droits de la défense, ni la charte du contribuable ; que le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en l'absence de contestation propre aux pénalités ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions des articles L. 67, L. 74 et L. 76 du livre des procédures fiscales que, lorsque les bases de l'imposition d'un contribuable ont été évaluées d'office à la suite de son opposition au contrôle fiscal, le législateur a entendu priver l'intéressé, qui s'est de lui-même placé en dehors des règles applicables à la procédure d'imposition, des garanties dont bénéficient les contribuables, qu'ils soient imposés selon la procédure contradictoire ou selon une procédure d'imposition d'office ;

6. Considérant que M. B ne saurait dès lors utilement soutenir avoir été privé d'un débat oral et contradictoire avec le vérificateur, ni se prévaloir de l'obligation qui pèse sur l'administration d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements obtenus de l'autorité judiciaire et utilisés pour arrêter les bases de l'imposition, eu égard à la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal mise en oeuvre à son égard ;

7. Considérant, en quatrième lieu, que lorsque le contribuable a été avisé par l'administration que la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, prévue par les dispositions précitées de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, était mise en oeuvre dès lors qu'il n'avait pas produit la comptabilité de l'entreprise et que le vérificateur n'avait pu ainsi procéder au contrôle de celle-ci, la circonstance que la comptabilité aurait été communiquée à l'administration postérieurement à la mise en oeuvre de cette procédure ne peut être utilement invoquée pour en contester la régularité ;

8. Considérant que M. B a eu notification le 5 octobre 2010 de la lettre en date du 30 septembre 2005 l'informant de la mise en oeuvre à son égard de la procédure d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal ; que la circonstance, au demeurant non établie, que l'avocat chargé de le représenter aurait remis sa comptabilité au vérificateur en mars 2006 est dès lors sans incidence sur la régularité du recours à la procédure de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ;

En ce qui concerne l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle :

9. Considérant que si la méconnaissance par le vérificateur de l'obligation qui lui est faite, en vertu des articles L. 47 à L. 50 du livre des procédures fiscales, de rechercher un dialogue contradictoire avec le contribuable faisant l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, a le caractère d'une irrégularité substantielle, le caractère oral d'un tel débat n'est pas exigé à peine d'irrégularité de la procédure suivie ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'administration a notifié un avis de vérification à M. et Mme B le 25 octobre 2004 ; que le 26 mai 2005, elle leur a adressé une demande de renseignement non contraignante et une demande d'éclaircissements et de justifications en vertu des articles L. 10 et L. 16 du livre des procédures fiscales ; que le 18 octobre 2005, elle les a informés de l'exercice de son droit de communication auprès de divers établissements bancaires ; qu'il n'est pas contesté par ailleurs que la vérificatrice les a invités à se présenter à son bureau à cinq dates différentes, sans que M. ou Mme B n'y donne suite ; que, dans ces circonstances, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé d'un débat contradictoire ; qu'il ne peut utilement se prévaloir de l'absence de débat oral avec la vérificatrice ; qu'en toute hypothèse, il n'est pas contesté que M. et Mme B n'ont pas déposé leur déclaration de revenu de l'année 2002 malgré la mise en demeure que leur a adressée le service le 9 mars 2003 et réceptionnée par eux le 14 mars suivant ; qu'en conséquence, leur revenu global de cette année a fait l'objet d'une taxation d'office en application du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, et dans la mesure où cette situation n'a pas été révélée à l'administration par l'examen de leur situation fiscale personnelle engagé à partir d'octobre 2004, les éventuelles irrégularités entachant ce dernier sont sans incidence sur la procédure d'imposition relative aux revenus de l'année 2002 ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne la charge de la preuve :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition " ; qu'aux termes de l'article R. 194-1 du même livre : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré (...) " ;

12. Considérant que les bénéfices industriels et commerciaux réalisés par M. B ayant été évalués d'office en application de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales, il lui appartient, en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales précité, de prouver l'exagération des bases d'imposition de ses recettes professionnelles ; que, par ailleurs, il résulte de l'instruction que M. et Mme B n'ont pas contesté les redressements qui leur ont été notifiés à l'issue de l'examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle, à l'exception de la remise en cause de la déduction d'une pension alimentaire au titre de l'année 2003 pour laquelle le service a abandonné la rectification ; qu'en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, il leur incombe dès lors de démontrer le caractère exagéré des impositions qui leur ont été assignées ;

En ce qui concerne le montant des impositions :

13. Considérant, en premier lieu, que le requérant qui n'a pas déposé de déclaration de résultat pour l'exercice 2002 et n'a pas présenté de comptabilité permettant de vérifier la sincérité de sa déclaration relative à l'exercice 2003, n'est pas fondé à soutenir que ses recettes professionnelles devaient être évaluées sur la base de ses déclarations de résultat ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'en se bornant à soutenir que ses charges se sont élevées à 310 123 euros pour l'exercice 2002 et à 459 127 euros pour l'exercice 2003 et à produire ses bilans établis a posteriori, le requérant n'établit pas que les bases d'imposition retenues par le service seraient exagérées ;

15. Considérant, en troisième lieu, que pour évaluer le chiffre d'affaires réalisé par le requérant au cours des deux exercices en litige, le vérificateur s'est appuyé sur les relevés bancaires des comptes professionnels de l'intéressé et les factures établies par celui-ci, obtenus par le service dans l'exercice de son droit de communication auprès de tiers et de l'autorité judiciaire ; qu'en l'absence de justificatif des charges exposées, il a déduit à ce titre 25 % du chiffre d'affaires ; que le requérant ne met pas en cause utilement cette méthode de reconstitution en faisant valoir qu'elle n'a pas pris en compte ses bilans et ses charges d'exploitation réelles ; qu'à cet égard également, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant en l'absence de contestation propre aux pénalités ;

Sur la demande de décharge de solidarité :

16. Considérant que le I de l'article 1691 bis du code général des impôts prévoit que les époux sont tenus solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu lorsqu'ils font l'objet d'une imposition commune ; que si le II du même article permet aux personnes divorcées ou séparées de demander à être déchargées de leur obligation de paiement dans certaines conditions, une telle demande relève de la procédure de recouvrement et ne peut être présentée dans un contentieux relatif à l'assiette des impositions en litige ; que, par suite, les conclusions de la requête tendant à ce que l'ex-épouse du requérant soit déchargée de son obligation de paiement, au demeurant présentées pour la première fois en appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter également ses conclusions tendant au versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Patrice B et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 10MA03656

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10MA03656
Date de la décision : 21/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Paiement de l'impôt - Solidarité entre époux.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. Vincent L'HÔTE
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GUILBAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-12-21;10ma03656 ?
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