Vu la décision en date du 17 mars 2010, enregistrée le 2 avril 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux, par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 05BX00387 du 1er avril 2008 rectifié par l'arrêt n° 08BX01119 du 11 septembre 2008 de la cour et lui a renvoyé la requête présentée pour la société Auxiliaire de parcs ;
Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 18 février 2005, présentée pour la société Auxiliaire de parcs, dont le siège est 94 rue de Provence à Paris (75009), par Me A... ;
La société Auxiliaire de parcs demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges n° 9800638,9800994 du 16 décembre 2004 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser une indemnité de 11 741 713 euros hors taxes en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait de l'exécution des conventions passées les 21 décembre 1992 et 28 octobre 1993 pour l'exploitation du service public du stationnement payant et l'a condamnée à verser à la commune de Brive-la-Gaillarde la somme de 2 139 797,67 euros ;
2°) de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser les sommes de 2 591 633,29 euros au titre du remboursement des redevances d'exploitation indûment perçues, de 2 982 490,31 euros au titre de l'enrichissement sans cause, et de 10 820 820 euros en compensation de son manque à gagner, ces sommes portant intérêts à compter du 4 mars 1997 ;
3°) de condamner la commune de Brive-la-Gaillarde à lui verser la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des marchés publics ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 octobre 2012 :
- le rapport de M. Patrice Lerner, premier conseiller ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;
- les observations de Me Ketchedjian, avocat de la commune de Brive-la-Gaillarde ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 25 octobre 2012, présentée pour la société Auxiliaire de parcs ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour le commune de Brive-la-Gaillarde ;
1. Considérant que, par des conventions du 21 décembre 1992, la commune de Brive-la-Gaillarde a délégué à la société Auxiliaire de parcs, pour une durée de trente ans, la gestion du service public du stationnement payant sur voirie et concédé, pour la même durée, l'exploitation de deux parcs de stationnement public souterrains ; qu'à ces conventions, déférées au tribunal administratif de Limoges par le préfet de la Corrèze, ont été substitués de nouveaux contrats signés le 28 octobre 1993, ayant le même objet mais dont la durée était ramenée à 29 ans et deux mois et qui ont, à leur tour, été contestés par l'autorité préfectorale ; que par un arrêt du 29 mai 2000 devenu définitif la cour a confirmé le jugement par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'ensemble de ces contrats successifs ; que la société Auxiliaire de parcs ayant saisi le tribunal administratif de Limoges pour obtenir réparation des préjudices subis du fait de l'exécution desdites conventions jusqu'au 15 juillet 1996 puis de leur annulation et la commune de Brive ayant présenté des conclusions reconventionnelles afin d'obtenir la répétition des sommes perçues par la société en application de ces conventions, le tribunal, par un jugement du 16 décembre 2004, a rejeté la demande de la société Auxiliaire de parcs et l'a condamnée à verser à la commune de Brive-la-Gaillarde la somme de 2 139 797,67 euros ; que la société ayant fait appel de ce jugement, par un arrêt rendu le 1er avril 2008, la cour a réduit le montant de la somme au paiement de laquelle elle a été condamnée ; que, par une décision du 17 mars 2010, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, sur pourvoi de la société Auxiliaire de parcs, a annulé l'arrêt précité et a renvoyé l'affaire devant la cour ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant que l'erreur affectant, dans le mémoire introductif d'instance, l'adresse du siège social de la société Auxiliaire de parcs a été ultérieurement corrigée ; que la requête satisfait ainsi aux prescriptions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, sans qu'une éventuelle incohérence, à la supposer établie, concernant par ailleurs son numéro d'inscription au registre du commerce et des sociétés soit de nature à exercer une influence sur sa recevabilité ;
Sur la recevabilité des conclusions incidentes :
3. Considérant que la commune de Brive-la-Gaillarde est recevable à présenter, en appel, des conclusions incidentes tendant à la réformation du jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de ses demandes reconventionnelles présentées devant le tribunal ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Considérant que si le jugement attaqué, statuant sur les prétentions de la société Auxiliaire de parcs exposées au titre de l'enrichissement sans cause, et visant au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la commune de Brive-la-Gaillarde, les a écartées en utilisant le terme de " dépenses d'exploitation ", sans reprendre la distinction de la requérante entre " dépenses d'exploitation ", " travaux de premier établissement " et " frais financiers ", il ressort clairement des motifs dudit jugement que, par cette expression générale, les premiers juges ont entendu désigner, sans restriction, l'ensemble des frais occasionnés par l'exécution des conventions litigieuses, sans exclure du champ de leurs énonciations celles qui avaient trait à la réalisation des travaux prévus par les contrats ou aux charges des emprunts souscrits par la société Auxiliaire de parcs ; que le tribunal administratif n'a dès lors pas statué en deçà des conclusions dont il était saisi, ni entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
5. Considérant que la société Auxiliaire de parcs a, en tant que cocontractante des conventions passées les 21 décembre 1992 et 28 octobre 1993, un intérêt lui conférant qualité pour agir contre la commune de Brive-la-Gaillarde ; que la fin de non-recevoir opposée par cette dernière et tirée du défaut d'intérêt pour agir de l'appelante doit, dès lors, être écartée ;
6. Considérant que, contrairement à ce que soutient la commune, la requête de la société Auxiliaire de parcs qui tend à la réparation d'un préjudice n'est pas exercée pour la sauvegarde d'une situation irrégulière ;
Au fond :
7. Considérant que le cocontractant de l'administration dont le contrat est entaché de nullité ou annulé peut prétendre, sur un terrain quasi-contractuel, non pas à ce que les sommes versées en exécution du contrat fassent l'objet d'une répétition, mais au remboursement de celles de ses dépenses qui ont été utiles à la collectivité envers laquelle il s'était engagé ; que, dans le cas où le contrat en cause est une concession de service public, il peut notamment, à ce titre, demander à être indemnisé de la valeur non amortie, à la date à laquelle les biens nécessaires à l'exploitation du service font retour à l'administration, des dépenses d'investissement qu'il a consenties, ainsi que du déficit qu'il a, le cas échéant, supporté à raison de cette exploitation, compte tenu notamment des dotations aux amortissements, pour autant toutefois qu'il soit établi que ce déficit était effectivement nécessaire, dans le cadre d'une gestion normale, à la bonne exécution du service ; que, dans le cas où la nullité du contrat résulte d'une faute de l'administration, le cocontractant de celle-ci peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l'administration ; qu'à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l'exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé par sa nullité, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l'indemnité à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà une rémunération supérieure à celle que l'exécution du contrat lui aurait procurée ;
8. Considérant que le tribunal a rejeté les conclusions de la société Auxiliaire de parcs tendant à la condamnation de la commune de Brive-La-Gaillarde à l'indemniser des préjudices qu'elle a subis en raison de l'annulation du contrat de concession et l'a, en revanche, condamnée à verser à la commune la somme de 1 400 000 euros en répétition de l'indu, au motif que la société Auxiliaire de parcs n'a pas procédé elle-même à l'exécution des contrats conclus avec la commune de Brive-La-Gaillarde mais les a fait exécuter par sa filiale la " Société Auxiliaire d'exploitation de parcs " ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la société Auxiliaire d'exploitation de parcs était une filiale à 100 % de la société Auxiliaire de parcs ; que la société Auxiliaire des parcs, en dépit de la circonstance qu'elle avait confié à sa filiale une part importante des missions qui lui étaient contractuellement dévolues, assurait vis-à-vis de la commune la responsabilité de l'exécution du contrat de concession, qu'elle en supportait la charge financière et qu'elle en intégrait les résultats dans ses comptes ; que, par suite, la société Auxiliaire de parcs est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance qu'elle n'avait pas procédé elle-même à l'exécution des contrats conclus avec la commune de Brive-La-Gaillarde mais qu'elle les avait fait exécuter par sa filiale pour rejeter ses conclusions indemnitaires et pour la condamner à verser à la commune de Brive-La-Gaillarde la somme de 1 400 000 euros au titre de la répétition de l'indu ;
9. Considérant qu'il y a lieu, par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les conclusions indemnitaires présentées par les parties ;
Sur les conclusions de la société Auxiliaire de parcs présentées au titre de la responsabilité quasi-contractuelle :
10. Considérant que, la circonstance que la société Auxiliaire de parcs a confié à sa filiale l'exécution des contrats passés avec la commune de Brive-La-Gaillarde n'est pas constitutive, contrairement à ce que soutient la commune, d'une situation illégitime ; que cette seule circonstance ne suffit pas, non plus, à établir que la société appelante avait accepté le risque de devoir supporter, en raison de ce transfert, des pertes d'exploitation ;
11. Considérant, d'une part, que la société Auxiliaire de parcs justifie, par la production de factures établies à son nom et de relevés bancaires attestant de leur paiement, de la réalisation de travaux, selon un détail figurant au rapport d'expertise, pour une somme s'élevant après déduction de frais annexes non justifiés à 803 567,26 euros (5 271 055,67 francs) ; que la durée de vie moyenne de ces investissements, constitués principalement d'aménagements et d'équipements ne portant pas sur du gros oeuvre, peut être estimée à huit ans et leur durée moyenne d'amortissement entre leur date d'achèvement et la date où ils sont revenus à la commune à trois ans ; que la valeur résiduelle des biens pour lesquels la société peut demander à être indemnisée s'élève ainsi à la somme de 502 229,54 euros ;
12. Considérant, d'autre part, que la société Auxiliaire de parcs demande le remboursement des redevances qu'elle a versées à la commune ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des articles 26 de la convention pour l'exploitation du stationnement payant sur voirie et de l'article 31 du contrat de concession des parcs de stationnement que ces redevances ne constituaient pas, pour la société, des dépenses d'investissement mais une charge d'exploitation correspondant au droit d'occupation du domaine public, d'une part, au droit d'exploitation des parcs de stationnement concédés d'autre part ; que la société n'est, par suite, pas fondée à en demander le remboursement ;
Sur les conclusions de la société présentée au titre de la responsabilité quasi-délictuelle :
13. Considérant que si la commune a irrégulièrement conclu des contrats portant sur la gestion du stationnement payant en raison de la durée d'engagement de vingt-neuf ans et deux mois excessive au regard de la nature et du faible montant des investissements à la charge de la société Auxiliaire de parcs délégataire, la société Auxiliaire de parcs a elle-même commis une grave faute en se prêtant à la conclusion de contrats dont, compte tenu de son expérience et de la circonstance qu'ils avaient été passés après que des contrats ayant le même objet ont été déférés par le préfet au tribunal administratif en raison de leur durée excessive, elle ne pouvait ignorer l'illégalité ; que cette faute constitue la seule cause directe du préjudice subi par la société Auxiliaire de parcs à raison de la perte du bénéfice attendu du contrat ; que cette société n'est ainsi pas fondée à demander l'indemnisation d'un tel préjudice, nonobstant la faute de la collectivité ;
Sur les conclusions de la commune de Brive-La-Gaillarde :
14. Considérant que la commune soutient que l'annulation des contrats en cause aurait comme conséquence que la société devrait lui rembourser les sommes qu'elle a perçues dans le cadre de leur exécution, soit directement auprès des usagers des parcs de stationnement souterrains, soit de la part de la collectivité au titre de la rémunération de l'exploitant prévue par les stipulations de l'article 25 du contrat de délégation de gestion du stationnement payant sur voirie ; que, toutefois, ces sommes ont été perçues par la société cocontractante en raison de l'exécution des services qui lui avaient été délégués et concédés et dont il n'est pas contesté qu'ils ont été effectivement rendus ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à en demander le remboursement ;
15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Auxiliaire de parcs est seulement fondée à demander, d'une part, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamnée à verser à la commune de Brive-La-Gaillarde la somme de 2 139 797,67 euros, d'autre part, la condamnation de la commune à l'indemniser à hauteur de la somme de 502 229,54 euros ;
Sur les intérêts :
16. Considérant que la société Auxiliaire de parcs a droit aux intérêts au taux légal, à compter du 5 mars 1997, date de réception de sa réclamation préalable, de la somme de 502 229,54 euros ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Auxiliaire de parcs, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la commune de Brive-La-Gaillarde la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
18. Considérant qu'il y a lieu de condamner la commune de Brive-La-Gaillarde, sur le même fondement, à payer à la société Auxiliaire de parcs une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement du tribunal administratif de Limoges n° 9800638,9800994 du 16 décembre 2004 condamnant la société Auxiliaire de parcs sont annulés.
Article 2 : La commune de Brive-la-Gaillarde est condamnée à verser à la société Auxiliaire de parcs la somme de 502 229,54 euros.
Article 3 : La somme de 502 229,54 euros portera intérêt au taux légal à compter du 5 mars 1997.
Article 4 : La commune de Brive-la-Gaillarde versera à la société Auxiliaire de parcs une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société Auxiliaire de parcs ensemble les conclusions de la commune de Brive-la-Gaillarde sont rejetées.
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No 10BX00906