LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur les pourvois formés par :
- M. Fabrice X...,- M. Charles Y...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7e chambre, en date du 18 février 2010, qui, sur renvoi après cassation, dans la procédure suivie contre eux du chef d'exercice illégal de la profession de pharmacien, a prononcé sur les intérêts civils ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires en demande et en défense produits ;
- Sur le pourvoi de M. Y... :
Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;
- Sur le pourvoi de M. X... :
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 4211-1, L. 5111-1, D. 4211-11 et D. 4211-12 du code de la santé publique, 2 et 16 du décret n° 2006-352 du 20 mars 2006 relatif aux compléments alimentaires, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit que M. X... s'était rendu coupable d'exercice illégal de la profession de pharmacien, déclaré recevable et bien fondée la constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens à l'encontre de M. X..., condamné ce dernier à payer au Conseil national de l'ordre des pharmaciens la somme de 25 000 euros à titre de dommages-intérêts, et ordonné la publication du dispositif de cet arrêt ;
" aux motifs que, sur le cas de MM. X..., Y... et Z..., préalablement à l'examen des faits reprochés à chacun des prévenus, il convient de rappeler les textes qui régissent la notion de médicament dont la commercialisation est réservée aux seuls pharmaciens ; que le monopole légal des pharmaciens, dont le fondement est la préservation de la santé publique, est consacré par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, au terme duquel : " sont réservés aux pharmaciens (..) 1- la préparation des médicaments destinés à l'usage de la médecine humaine, 2- la vente en gros, la vente au détail et la dispensation au public des médicaments, 3- la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret " ; que le médicament est défini par l'article L. 5111-1 du code de la santé publique qui dispose : " On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ou animales (première définition), ainsi que toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'obtenir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique (deuxième définition) " ; qu'il ressort de cette double définition, elle-même en conformité avec le droit communautaire (directive 2004/ 27/ CE du 31 mars 2004), qu'un produit peut être qualifié de médicament en considération de la présentation qui en est faite et/ ou sur la base de la fonction qui peut lui être attribuée ; que la présentation consiste à inciter un consommateur moyennement avisé à acheter un produit auquel le fabricant va donner l'apparence d'un médicament ayant la propriété de prévenir ou de guérir les maladies, peu importe, au demeurant, que cette propriété soit réelle ou illusoire et que la présentation des propriétés préventives ou curatives soit affirmée ou suggérée (présentation explicite ou présentation implicite) ; qu'ainsi, sera considéré comme médicament un produit explicitement présenté comme tel, dès lors que sont visés, même sous une forme déguisée, des états pathologiques ; que, de même, un produit sera implicitement présenté comme un médicament dès lors qu'un faisceau d'indices concordants permet de retenir que la présentation qui en est faite conforte les consommateurs dans l'idée qu'ils acquièrent un médicament (forme galénique, mode d'emploi assimilable à une posologie, utilisation d'une terminologie scientifique...) ; que le médicament par fonction est défini par la deuxième partie du premier alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique comme " toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l'homme ou chez l'animal ou pouvant leur être administrée, en vue d'établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique, immunologique ou métabolique " ; que la définition du médicament par fonction implique donc un produit dont le but est soit de provoquer une action pharmacologique, immunologique ou métabolique, afin de modifier des fonctions physiologiques, soit d'établir un diagnostic médical ; qu'il convient, pour déterminer si un produit est susceptible d'avoir de telles propriétés, de se prononcer au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques du produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques telles qu'elles peuvent être établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; qu'en outre, l'article L. 5111-1 in fine du code de la santé publique précise : " lorsque, eu égard à l'ensemble de ses caractéristiques, un produit est susceptible de répondre à la fois à la définition du médicament prévue au premier alinéa et à celle d'autres catégories de produits régies par le droit communautaire ou national, il est, en cas de doute, considéré comme un médicament " ; que, s'agissant des plantes médicinales, la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée est réservée aux seuls pharmaciens en vertu de l'article L. 4211-1, 5°, du code de la santé publique ; qu'à titre dérogatoire, seules sont en vente libre les plantes listées à l'article D. 4211-11 du code de la santé publique sous certaines formes uniquement, s'agissant bien souvent de vente en l'état ; que le terme " vendues en l'état " signifie qu'elles ne doivent pas être mélangées entre elles ou à d'autres espèces, par d'autres personnes que des pharmaciens et des herboristes ; qu'en particulier, ces plantes médicinales ne doivent pas être présentées sous forme de gélules et de gouttes, qui sont des préparations et des compositions constituant des médicaments ; que, si les plantes ont subi des transformations pour être incorporées dans des produits, ces derniers doivent alors être qualifiés de médicaments ; qu'en outre, l'action thérapeutique des plantes médicinales, qui modifie les fonctions physiologiques, donne au produit qui le contient la qualification légale de médicament par fonction au sens du deuxième alinéa de l'article L. 5111-1 du code de la santé publique ; que, parallèlement, certains produits sont susceptibles de bénéficier de la qualification de compléments alimentaires et, si tel est le cas, ceux-ci échappent au monopole des pharmaciens ; qu'il convient donc de déterminer, avec le plus de précaution possible, ce qui constitue un complément alimentaire et ce qui s'analyse comme un médicament ; qu'à cet égard, avant l'entrée en vigueur de la Directive complément alimentaire 2002/ 46/ CE du 10 juin 2002, les compléments alimentaires étaient définis comme " des produits destinés à être ingérés en complément de l'alimentation courante, afin de pallier l'insuffisance réelle ou supposée des apports journaliers " aux termes de l'article 15-2, 2e alinéa, du décret du 15 avril 1912 modifié par l'article 1er du décret du 14 octobre 1997 ; que la Directive communautaire 2002/ 46/ CE transposée en droit français aux termes d'un décret n° 2006-352 du 20 mars 2006, définit les compléments alimentaires comme " les denrées alimentaires dont le but est de compléter le régime normal et qui constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique, seuls ou combinés " ; que la Directive communautaire exclut que les compléments alimentaires puissent être accompagnés d'allégations thérapeutiques puisque, selon son article 6. 2 " l'étiquetage des compléments alimentaires, leur présentation et la publicité qui en est faite n'attribuent pas à ces produits des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d'une maladie humaine, ni n'évoquent ces propriétés " ; qu'en tout état de cause, s'il existe un doute sur la qualification de complément alimentaire, ce conflit de qualification doit être résolu au profit de la qualification de médicament, en application de la règle posée à l'article L. 5111-1 in fine du code de la santé publique ; a) le produit vitamine C 1000 de marque " Laboratoires Vitarmonyl " (M. X...) : que plusieurs éléments confèrent à ce produit la qualification de médicament de présentation ; que, tout d'abord, la commercialisation de ce produit sous la dénomination " Laboratoires Vitarmonyl " tend à faire croire auprès du consommateur moyennement avisé, qu'il est fabriqué par un établissement pharmaceutique ; qu'en second lieu, cette conviction est renforcée par la présentation du produit, identique aux spécialités pharmaceutiques de même nature, vendues en officine (forme galénique et mentions relatives à la composition et à la posologie) ; que la posologie " croquer ou sucer un comprimé par jour de préférence le matin " ainsi que les indications relatives aux précautions d'emploi et aux effets indésirables " une consommation excessive peut entraîner des troubles gastro-intestinaux sans gravité. Ne pas donner aux enfants de moins de trois ans. Contient de la phénylalanine " sont identiques aux mentions inscrites sur les spécialités pharmaceutiques " ; qu'enfin, le produit fait référence à ses propriétés préventives ou curatives en ce qu'il est précisé " qu'il soutient l'organisme dans de nombreuses réactions métaboliques comme celles permettant de renforcer les défenses naturelles que nous produisons chaque jour lors des agressions externes ou internes " ; que, manifestement, le consommateur moyennement avisé, en faisant une telle lecture, n'entend pas acquérir le produit pour compléter son régime alimentaire, mais bel et bien pour prévenir ou guérir un état pathologique ; que, dès lors, la conjugaison de tous ces éléments permet de qualifier la vitamine C 1000 Laboratoires Vitarmonyl de médicament par présentation ; qu'au regard de la définition du médicament par fonction, il convient de relever que ce produit, composé de 1000 mg d'acide ascorbique est un antioxydant susceptible, selon des travaux scientifiques versés aux débats, d'avoir des effets physiologiques en fonction de la dose administrée ; que, dès lors, de par l'action pharmacologique ou métabolique qu'il exerce, il est administré en vue de corriger des fonctions physiologiques ; que, par ailleurs, l'article 3 de l'arrêté du 9 mai 2006 relatif aux nutriments, pouvant être employés dans la fabrication des compléments alimentaires, prévoit que " l'utilisation des substances vitaminiques et minérales énumérées à l'annexe II ne doit pas conduire à un dépassement des doses journalières mentionnées à l'annexe III du présent arrêté, compte tenu de la portion journalière de produit recommandée par le fabricant telle qu'elle est indiquée dans l'étiquetage " ; que l'annexe III de l'arrêté du 9 mai 2006, relative aux doses journalières maximales, indique pour la vitamine C : 180 mg ; qu'en conséquence, la qualification de complément alimentaire du produit, revendiquée par M. X..., ne peut pas être retenue ; qu'enfin, s'agissant des risques sur la santé et de l'ampleur de la diffusion de la vitamine C :- la vitamine C peut entraîner des effets indésirables tels que diarrhée, douleur abdominale, lithiase rénale, nausées et vomissements ;- il existe plus de soixante-dix spécialités pharmaceutiques possédant une autorisation de mise sur le marché contenant de la vitamine C, commercialisées en tant que substance active ; qu'en définitive, et contrairement à ce qu'a conclu le tribunal correctionnel de Marseille, le produit " Vitamine C 1000 " est bien un médicament par présentation et par fonction ; b) le produit magnésium BI, B2, B6 de marque Laboratoires Vitarmonyl (M. X...) ; que, là aussi, ce produit est présenté de la même manière que des spécialités pourvues d'AMM, vendues en pharmacie, fabriquées par des établissements pharmaceutiques habilités, incitant ainsi le consommateur à penser qu'il se trouve en présence d'un médicament présentant les mêmes garanties de contrôle et de fiabilité ; qu'il se présente dans une forme galénique avec des mentions relatives à la composition et à la posologie ; que la posologie " prendre un comprimé par jour, de préférence le matin et faire des cures de dix à vingt jours " comme la mise en garde " ce produit ne convient pas en cas d'insuffisance rénale, contenant des polyols, une consommation excessive peut entraîner des troubles gastro-intestinaux sans gravité, ne pas donner aux enfants de moins de trois ans " sont des indices qui, conjugués à d'autres, permettent de retenir la qualification de médicament par présentation ; que, surtout, ce produit, en ce qu'il est préconisé en cas " de crampes musculaires, nervosité accrue, difficultés d'endormissement, état de fatigue passager ", fait mention de ses propriétés préventives ou curatives, lesquelles incitent le consommateur à acquérir ledit produit, non pas dans un but alimentaire, mais dans un souci de remédier par automédication à des états pathologiques ; qu'en effet, les termes employés font référence à des états pathologiques mentionnés au sein du classement international des maladies : crampes : " crampes et spasmes " (CIMI0, R25-2), nervosité accrue " stress " et " anxiété " (CIM10, F43, F50, G47), difficultés d'endormissement : " troubles du sommeil " (CIM10, N- bF50, G47), état de fatigue passager : " asthénie " (CIM10, R53 X) ; qu'enfin, la commercialisation sous le nom " Laboratoires Bioharmonyl " a pour objet ou pour effet de persuader l'acheteur que le produit est fabriqué par un établissement pharmaceutique ; qu'au regard de la définition de médicament par fonction, que le produit incriminé est composé de : 1, 4 mg de vitamine B1, 1, 6 mg de vitamine B2, 2, 0 mg de vitamine B6, 100 mg de magnésium, que la vitamine B1 ou thiamine a comme indication le traitement de la carence en vitamine B1, le traitement d'appoint de l'asthénie fonctionnelle, le traitement de l'alcoolisme chronique et de la femme enceinte ; qu'elle est également proposée dans les cas d'anorexie et d'insuffisance cardiaque ; que la vitamine B2 ou riboflavine a comme indication le traitement de la carence en vitamine B2, les maladies de la peau, les affections oculaires, les crampes et les migraines, que la vitamine B6 ou pyridoxine a comme indication le traitement des carences avérées en vitamine B6 ; que cette vitamine est contre-indiquée avec le Lévodopa, utilisé dans le traitement de la maladie d'Alzheimer ; que le magnésium, oligo-élément dont l'indication est traditionnelle en cas de stress, lorsqu'il est associé à la pyridoxine ou vitamine B6, a une action reconnue dans diverses pathologies, en particulier par son action sur les manifestations fonctionnelles liées au stress, se traduisant par un état d'hyperexcitabilité et des crises d'anxiété avec hyperventilation (tétanie constitutionnelle également dite spasmophilie) ; qu'en outre, l'association magnésium + B6 est recommandée pour les femmes enceintes, pour la diminution des crampes et l'allongement de la durée de gestation ; qu'ainsi, compte tenu des propriétés thérapeutiques conformes à l'effet revendiqué, le produit en cause est destiné à être administré en vue de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une action pharmacologique ou métabolique ; qu'il existe plus de vingt-cinq spécialités pharmaceutiques contenant de la vitamine B1, commercialisées en tant que substance active, dix-sept spécialités pharmaceutiques contenant de la vitamine B2, commercialisées en tant que substance active, et trente-sept spécialités pharmaceutiques contenant de la vitamine B6, commercialisées en tant que substance active ; que, de tout cela, il résulte que le produit litigieux est bien un médicament par présentation et par fonction (...) ;
" 1) alors qu'un médicament par présentation est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; qu'un « complément alimentaire » est une denrée alimentaire commercialisée « sous forme de doses, à savoir les formes de présentation telles que les gélules, les pastilles, les comprimés, les pilules et autres formes similaires, ainsi que les sachets de poudre, les ampoules de liquide, les flacons munis d'un compte-gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre » ; que l'étiquetage d'un complément alimentaire doit obligatoirement préciser sa composition et ses modalités d'emploi ; qu'ainsi, le conditionnement d'un produit à ingérer sous forme galénique (gélules, comprimés...) et l'indication de sa composition et de ses modalités d'emploi, peuvent légalement correspondre à la présentation d'un complément alimentaire, et non d'un médicament ; qu'en jugeant cependant que les produits litigieux étaient des « médicaments par présentation », aux motifs inopérants pris de leur conditionnement « sous forme galénique » et de l'existence de mentions relatives à leur composition et à leurs modalités d'emploi, sans caractériser ainsi une présentation différente de celle de « compléments alimentaires », la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 2) alors qu'un médicament par présentation est un produit présenté comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l'égard des maladies humaines ; qu'en jugeant que le produit Vitamine C 1000 était un « médicament par présentation », aux motifs qu'il indiquait, en termes vagues et imprécis, « qu'il soutient l'organisme dans de nombreuses réactions métaboliques comme celles permettant de renforcer les défenses naturelles que nous produisons chaque jour lors des agressions externes ou internes », sans constater ainsi l'allégation de propriétés spécifiquement « curatives ou préventives » à l'égard de « maladies humaines » clairement définies, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 3) alors qu'un produit ne peut constituer un médicament par présentation que s'il apparaît, aux yeux d'un consommateur moyennement avisé, que ce produit devrait avoir, eu égard à sa présentation, des propriétés curatives ou préventives à l'égard d'une maladie ; qu'en relevant que le produit « Magnésium B1, B2, B6 » était préconisé en cas de « crampes musculaires, nervosité accrue, difficultés d'endormissement, état de fatigue passager », puis en effectuant des rapprochements entre ces indications banales et « des états pathologiques mentionnés au sein du classement international des maladies » (CIM) établi par l'Organisation mondiale de la santé, pour en déduire que le produit susvisé faisait état de « propriétés curatives ou préventives » à l'égard de maladies et constituait un médicament par présentation, sans expliquer en quoi un consommateur moyennement avisé aurait connaissance du CIM et devrait nécessairement faire lui-même les rapprochements et déduction susvisés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ; " 4) alors qu'un médicament par fonction est un produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques ; que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, le juge doit procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de ce produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; qu'en jugeant que le produit litigieux « Magnésium B1, B2, B6 » constituait un médicament par fonction, sans tenir compte de l'ensemble des caractéristiques de ce produit et sans se prononcer, en particulier, sur ses modalités d'emploi, ni sur le risque que pourrait entraîner son utilisation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 5) alors qu'un produit ne saurait être considéré comme un médicament par fonction lorsque, compte tenu de son dosage et dans des conditions normales d'emploi, il n'est pas apte à restaurer, corriger ou modifier de manière significative des fonctions physiologiques ; qu'en se bornant à évoquer l'action pharmacologique ou métabolique susceptible d'être exercée par les vitamines B1, B2, B6 et par l'oligo-élément magnésium, pour en déduire que le produit « Magnésium B1, B2, B6 » constituait un médicament par fonction, sans rechercher concrètement si ce produit, compte tenu de son dosage en substances actives et dans des conditions normales d'emploi, permettait de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques de manière significative, et de dépasser ainsi l'effet physiologique propre à un simple complément alimentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 6) alors qu'un médicament par fonction est un produit pouvant être administré à l'homme en vue de restaurer, corriger ou modifier ses fonctions physiologiques ; que, pour décider si un produit constitue un médicament par fonction, le juge doit procéder au cas par cas, en tenant compte de l'ensemble des caractéristiques de ce produit, dont notamment sa composition, ses propriétés pharmacologiques, établies en l'état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d'emploi, l'ampleur de sa diffusion, la connaissance qu'en ont les consommateurs et les risques que peut entraîner son utilisation ; qu'en jugeant que le produit « Vitamine C 1000 » constituait un médicament par fonction, au motif que la vitamine C pourrait entraîner des « effets indésirables », sans préciser la dose de vitamine C à partir de laquelle ces effets indésirables pourraient survenir et sans rechercher ainsi concrètement si le produit litigieux présentait un risque pour la santé, compte tenu de son dosage et de ses modalités d'emploi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;
" 7) alors qu'un produit ne saurait être considéré comme un médicament par fonction lorsque, compte tenu de son dosage et dans des conditions normales d'emploi, il n'est pas apte à restaurer, corriger ou modifier de manière significative des fonctions physiologiques ; qu'en jugeant que le produit « Vitamine C 1000 » constituait un médicament par fonction, sans rechercher concrètement si ce produit, compte tenu de son dosage et dans des conditions normales d'emploi, permettait de restaurer, corriger ou modifier des fonctions physiologiques de manière significative, et de dépasser ainsi l'effet physiologique propre à un simple complément alimentaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que, le 15 mars 1996, la société Vitarmonyl a commercialisé au rayon parapharmacie d'une grande surface de la vitamine C 1000 et du magnésium BI, B2, B6 ; que, sur plainte avec constitution de partie civile du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, M. X..., dirigeant de la société Vitarmonyl, a été renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la pharmacie ; qu'il a été relaxé par les premiers juges ; que, sur l'appel de la seule partie civile, la cour d'appel a confirmé les dispositions civiles du jugement entrepris ; que, par arrêt du 5 mai 2009, la Cour de cassation a cassé cet arrêt ; que, statuant sur renvoi, la cour d'appel a infirmé le jugement du 8 juillet 2005 ;
Attendu que, pour déclarer M. X... coupable d'exercice illégal de la pharmacie, l'arrêt énonce que la vitamine C 1000 et le magnésium B1, B2, B6, constituent des médicaments par présentation ; que les juges relèvent ainsi, tout d'abord, que ces produits, commercialisés sous une dénomination indiquant qu'ils proviennent d'un laboratoire, ont une présentation identique à celle de spécialités vendues en pharmacie, fabriquées par des établissements pharmaceutiques habilités, avec des mentions relatives à la composition, à la posologie ainsi que des indications portant sur les précautions d'emploi et les effets indésirables incitant ainsi le consommateur moyennement avisé à penser qu'il se trouve en présence d'un médicament présentant les mêmes garanties de contrôle et de fiabilité et, ensuite, qu'ils font référence à des états pathologiques mentionnés au sein du classement international des maladies tels que les crampes, le stress, l'asthénie avec la mention de propriétés préventives ou curatives ; qu'ils en déduisent que le consommateur moyennement avisé, en faisant une telle lecture, n'entend pas acquérir ces produits pour compléter son régime alimentaire mais pour prévenir ou guérir un état pathologique ;
Attendu que la cour d'appel retient, en outre, que les produits litigieux constituent également des médicaments par fonction ; qu'elle relève ainsi, d'une part, que, composés de substances susceptibles d'avoir des effets physiologiques en fonction de la dose administrée, ils présentent des propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques utiles dans le traitement de la carence en vitamine, de l'asthénie, de l'alcoolisme, de l'anorexie, de l'insuffisance cardiaque, des maladies de la peau, des affections oculaires, des crampes et des migraines ainsi que des manifestations fonctionnelles liées au stress, d'autre part, qu'il existe de très nombreuses spécialités pharmaceutiques contenant de la vitamine C, des vitamines B1, B2, B6 commercialisées comme substances actives et que ces produits peuvent présenter des effets indésirables ou des contre-indications ;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois ;
DIT n'y avoir lieu à application, au profit du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, M. Arnould conseiller rapporteur, M. Pers conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;