La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/05/2012 | FRANCE | N°10-23389

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 15 mai 2012, 10-23389


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2010), que lors de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Eiffage du 18 avril 2007, le bureau de l'assemblée, se fondant sur l'existence d'une action de concert entre la société Sacyr, détentrice de 33,32% du capital, et 89 autres actionnaires, dont les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe et Capucines, appartenant au groupe Gecina, a "constaté" la privation légale des droits de vote de ces actionnaires au delà

du seuil de 33,33% du capital ; que les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe, Ca...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 10 juin 2010), que lors de l'assemblée générale mixte des actionnaires de la société Eiffage du 18 avril 2007, le bureau de l'assemblée, se fondant sur l'existence d'une action de concert entre la société Sacyr, détentrice de 33,32% du capital, et 89 autres actionnaires, dont les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe et Capucines, appartenant au groupe Gecina, a "constaté" la privation légale des droits de vote de ces actionnaires au delà du seuil de 33,33% du capital ; que les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe, Capucines et Gecina ont fait assigner la société Eiffage aux fins d'annulation de la décision du bureau les concernant ;
Attendu que la société Eiffage fait grief à l'arrêt d'accueillir cette demande, alors, selon le moyen, que le bureau de l'assemblée générale des actionnaires qui a le pouvoir et le devoir de contrôler l'exercice du droit de vote, peut apprécier, sous le contrôle du juge, l'existence de toute action de concert et doit, en présence d'indices graves, précis et concordants d'une action de concert ayant entraîné un franchissement de seuil irrégulier, appliquer la privation des droits de vote prévus par l'article L. 233-14, alinéa 1er, du code de commerce ; qu'en décidant que le bureau ne pouvait faire l'application de ce texte que pour certains cas de concert, la cour d'appel a violé les articles L. 233-7, L. 233-9, L. 233-10 et L. 233-14 du code de commerce ;
Mais attendu qu'aucun texte n'attribue au bureau de l'assemblée le pouvoir de priver des actionnaires de leurs droits de vote au motif qu'ils n'auraient pas satisfait à l'obligation de notifier le franchissement d'un seuil de participation dés lors que l'existence de l'action de concert d'où résulterait cette obligation est contestée ; que le moyen, qui soutient une thèse contraire, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Eiffage aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme globale de 2 500 euros aux sociétés Geciter, Hôtel d'Albe, Capucines et Gecina ; rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quinze mai deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux conseils pour la société Eiffage
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR « dit que la privation des droits de vote attachés aux actions Eiffage détenues par les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe et la SCI Capucines par le bureau de l'assemblée générale d'Eiffage en date du 18 avril 2007 est irrégulière », « prononcé la nullité de ladite décision », «dit que les sociétés Geciter, Hôtel d'Albe et Capucines peuvent exercer l'intégralité des droits de vote attachés aux actions Eiffage qu'elles détiennent » et d'avoir condamné la société Eiffage à leur verser, ainsi qu'à la société Gecina, la somme d'un euro à titre de dommage et intérêts ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « le pouvoir, voire le devoir, pour le bureau de l'assemblée générale, dans le cadre de la mission de police qui lui est confiée, d'appliquer la sanction de privation de son droit de vote tel que prévu par l'article L.233-14 à l'actionnaire n'ayant pas satisfait aux obligations de l'article L.233-7 du même Code n'est pas discuté ; que dans l'exercice de sa mission et pour la mise en oeuvre des textes susvisés, les pouvoirs du bureau sont limités à celui de constater que les conditions d'application en sont réunies ; que s'il peut relever l'existence d'une action de concert lorsque l'une ou l'autre des conditions prévues par l'alinéa 2 de l'article L.233-10 est remplie, c'est en procédant alors au constat objectif de l'existence d'un critère strictement statutaire précisément défini par la loi ; que cependant le bureau, en dehors de l'hypothèse ci-dessus évoquée, ne dispose d'aucun moyen ni pouvoir pour mener des investigations approfondies indispensables, au cours desquelles un actionnaire mis en cause pourrait assurer sa défense ; qu'organe éphémère ne présentant aucune garantie d'impartialité en raison de son mode de constitution, la loi ne lui a pas conféré l'imperium lui permettant de juger de l'existence d'une action de concert occulte et contestée, par une interprétation nécessaire de faisceaux d'indices divers tels que notamment le comportement des actionnaires mis en cause ; que dans ces conditions le Tribunal a justement considéré que la décision de privation du droit de vote de 89 actionnaires prise le 18 avril 2007 était irrégulière » ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE « au-delà des attributions spécifiques et rappelées ci-dessus, il est admis par la jurisprudence, la doctrine et les usages que le bureau puisse exercer un pouvoir général de police de l'assemblée, notamment contrôler l'exercice du droit de vote, arrêter le quorum et vérifier qu'il est atteint pour chaque résolution, vérifier l'application des règles de majorité et résoudre certaines difficultés qui peuvent surgir en cours de séance, qu'il ne peut le faire qu'a minima, faute d'avoir reçu du législateur une délégation précise, et qu'il ne peut avoir qu'un pouvoir de constatation» ; qu'au regard de l'article L.233-14 alinéa 1er du Code de commerce, « le bureau peut user de son pouvoir de constatation pour constater matériellement l'absence de déclaration de franchissement de seuil et appliquer la mesure de privation des droits de vote, c'est-à-dire adopter les mesures matérielles nécessaires à la privation du droit de vote ; qu'il appartient au bureau, qui a constaté une évidence d'action de concert, de priver les actionnaires en cause de leurs droits de vote, le bureau étant un exécutant ; que dans le cas de franchissement de seuil par des actionnaires agissant de concert, l'évidence ne pourra être invoquée qu'en cas d'action de concert avérée, voire présumée en application de l'article L.233-10-II du Code de commerce ; que le bureau a constaté n'avoir reçu aucune déclaration de franchissement de seuil en relation avec les actions Eiffage qui seraient détenues de concert avec Sacyr Vallehermoso, ni d'aucun des autres actionnaires figurant sur la liste remise par la société Eiffaime ; que saisi de cette demande, le Président du bureau a questionné les intéressés sur l'existence d'une action de concert, que les réponses qui lui ont été apportées ont toutes été négatives ; que dès l'action de concert n'a pu être avérée, n'ayant pas été reconnue par les prétendus concertistes ; que le bureau n'a pas recherché si l'une des cinq présomptions légales (de l'article L.233-10.II) était application applicable au cas d'espèce, ne l'a pas prouvé, et en tout état de cause, elles ne semblent pas trouver application dans le cadre du présent litige ; que l'action de concert n'est ni avérée, ni présumée ; qu'Eiffage et Eiffaime soutiennent que l'existence d'indices graves, précis et concordants ont obligé le bureau à prendre des mesures visant à constater la privation des droits de vote attachés aux titres détenus par les actionnaires qui avaient agi de concert et excédant le seuil du tiers pour une durée de deux ans ; que le bureau n'a cependant pas le pouvoir de réunir d'éventuelles preuves d'une supposée action de concert, ni les apprécier ; que le défaut de déclaration doit donc être avéré ou ressortir des présomptions légales, qu'il ne peut lui appartenir d'établir le manquement, par qualification d'une situation juridique qu'il n'a aucun pouvoir pour analyser ; qu'une telle qualification ne peut être dévolue qu'à une autorité de nature juridictionnelle soumise au principe d'impartialité et du respect des droits de la défense » ;
ALORS QUE le bureau de l'assemblée générale des actionnaires qui a le pouvoir et le devoir de contrôler l'exercice du droit de vote, peut apprécier, sous le contrôle du juge, l'existence de toute action de concert et doit, en présence d'indices graves, précis et concordants d'une action de concert ayant entraîné un franchissement de seuil irrégulier, appliquer la privation des droits de vote prévus par l'article L.233-14 alinéa 1er du Code de commerce ; qu'en décidant que le bureau ne pouvait faire l'application de ce texte que pour certains cas de concert, la Cour d'appel a violé les articles L.233-7, L.233-9, L.233-10 et L.233-14 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-23389
Date de la décision : 15/05/2012
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE COMMERCIALE (règles générales) - Filiale et participation - Information - Franchissement de seuil - Déclaration - Défaut - Assemblée générale - Pouvoirs du bureau - Détermination

Aucun texte n'attribue au bureau de l'assemblée générale le pouvoir de priver des actionnaires de leurs droits de vote au motif qu'ils n'auraient pas satisfait à l'obligation de notifier le franchissement d'un seuil de participation dès lors que l'existence de l'action de concert d'où résulterait cette obligation est contestée


Références :

article L. 233-14 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 10 juin 2010


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 15 mai. 2012, pourvoi n°10-23389, Bull. civ. 2012, IV, n° 104
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2012, IV, n° 104

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Gaschignard, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 04/09/2013
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2012:10.23389
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award