LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société caisse d'épargne et de prévoyance ayant fait délivrer un commandement de payer valant saisie immobilière à l'encontre de M. X..., a fait assigner ce dernier et les créanciers inscrits à l'audience d'orientation devant le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Nanterre ; que la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine (la société) ayant déposé, successivement, deux déclarations de créances le 24 août 2007, la première sous la constitution de M. Y..., avocat au barreau de Paris, et la seconde sous la constitution de M. Z..., avocat au barreau des Hauts-de-Seine, la validité de ces déclarations a été contestée ; que la société a interjeté appel du jugement ayant déclaré nulles les deux déclarations de créances ;
Sur le premier moyen :
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de déclarer nulle et de nul effet la déclaration déposée sous la constitution de M. Y..., avocat au barreau de Paris, alors, selon le moyen, que les créanciers du débiteur saisi peuvent valablement prendre une inscription sur l'immeuble saisi jusqu'au jour de l'adjudication, et peuvent ensuite contester les créances préalablement déclarées par les autres créanciers ; qu'il en résulte que les contestations des déclarations de créances ne peuvent être utilement tranchées dès l'audience d'orientation, l'ensemble des créanciers n'ayant pas nécessairement été assignés pour cette audience ; qu'ainsi, la procédure de distribution est nécessairement distincte de la procédure de saisie immobilière elle-même ; que, par conséquent, la déclaration de créance, qui dépend de la procédure de distribution du prix, peut être effectuée par un avocat n'appartenant pas au barreau dépendant du tribunal compétent, s'il est habituellement admis à postuler devant ce tribunal en vertu de la multipostulation, dans la mesure où l'exception prévue par l'article 1er III, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 pour la procédure de saisie immobilière n'est pas applicable ; qu'en jugeant néanmoins nulle la déclaration de créance effectuée le 24 août 2007 par la société, sous la constitution de M. Y..., tandis qu'elle constatait que cet avocat était inscrit au barreau de Paris, ce dont il résultait qu'il pouvait valablement représenter un créancier pour une procédure de distribution du prix de vente et déclarer une créance devant le tribunal de grande instance de Nanterre en vertu des règles de la multipostulation, la cour d'appel a violé les artcles 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 47 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ;
Mais attendu qu'ayant relevé qu'il résulte de l'article 2190 du code civil que la saisie immobilière tend à la vente forcée de l'immeuble du débiteur en vue de la distribution de son prix de sorte que la saisie et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure, et retenu que l'exception à la multipostulation prévue à l'article 1er III, alinéa 2, de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, s'applique à tous les actes de la procédure de saisie immobilière soumis à la représentation obligatoire, la cour d'appel a exactement décidé que la déclaration de créance faite le 24 août 2007 sous la constitution de M. Y..., avocat au barreau de Paris, qui était entachée d'une irrégularité de fond devait être annulée ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le second moyen :
Vu les articles 414 et 121 du code de procédure civile ;
Attendu que pour déclarer nulle la déclaration de créance faite le 24 août 2007, sous la constitution de M. Z..., l'arrêt retient que la coexistence de deux déclarations effectuées le même jour sous les constitutions de deux avocats différents encourt la nullité et que la déclaration faite sous la constitution de M. Z... n'a pu régulariser la déclaration faite antérieurement sous la constitution de M. Y..., pour n'avoir pris effet qu'à compter de l'annulation de cette dernière par le jugement entrepris ;
Qu'en statuant ainsi, alors que, si la déclaration faite sous la constitution de M. Y..., avocat au barreau de Paris, était entachée d'une irrégularité de fond, la seconde déclaration faite le même jour, sous la constitution de M. Z..., avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance saisi de la procédure de saisie immobilière, avait couvert cette irrégularité de sorte que seul ce dernier représentait la société, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré nulle la déclaration de créance effectuée sous la constitution de M. Z... avocat inscrit au barreau des Hauts-de-Seine, l'arrêt rendu le 7 janvier 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes du trésorier principal de Paris 16e, de l'ordre des avocats du barreau des Hauts-de-Seine et de la société caisse d'épargne et de prévoyance d'Ile-de-France de Paris ; condamne M. X... à payer à la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq mai deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
.Moyens produits par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société Crédit foncier et communal d'Alsace et de Lorraine banque.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé nulle et de nul effet la déclaration de créance régularisée le 24 août 2007 dans l'intérêt du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL), sous la constitution de maître Y..., avocat au barreau de Paris ;
AUX MOTIFS QUE par jugement avant dire droit du 10 janvier 2008, la chambre des saisies immobilières du tribunal de grande instance de Nanterre a sollicité l'avis de la Cour de cassation sur les questions de droit suivantes :
- dans le cadre du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 relatif aux procédures de saisie immobilière et de distribution du prix d'un immeuble, le juge de l'exécution, au moment de l'audience d'orientation, peut-il statuer sur la validité des déclarations de créances reçues ? ;
- dans le même cadre, la procédure de distribution se conçoit-elle comme une phase de la procédure de saisie immobilière ?
- les déclarations de créances doivent-elles être déposées impérativement sous la constitution d'un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance devant lequel est poursuivie la procédure de saisie immobilière en application combinée des dispositions des articles 5 alinéa 2, 1er III alinéa 1 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et des articles 5, 109 et 41 4° du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 ?
que le tribunal a sursis à stater dans l'attente de l'avis ; que la Cour de cassation a rendu l'avis du 16 mai 2008 en ces termes :
1° le juge de l'exécution est tenu de trancher les contestations relatives à la validité des déclarations de créance soulevées au cours de l'audience d'orientation ;
2° la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure ;
3° les déclarations de créance mentionnées aux articles 46 et 47 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006 doivent être faites par acte d'un avocat inscrit au barreau du tribunal de grande instance devant lequel la vente est poursuivie, les dispositions de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 demeurant en vigueur ;
que le CFCAL a déposé, le 24 août 2007, une déclaration de créance à 15h20 sous la constitution de maître Jean-Michel Y..., avocat au barreau de Paris, au nom de la SCP Y... et associés ; que faisant valoir que la procédure de saisie immobilière et de distribution du prix sont dissociables, le CFCAL soutient que la dérogation instaurée par l'article 1er § III alinéa 1er de la loi du 31 décembre 1971 doit recevoir application ; que pour les motifs exposés précédemment, contrairement aux prétentions du CFCAL, la saisie immobilière et la distribution du prix constituent les deux phases d'une même procédure ; que d'ailleurs, l'article 109 du décret du 27 juillet 2006 6 renvoie pour la procédure de distribution aux articles 5 à 12 du même texte qui régissent la procédure de saisie immobilière ; que comme l'a relevé à juste titre le premier juge, la double finalité de la procédure (vente forcée de l'immeuble en vue de la distribution du prix) ressort de la rédaction de l'article 2190 du Code civil, issue de l'ordonnance du 21 avril 2006 ; qu'au surplus, la suppression de la procédure d'ordre a conduit à confier les deux phases au même juge, le juge de l'exécution ; qu'aux termes de l'article 5 alinéa 2 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée, les avocats exercent exclusivement devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel ils ont établi leur résidence professionnelle les activités antérieurement dévolues au ministère obligatoire de l'avoué auprès de ce tribunal ; que l'article 1er III alinéa 2 de ce texte prévoit que la dérogation aux règles d'exercice de la profession, prévue à l'alinéa 1, n'est pas applicable à la procédure de saisie immobilière ; que la fusion des deux phases de la procédure et les termes de l'article 109 du décret du 27 juillet 2006 commandent donc que la constitution d'avocat réponde aux exigences de la procédure de saisie immobilière ; qu'il s'ensuit que le CFCAL ne pouvait valablement être représenté devant le tribunal de grande instance de Nanterre par un avocat inscrit au barreau de Paris ; que cette irrégularité de fond, tenant au défaut de pouvoir à assurer la représentation d'une partie en justice, affecte la validité de l'acte, de sorte que la première déclaration de créance effectuée le 24 août 2007 doit être déclarée nulle ;
ALORS QUE les créanciers du débiteur saisi peuvent valablement prendre une inscription sur l'immeuble saisi jusqu'au jour de l'adjudication, et peuvent ensuite contester les créances préalablement déclarées par les autres créanciers ; qu'il en résulte que les contestations des déclarations de créances ne peuvent être utilement tranchées dès l'audience d'orientation, l'ensemble des créanciers n'ayant pas nécessairement été assignés pour cette audience ; qu'ainsi, la procédure de distribution est nécessairement distincte de la procédure de saisie immobilière elle-même ; que par conséquent, la déclaration de créance, qui dépend de la procédure de distribution du prix, peut être effectuée par un avocat n'appartenant pas au barreau dépendant du tribunal de grande instance compétent, s'il est habituellement admis à postuler devant ce tribunal en vertu de la multipostulation, dans la mesure où l'exception prévue par l'article 1er III alinéa de la loi du 31 décembre 1971 pour la procédure de saisie immobilière n'est pas applicable ; qu'en jugeant néanmoins nulle la déclaration de créance effectuée le 24 août 2007 par le CFCAL, sous la constitution de maître Y..., tandis qu'elle constatait que cet avocat était inscrit au barreau de Paris, ce dont il résultait qu'il pouvait valablement représenter un créancier pour une procédure de distribution du prix de vente et déclarer une créance devant le tribunal de grande instance de Nanterre en vertu des règles de la multipostulation, la cour d'appel a violé les articles 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et 47 du décret n° 2006-936 du 27 juillet 2006.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé nulle et de nul effet la déclaration de créance régularisée le 24 août 2007 dans l'intérêt du Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine (CFCAL), sous la constitution de maître Z..., avocat au barreau des Hauts-de-Seine ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le Crédit Foncier et Communal d'Alsace et de Lorraine fait valoir que la SCP CRTD, dont maître Z... est associé, était habile à postuler devant le tribunal de grande instance de Nanterre et que l'annulation de la première déclaration de créance, faite par maître Y... avocat au barreau de Paris, confère rétroactivement effet immédiat à la seconde constitution ; que la constitution litigieuse est ainsi libellée : le CFCAL, créancier déclarant « pour qui ledit cabinet CRTD se constitue en tant que de besoin, si la déclaration préalable à même fin de la SCP Y... et associés devait être déclarée nulle … » ; que l'article 414 du Code de procédure civile dispose qu'une partie n'est admise à se faire représenter que par une seule des personnes, physiques ou morales, habilitées par la loi, de sorte que les deux déclarations effectuées le même jour sous la constitution des deux avocats ne peuvent coexister sans encourir la nullité ; qu'à supposer que la déclaration faite sous la constitution conditionnelle de maître Z..., associé du cabinet CRTD, soit devenue effective à compter de l'annulation de la première déclaration, soit au jour du prononcé du jugement, la nullité de la première déclaration ne pouvait être couverte, faute de régularisation lorsque le premier juge a statué ; que le défaut de constitution d'un avocat constituant une irrégularité de fond, dont la cause n'a pas disparu, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré nulle la seconde déclaration de créance effectuée par le CFCAL ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE la constitution « en tant que de besoin aux lieux et place de maître Y... » au cas où la déclaration de ce dernier devrait être déclarée nulle, peut s'analyser en une constitution potestative ou conditionnelle et n'a donc aucune validité ;
ALORS QUE quand une partie, à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière, déclare par prudence, en l'état d'une incertitude de l'état du droit à l'époque, successivement sa créance par l'intermédiaire de deux avocats, en l'occurrence son avocat parisien en vertu de la multipostulation puis subsidiairement un avocat inscrit au barreau de Nanterre, tribunal de la saisie, la nullité de la déclaration faite par l'avocat relevant d'un barreau extérieur a un effet rétroactif et emporte validité ab initio de la déclaration faite par l'avocat du barreau du tribunal de la saisie ; qu'en l'espèce, postérieurement à un avis de la Cour de cassation rendu dans cette affaire, la cour d'appel a constaté la nullité de la déclaration de créance du CFCAL effectuée par maître Y..., avocat au barreau de Paris ; que cette nullité, qui avait un effet rétroactif, l'acte étant considéré comme n'ayant jamais existé, emportait validité de la déclaration de créance du CFCAL accomplie par maître Z..., avocat au barreau des Hauts-de-Seine, dont le caractère conditionnel ne pouvait entraîner la nullité ; qu'en décidant néanmoins le contraire, aux motifs erronés que la coexistence de deux déclarations de créance emportait la nullité des deux déclarations, et que la seconde déclaration n'était devenue effective qu'au jour du prononcé de la nullité de la première, tandis que la première déclaration avait été rétroactivement annulée et devait être considérée comme n'ayant jamais existé, la seconde déclaration faite à titre subsidiaire et par précaution antérieurement à l'avis de la Cour de cassation étant ainsi valable, la cour d'appel a violé l'article 414 du Code de procédure civile, ensemble les articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 1er du 1er protocole additionnel à ladite Convention.