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08/02/2011 | FRANCE | N°10-11896

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 08 février 2011, 10-11896


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 225-42 du code de commerce ;
Attendu que l'action en nullité d'une convention visée à l'article L. 225-38 du même code et conclue sans autorisation du conseil d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; que s'il y a eu volonté de dissimulation, la révélati

on de la convention s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action ; que...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article L. 225-42 du code de commerce ;
Attendu que l'action en nullité d'une convention visée à l'article L. 225-38 du même code et conclue sans autorisation du conseil d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention ; que, toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée ; que s'il y a eu volonté de dissimulation, la révélation de la convention s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action ; que les conséquences ainsi tirées du texte susvisé, qui s'écartent de celles retenues depuis un arrêt du 24 février 1976, sont conformes à l'exigence de sécurité juridique au regard de l'évolution du droit des sociétés ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 20 février 2007, pourvoi n° 04-16.438), que le 2 octobre 1998, M. X... a cédé à M. Y..., qui s'est substitué la société Safival, la totalité des actions représentant le capital de la société anonyme
X...
ainsi qu'une partie de celles représentant le capital de la société anonyme Docks du bâtiment ; qu'en 1990, la société X..., dont M. X... était le représentant légal, avait souscrit auprès de la caisse mutuelle d'assurance sur la vie, au bénéfice de l'ensemble des collaborateurs des deux sociétés, des contrats d'assurance permettant le versement d'une indemnité de fin de carrière ; que lors de son départ en retraite, le 9 octobre 1998, M. X... a perçu des sociétés X... et Docks du bâtiment les indemnités découlant de ces conventions ; que la société PB et M Ile-de-France Nord (PB et M), venant aux droits des sociétés X... et Docks du bâtiment, faisant valoir que les contrats d'assurance "indemnités de fin de carrière", auxquels M. X... était intéressé, étaient nuls à l'égard de ce dernier pour avoir été conclus sans autorisation du conseil d'administration, ont demandé sa condamnation au remboursement des sommes reçues à ce titre ; que M. X... leur a opposé la fin de non-recevoir tirée de la prescription triennale ;
Attendu que pour déclarer recevable l'action de la société X..., et accueillir sa demande, l'arrêt, après avoir relevé que les attestations versées aux débats démontrent que les membres des conseils d'administration étaient informés de l'existence des conventions conclues en 1990 mais que cette connaissance, ne valant pas autorisation préalable, ne pouvait suppléer la décision du conseil d'administration, retient que l'approbation par les assemblées générales des sociétés X... et Docks du bâtiment des comptes des exercices au cours desquels les cotisations étaient prélevées en exécution de ces conventions ne suffit pas à démontrer que celles-ci avaient été révélées ; qu'il ajoute que la révélation pour les sociétés concernées s'est faite en réalité le 9 décembre 1998, date de paiement des indemnités de fin de carrière ;
Attendu qu'en se déterminant par de tels motifs, sans rechercher si les conventions litigieuses avaient été dissimulées, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a débouté la société PB et M Ile-de-France Nord de sa demande en paiement de dommages-intérêts fondée sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, l'arrêt rendu le 26 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne la société PB et M Ile-de-France Nord aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille onze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour M. X....
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait débouté les sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT de leurs demandes au titre des indemnités de fin de carrière, et d'avoir condamné Monsieur X... à payer à la société PBetM ILE DE FRANCE NORD, venant aux droits des sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT, la somme de 62.959,01 € ;
Aux motifs que « le débat ne porte plus que sur la recevabilité et le bien fondé de la demande en restitution des indemnités de fin de carrière prélevées par Monsieur X.... Ces dernières doivent être considérées non pas comme la rémunération des services rendus par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions, faute de démontrer que celle-ci en remplit les conditions, mais comme une indemnité particulière. A ce titre, son attribution constitue une convention conclue entre la société et l'un de ses dirigeants et doit donc être soumise à la procédure de contrôle prévue par les articles L225-38 et suivants du Code de commerce. Aux termes de cet article, « toute convention intervenant directement ou par personne interposée entre la société et son directeur général… doit être soumise à l'autorisation préalable du conseil d'administration. Il en est de même des conventions auxquelles une des personnes visées à l'alinéa précédent est directement intéressée ». En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats collectifs d'assurance vie « indemnités de fin de carrière » signés entre la SA X... et la Caisse Mutuelle d'Assurance sur la vie, d'une part, et entre la SA DOCKS DU BATIMENT et la même Caisse, d'autre part, le 22 juin 1990 auxquels Monsieur X... est intéressé, n'ont pas été soumis à l'autorisation préalable des conseils d'administration des dites sociétés. Conformément aux dispositions de l'article L225-42 du Code de commerce, les conventions conclues en violation des règles susvisées peuvent être annulées mais seulement si elles ont eu des conséquences dommageables pour les sociétés concernées. L'action en nullité se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention, le point de départ de cette prescription étant, en cas de dissimulation, reporté au jour où la convention a été révélée. Bien que les attestations versées aux débats par X... Andrée, Thierry, Christophe et A... Françoise, démontrent que les membres du conseil étaient informés de l'existence de ces conventions, cette connaissance ne vaut pas autorisation préalable et ne peut suppléer la décision du conseil d'administration. Au demeurant, le fait que les assemblées générales des SA X... et DOCKS DU BATIMENT aient approuvé les comptes pour les exercices au cours desquels des cotisations étaient prélevées en exécution de ces contrats ne suffit pas à démontrer que ceux-ci avaient été révélés. En effet, cette information des associés réunis en assemblée appelée à approuver les comptes est insuffisante dans la mesure où le compte de résultat et le bilan qui sont soumis à leur vote ne font pas apparaître distinctement ce poste de dépense qui se trouve compris dans un compte global de type cotisations sociales. Elle est également insuffisante pour l'information des tiers qui doivent pouvoir connaître la nature et l'étendue des engagements futurs de la société avec laquelle ils envisagent de contracter afin de se faire une idée aussi exacte que possible de sa solvabilité. Or cette information passe nécessairement par la publication des conventions conclues entre la société et ses dirigeants. La révélation pour les sociétés concernées s'est faite en réalité le 9 décembre 1998, date de paiement des indemnités de fin de carrière. Dès lors, l'action introduite le 1er mars 2000 est recevable. Les engagements de payer des indemnités de fin de carrière ont mis à la charge des sociétés SA X... et DOCKS DU BATIMENT des versements obligatoires sous forme de cotisations trimestrielles ce qui leur a causé un préjudice pécuniaire. Il convient donc de prononcer la nullité à l'égard de Monsieur Jacques X... des contrats collectifs d'assurance vie « indemnités de carrière » et de condamner ce dernier à restituer à la société PBetM ILE DE FRANCE NORD, venant aux droits des sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT, la somme de 62.959,01 € (soit 59.366,09 € ou 389.416 francs pour la SA X... et 3.592,92 € ou 23.568 francs pour la SA DOCKS DU BATIMENT) avec intérêts au taux légal à compter du 1er mars 2000, date de l'assignation devant le tribunal de commerce de Soissons. » (p. 4 et 5) ;
1°) Alors que la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en retenant à la fois que les membres du conseil d'administration avaient connaissance de l'existence des conventions litigieuses, puis qu'en réalité la révélation de ces conventions s'était faite le jour du paiement de l'indemnité de fin de carrière de Monsieur X..., la cour d'appel s'est déterminée par des motifs contradictoires, en violation de l'article 455 du Code de procédure civile ;
2°) Alors que la prescription de l'action en nullité d'une convention conclue sans autorisation du conseil d'administration commence à courir lorsque les personnes susceptibles d'engager cette action ont connaissance de la convention ; qu'en se bornant cependant à retenir, pour considérer que la prescription n'avait commencé à courir qu'à compter de la révélation de la convention à la date de paiement des indemnités de fin de carrière, que la connaissance de la convention par les membres du conseil d'administration ne valait pas autorisation préalable et ne pouvait suppléer la décision du conseil d'administration, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, en dehors de toute autorisation ou ratification, la connaissance de la convention par les administrateurs et actionnaires, membres de la famille X..., donc par les personnes susceptibles d'introduire l'action en nullité, n'était pas de nature à faire courir la prescription de cette action, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 du Code de commerce ;
3°) Alors, en tout état de cause, que les conséquences dommageables justifiant l'annulation d'une convention conclue sans l'autorisation du conseil d'administration ne peuvent résulter de la seule obligation mise à la charge de la société de payer une somme d'argent, dès lors que cette obligation, comportant une contrepartie, est conforme à l'intérêt de la société ; qu'en se bornant à affirmer, pour en prononcer la nullité, que les contrats litigieux avaient mis à la charge des sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT des versements obligatoires sous forme de cotisations trimestrielles, ce qui leur avait causé un préjudice pécuniaire, sans caractériser, comme elle y était invitée, l'absence de contrepartie pour la société d'où il ressortirait une atteinte à son intérêt, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 du Code civil ;
4°) Alors, de même, que les conventions visées à l'article L225-38 et conclues sans autorisation du conseil d'administration ne peuvent être annulées que si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; qu'en se bornant à retenir, pour en prononcer la nullité, que les contrats litigieux avaient mis à la charge des sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT des versements obligatoires sous forme de cotisations trimestrielles, ce qui leur avait causé un préjudice pécuniaire, sans caractériser en quoi cet engagement de verser des cotisations afin d'assurer le paiement des indemnités de fin de carrière de son personnel serait excessif ou anormal au regard de la situation de la société, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 du Code de commerce;
5°) Alors, encore de même, que les conventions visées à l'article L225-38 et conclues sans autorisation du conseil d'administration ne peuvent être annulées que si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société ; qu'en retenant, pour en prononcer la nullité, que les contrats litigieux avaient mis à la charge des sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT des versements obligatoires sous forme de cotisations trimestrielles, ce qui leur avait causé un préjudice pécuniaire, sans s'expliquer, comme elle y était pourtant invitée, sur la faculté de résiliation annuelle de la convention, qui lui permettait de mettre fin à l'obligation de paiement qui résultait des contrats litigieux, et excluait ainsi les conséquences dommageables tirées de cette obligation de payer les cotisations, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 du Code de commerce ;
6°) Alors, enfin, que le contrat collectif « indemnités de fin de carrière » ne visait qu'à assurer l'exécution des engagements pris par la société envers son personnel ; qu'en condamnant Monsieur X... à restituer aux sociétés X... et DOCKS DU BATIMENT les sommes reçues de ces sociétés à titre d'indemnité de fin de carrière, en conséquence de la nullité du contrat collectif d'assurance vie « indemnité de fin de carrière », sans rechercher, comme l'y conduisaient les conclusions de Monsieur X..., si ne persistait pas néanmoins un engagement des sociétés envers leur personnel au titre des indemnités de fin de carrière, indépendant du contrat souscrit avec une compagnie d'assurance pour externaliser cette obligation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L225-42 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 10-11896
Date de la décision : 08/02/2011
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

SOCIETE ANONYME - Conseil d'administration - Convention réglementée (article L. 225-38) - Défaut d'autorisation préalable - Action en nullité - Prescription - Délai en cas de convention dissimulée - Point de départ - Détermination

L'action en nullité d'une convention visée à l'article L. 225-38 du code de commerce et conclue sans autorisation du conseil d'administration se prescrit par trois ans à compter de la date de la convention. Toutefois, si elle a été dissimulée, le point de départ du délai de la prescription est reporté au jour où elle a été révélée. S'il y a eu volonté de dissimulation, la révélation de la convention s'apprécie à l'égard de la personne qui exerce l'action. Ne donne pas de base légale à sa décision la cour d'appel qui, relevant qu'il n'était pas démontré que les membres du conseil d'administration étaient informés de l'existence de la convention conclue mais que cette connaissance, ne valant pas autorisation préalable, ne pouvait suppléer la décision du conseil d'administration, retient que l'approbation par l'assemblée générale des comptes des exercices au cours desquels des cotisations étaient prélevées en exécution de cette convention ne suffit pas à démontrer que celle-ci avait été révélée et que la révélation pour la société concernée s'est faite en réalité à la date de paiement des indemnités prévues par la convention, sans rechercher si la convention litigieuse avait été dissimulée. Les conséquences ainsi tirées de l'article L. 225-42 du code de commerce, qui s'écartent de celles retenues depuis un arrêt du 24 février 1976, sont conformes à l'exigence de sécurité juridique au regard de l'évolution du droit des sociétés


Références :

article L. 225-42 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 26 novembre 2009

En sens contraire :Com., 24 février 1976, pourvoi n° 74-13185, Bull. 1976, IV, n° 69 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 08 fév. 2011, pourvoi n°10-11896, Bull. civ. 2011, IV, n° 20
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2011, IV, n° 20

Composition du Tribunal
Président : Mme Favre
Avocat général : M. Carre-Pierrat
Rapporteur ?: M. Le Dauphin
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2012
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2011:10.11896
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