LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Vu leur connexité, joint les pourvois n° s W 10-10. 685, Z 10-10. 688, A 10-10. 689, B 10-10. 690, C 10-10. 691, D 10-10. 692 ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué, que la société Locaboat Plaisance a prononcé un avertissement à l'encontre de six salariés pour avoir quitté leur poste de travail, situé à Argens, dans l'après-midi du 6 novembre 2007 pour se rendre à l'établissement de Lattes ;
Attendu que pour débouter les salariés et le syndicat CGT-Locaboat de leur demande d'annulation de ces avertissements, l'arrêt énonce qu'il est constant que ceux-ci ont cessé le travail dans l'après-midi du 6 novembre 2007, que contrairement à ce que les premiers juges ont retenu, il apparaît que la cessation concertée du travail n'avait pas pour objet de défendre ou de soutenir des revendications professionnelles ou un intérêt collectif professionnel, mais uniquement de protester contre la convocation par l'employeur de M. X..., délégué syndical, à un entretien préalable en vue de son licenciement ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le 5 novembre, M. X... avait établi un document intitulé " information du syndicat CGT Locaboat " dans lequel il indiquait que se tiendrait le 6 novembre, la première des trois réunions prévues pour la négociation annuelle obligatoire, qu'il demanderait à la direction de faire de réelles propositions en matière de l'amélioration du pouvoir d'achat, que le même jour, il serait à son propre entretien préalable, qu'il était déterminé à défendre le pouvoir d'achat des salariés, et qu'il avait accepté la proposition de l'équipe technique d'Argens de débrayer l'après-midi pour lui témoigner son soutien et montrer sa détermination, ce dont elle aurait dû déduire que l'action entreprise par les salariés pour soutenir un délégué syndical menacé de licenciement n'était pas étrangère à des revendications professionnelles qui intéressaient l'ensemble du personnel et était une grève licite, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 4 novembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant lesdits arrêts et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la société Locaboat plaisance aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Locaboat plaisance à payer à MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., Mme D... et au syndicat CGT-Locaboat la somme globale de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen identique produit aux pourvois n° s W 10-10. 685, Z 10-10. 688, A 10-10. 689, B 10-10. 690, C 10-10. 691 et D 10-10. 692 par Me Spinosi, avocat aux Conseils pour MM. Y..., Z..., A..., B..., C..., Mme D... et le syndicat CGT-Locaboat
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté le salarié et le syndicat CGT LOCABOAT de leurs demandes en annulation de l'avertissement du 19 novembre 2007 et en réparation du préjudice moral en résultant ;
Aux motifs que « En cas de sanction, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, le salarié est en droit de demander l'annulation de la sanction et de réclamer, le cas échéant, des dommages et intérêts au titre du préjudice qu'il a subi.
Lorsque le juge est saisi d'une demande d'annulation d'une sanction disciplinaire, il doit apprécier s'il y a lieu la régularité de la procédure suivie, et en tout état de cause apprécier si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction et si celleci est proportionnée à la faute commise.
En l'espèce, l'employeur a notifié un avertissement au salarié pour avoir participé dans l'après midi du 6 novembre 2007 à un mouvement de grève illicite.
Il est constant que l'intimé et cinq autres salariés de l'entreprise ont cessé le travail l'après midi du 6 novembre 2007.
Contrairement à ce que le premier juge a retenu, il apparaît que la cessation concertée du travail n'avait pas pour objet de défendre ou de soutenir des revendications professionnelles ou un intérêt collectif professionnel, mais uniquement de protester contre la convocation par l'employeur de Monsieur X... à un entretien préalable en vue de son licenciement, entretien fixé le 6 novembre 2007 à 14 heures.
En effet, le 5 novembre 2007, Monsieur X... délégué syndical CGT a établi et signé un document intitulé « information du syndicat CGT LOCABOAT » dans lequel son auteur indique :
- que le 6 novembre 2007 à 9 heures, sur la base de LATTES se tiendra la première des trois réunions prévues de la négociation annuelle obligatoire, qu'il demandera à la direction de faire de réelles sérieuses propositions en matière, entre autre, de l'amélioration du pouvoir d'achat,- que le même jour à 14 heures sur la base de LATTES, il sera à son propre entretien préalable au licenciement,- qu'il est « serein (et n'a) jamais autant déterminé 1) pour défendre notre pouvoir d'achat à tous (NAO) 2) pour donner à la direction mes explications sur les éventuelles fautes reprochées (EPL) »- que « l'équipe technique d'ARGENS lui a proposé de débrayer l'après midi de ce fameux 6 novembre et de venir sur LATTES en covoiturage. J'ai bien évidemment accepté. Elle sera là pour 1) me témoigner son soutien 2) montrer à la direction, sa détermination, et c'est surtout cela le plus important ».
Il ressort clairement de ce document qui a été reçu le jour même par l'employeur pour affichage légal, que la cessation du travail pour l'après midi du 6 novembre 2007 tendait seulement à soutenir Monsieur X... à l'occasion de l'entretien préalable à son éventuel licenciement fixé le 6 novembre à 14 heures, et non pas dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire dont la première des trois réunions prévues à cet effet, s'était tenue le matin du 6 novembre 2007.
L'intimé fait état d'un document daté du 29 octobre 2007 portant en en-tête « Union locale des syndicats CGT du LEZIGNOGNAIS » intitulé « soutien à Roland X..., délégué syndical CGT LOCABOAT, menacé de licenciement, mardi 6 novembre », dans lequel il est écrit :
« Notre camarade Roland X... … est convoqué à un entretien préalable en vue d'un licenciement.
Notre camarade Roland X..., avec le syndicat CGT de l'entreprise, mène une lutte depuis plusieurs mois, ponctuée de plusieurs jours de grève, pour obtenir des augmentations de salaire et l'amélioration des conditions de travail.
En s'attaquant à notre camarade, c'est la CGT, le syndicalisme et le droit à l'exercice des fonctions de représentation du personnel que la direction de LOCABOAT cible.
Nous devons organiser une riposte d'envergure. L'entretien préalable au licenciement aura lieu le mardi 6 novembre à 14 heures à LATTES. Nous y serons aussi. »
Cependant ce document qui n'émane du syndicat CGT LOCABOAT, n'est pas signé et son auteur n'est pas identifié. Rien ne démontre qu'il a été diffusé et affiché.
Par ailleurs ce document ne fait à aucun moment de la négociation annuelle obligatoire relative aux salaires, et rien ne démontre qu'à la date du 29 octobre 2007, alors que la négociation annuelle était prévue le 6 novembre 2007 au matin, des revendications professionnelles avaient été émises par les salariés et relayées par le délégué syndical auprès de l'employeur.
Ce document qui se termine par « si la direction persiste dans sa département » ne peut être retenu pour considérer comme l'a fait à tort le premier juge que la cessation de travail du salarié n'était pas étrangère à des revendications professionnelles.
Par suite, l'absence non discutée du salarié à son poste de travail l'après midi du 6 novembre 2007 pour participer à une grève illicite, a pu être sanctionnée par l'employeur, la sanction prononcée étant proportionnée à la faute commise.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions et que l'intimé ainsi que le syndicat CGT LOCABOAT seront déboutés de toutes leurs demandes. » ;
Alors qu'est licite la grève de soutien à un représentant syndical, organisée à l'occasion de la procédure de licenciement dont il fait l'objet, qui appuie nécessairement des revendications professionnelles, tirées de la défense de l'exercice du droit syndical dans l'entreprise ; qu'en l'espèce, en retenant, pour conclure à l'illicéité de la grève du 6 novembre 2007, qu'elle avait été décidée uniquement pour soutenir un représentant syndical, membre du comité d'entreprise et délégué syndical, dans le cadre de la procédure de licenciement mise en oeuvre à son encontre, quand cette grève, qui avait ainsi pour objet la défense du droit syndical dans l'entreprise, appuyait nécessairement des revendications professionnelles, la Cour d'appel a violé l'article L. 2511-1 du code du travail ;
Alors, en tout état de cause, que le document du 5 novembre 2007, établi par M. X... et transmis le même jour à l'employeur pour affichage dans l'entreprise, précisait clairement que le débrayage de l'après midi du 6 novembre 2007 était motivé, outre par le soutien des salariés à son endroit dans le cadre de son licenciement, par des revendications professionnelles concernant le pouvoir d'achat des salariés de la SA LOCABOAT ; qu'en retenant cependant qu'il résulte de ce document que la cessation du travail pour l'après midi du 6 novembre 2007 tendait seulement à soutenir Monsieur X... à l'occasion de l'entretien préalable à son éventuel licenciement, la Cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis, en méconnaissance des dispositions de l'article 1134 du code civil.