Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2009, présentée pour M. Daniel A, demeurant ..., par Me Bineteau ; M. A demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0607790 en date du 29 janvier 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et le président de La Poste ont, respectivement, rejeté sa demande tendant à obtenir réparation du préjudice subi en raison du blocage de sa carrière dans un corps de reclassement et à la condamnation solidaire de La Poste et de l'Etat à lui verser une somme de 80 000 euros en réparation des préjudices qu' a subis ;
2°) à titre subsidiaire, de réformer ledit jugement ;
3°) d'annuler les décisions susmentionnées ;
4°) de condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidairement la somme de
80 000 euros en réparation des préjudices subis avec intérêts de droit au taux légal à compter de la date de réception de sa demande préalable ;
5°) de mettre solidairement à la charge de La Poste et de l'Etat, une somme de
2 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;
Vu les décrets n° 93-514 à 93-519 du 25 mars 1993 modifiés ;
Vu le décret n° 2009-1555 du 14 décembre 2009 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de La Poste ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2010 :
- le rapport de M. Piot, rapporteur,
- les conclusions de Mme Dely, rapporteur public,
- et les observations de Me Lerat, substituant Me Bineteau, pour M. A, et de Me Cros, substituant Me Bellanger, pour La Poste ;
Considérant que M. A, fonctionnaire de la Poste depuis le 20 août 1968, et qui a refusé l'intégration dans l'un des corps dits de reclassification régis par les décrets du
25 mars 1993 susvisés, a vainement demandé au président de la Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'indemnisation du préjudice subi à raison des fautes commises par l'administration et par l'autorité de tutelle pour ne pas avoir arrêté de tableaux d'avancement depuis 1993 ; qu'il fait appel du jugement en date du 29 janvier 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Paris a refusé d'annuler les décisions implicites de rejet nées du silence gardé respectivement par la Poste et par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et de condamner solidairement la Poste et de l'Etat à lui verser une indemnité de 80 000 euros avec intérêts de droit au taux légal à compter de la date de réception de ses réclamations préalables ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué :
Sur la responsabilité :
Considérant qu'aux termes de l'article 29 de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public des postes et télécommunications susvisée : Les personnels (...) de la Poste sont régis par des statuts particuliers, pris en application de la loi
n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui comportent des dispositions spécifiques dans les conditions prévues aux alinéas ci-après. (...) ; qu'en vertu de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, les statuts particuliers doivent, en vue de favoriser la promotion interne, fixer un nombre de postes susceptibles d'être proposés au personnel appartenant déjà à l'administration, qui soit à proportion du nombre des recrutements par la voie des concours externes ; qu'aux termes de l'article 29-1 de la loi du 2 juillet 1990 modifiée, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1996 : Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de la Poste sont rattachés à l'entreprise nationale la Poste et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard... L'entreprise nationale la Poste peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité (...) et qu'aux termes de l'article 34 : Le ministre chargé de postes et télécommunications veille, dans le cadre de ses attributions générales sur le secteur des postes et télécommunications, au respect des lois et règlements applicables au service public des postes et télécommunications et aux autres missions qui sont confiées par la présente loi aux exploitants publics... ;
Considérant que le législateur, en décidant par les dispositions précitées de la loi du 26 juillet 1996 que les recrutements externes de fonctionnaires par la Poste cesseraient au plus tard le 1er janvier 2002, n'a pas entendu priver d'effet les dispositions de l'article 26 de la loi du 11 janvier 1984, relatives au droit à la promotion interne ; qu'à la date de la décision attaquée, qui est postérieure à celle du 1er janvier 2002, les décrets statutaires des corps de reclassement ne prévoyaient pas des voies de promotion interne autres que celles liées aux titularisations consécutives aux recrutements externes et étaient, pour ce motif, devenus illégaux ; qu'ainsi en fondant son refus de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires reclassés, sur ces dispositions statutaires illégales, le président de la Poste a lui même commis une illégalité engageant la responsabilité de cette société ; que de même l'Etat a commis une faute en attendant le 14 décembre 2009 pour prendre le décret organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de reclassement ;
Sur le préjudice :
Considérant que si M. A soutient qu'il remplissait, dès 1993, les conditions pour postuler au grade contrôleur divisionnaire, l'avancement au choix ne constitue jamais un droit pour un fonctionnaire ; que, dès lors, il n'établit ni une perte de chance sérieuse de promotion, ni le préjudice résultant de la différence entre les sommes qu'il aurait dû, selon lui, percevoir, au titre d'un déroulement de carrière fictif et celles qu'il a réellement perçues, ledit préjudice présentant un caractère purement éventuel ;
Considérant, toutefois, qu'il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence et du préjudice moral subis par M. A en les évaluant à la somme globale de 5 000 euros, y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander la réformation du jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la Poste au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, par application des mêmes dispositions, de mettre à la charge solidairement de la Poste et de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La Poste et l'Etat sont condamnés solidairement à verser à M. A une somme de 5 000 euros y compris tous intérêts échus au jour du présent arrêt.
Article 2 : La Poste et l'Etat verseront, solidairement, à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de la Poste tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 29 janvier 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
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N° 09PA01592