Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 7 mai et 24 juin 2009, présentés pour la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE, dont le siège est 19, avenue Franklin Roosevelt à Paris (75008), par Me Blancpain, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; La SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 07-177 du 10 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser la somme de 3 768 420 euros en réparation des préjudices nés de l'exposition de ses salariés à l'amiante et subis en sa qualité d'employeur, ladite somme devant porter intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2006, date de réception de sa réclamation préalable ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 768 420 euros en réparation des chefs de préjudices qu'elle a subis du fait de l'indemnisation de ses salariés ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 98-1194 de financement de la sécurité sociale pour 1999 et notamment son article 41 ;
Vu la loi n° 2004-1370 du 20 décembre 2004 de financement de la sécurité sociale ;
Vu le décret n° 77-949 du 17 août 1977 ;
Vu le décret n° 96-98 du 7 février 1996, modifié, relatif à la protection des travailleurs contre les risques d'inhalation de poussières d'amiante ;
Vu le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 relatif à l'interdiction de l'amiante pris en application du code du travail et du code de la consommation ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mai 2010 :
- le rapport de M. Quillévéré, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Geffray, rapporteur public ;
- et les observations de Me Plichon, substituant Me Blancpain, avocat de la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE ;
Considérant que la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE, qui a pour activité la construction navale et emploie deux cents salariés, interjette appel du jugement du 10 mars 2009 du Tribunal administratif de Caen, lequel a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 3 768 420 euros au titre des préjudices résultant pour elle de l'exposition de ses salariés aux poussières d'amiante, et subis en sa qualité d'employeur ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, que si la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE fait valoir que le Tribunal administratif de Caen a, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner certains mémoires dans les visas, il ressort de la minute du jugement attaqué que ces mémoires ont été visés et analysés ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, le jugement attaqué est suffisamment motivé ;
Sur les conclusions indemnitaires :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des termes de la demande préalable du 26 octobre 2006 que la somme globale de 3 768 420 euros que la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE a demandé à l'Etat de lui verser correspond aux indemnités qu'elle a payées depuis 1994 en réparation des préjudices non contestés subis par ses salariés exposés aux poussières d'amiante à l'occasion de ses activités de constructions navales ; que, par ailleurs, la Cour d'appel de Caen a, par un arrêt du 16 mars 2007 rendu dans le cadre de l'instance engagée par un de ses salariés exerçant la profession de chaudronnier, retenu la faute inexcusable de la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE comme étant à l'origine de la maladie professionnelle dont celui-ci était atteint en conséquence de son exposition aux poussières d'amiante ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de son article 1er, le décret susvisé du 17 août 1977 s'applique aux locaux et chantiers où le personnel est exposé à l'inhalation de poussière d'amiante, dans les travaux de transport, manipulation, traitement, transformation, application et élimination de l'amiante mais aussi de tous produits ou objets susceptibles d'être à l'origine d'émissions de fibres d'amiante ; que, par ailleurs, le décret n° 96-1133 du 24 décembre 1996 susvisé a prévu, au I de son article 1er, que Au titre de la protection des travailleurs, sont interdites, en application de l'article L. 231-7 du code du travail, la fabrication, la transformation, la vente, l'importation, la mise sur le marché national et la cession à quelque titre que se soit de toutes variétés de fibres d'amiante, que ces substances soient ou non incorporées dans des matériaux, produits ou dispositifs ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'exposition à l'amiante des salariés de la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE a été générale et massive alors même que la société avait déjà conscience des dangers qui pouvaient en résulter ; que des mesures de protection, d'information du personnel et de port d'un équipement individuel étaient imposées par les dispositions du décret susvisé du 17 août 1977 à la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE et que celle-ci ne démontre pas les avoir respectées ; qu'en outre, l'exposition des salariés à l'amiante s'est poursuivie après l'édiction du décret du 24 décembre 1996 alors même que celui-ci pose un principe général d'interdiction de l'utilisation de l'amiante ; que, dans ces conditions, la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE, qui n'a pas scrupuleusement respecté la réglementation applicable ni pris les mesures nécessaires pour préserver ses salariés des conséquences sur leur santé de l'exposition à l'amiante, n'est pas fondée à soutenir que les maladies professionnelles de ses salariés ont été provoquées non par sa propre faute mais par la carence de l'Etat à édicter les mesures de protection nécessaires, ou même que cette carence a partiellement concouru aux préjudices résultant pour elle, de l'exposition de ses salariés à l'amiante et qu'elle aurait subis en sa qualité d'employeur ; qu'ainsi, la demande de la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE d'être garantie par l'Etat des condamnations prononcées contre elle ne peut qu'être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS CONSTRUCTIONS MECANIQUES DE NORMANDIE et au ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique.
''
''
''
''
1
N° 09NT01120 2
1