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18/12/2009 | FRANCE | N°09NT00365

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 18 décembre 2009, 09NT00365


Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me Guillou, avoué près la Cour d'appel de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 08-4165 et 08-4204 en date du 29 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2008 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa suspension du droit d'exercer la médecine pendant une durée maximale de cinq mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de m

ettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du co...

Vu la requête, enregistrée le 16 février 2009, présentée pour M. Gérard X, demeurant ..., par Me Guillou, avoué près la Cour d'appel de Rennes ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 08-4165 et 08-4204 en date du 29 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2008 du préfet d'Ille-et-Vilaine décidant sa suspension du droit d'exercer la médecine pendant une durée maximale de cinq mois ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ledit arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 2004-1445 du 23 décembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2009 :

- le rapport de M. Ragil, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Villain, rapporteur public ;

Considérant que le préfet d'Ille-et-Vilaine a pris, le 23 juin 2008, sur le fondement des dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, un arrêté portant, pour une durée maximale de cinq mois, suspension du droit d'exercer la médecine à l'encontre de M. X, médecin spécialiste en radiologie ; que, par un arrêt du 29 août 2008, devenu définitif, la Cour a annulé cet acte, à raison du défaut de motivation dont il était entaché ; que, par un nouvel arrêté, en date du 12 septembre 2008, la même autorité a prononcé la même mesure ; que M. X interjette appel du jugement en date du 29 janvier 2009 par lequel le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ce deuxième arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique : En cas d'urgence, lorsque la poursuite de son exercice par un médecin, un chirurgien-dentiste ou une sage-femme expose ses patients à un danger grave, le représentant de l'Etat dans le département prononce la suspension immédiate du droit d'exercer pour une durée maximale de cinq mois (...) ; que le cinquième alinéa du même article dispose que : Le médecin, le chirurgien-dentiste ou la sage-femme dont le droit d'exercer a été suspendu selon la procédure prévue au présent article peut exercer un recours contre la décision du représentant de l'Etat dans le département devant le tribunal administratif, qui statue en référé dans un délai de quarante-huit heures ;

Considérant que les dispositions précitées du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, issues de l'article 45 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, ouvrent, en particulier, au médecin à l'égard duquel le représentant de l'Etat dans le département a prescrit, en application du premier alinéa du même article, la suspension immédiate du droit d'exercer, un recours contre la décision de suspension ; que ces dispositions, qui se bornent à indiquer que le recours est formé auprès du tribunal administratif statuant en référé dans les quarante-huit heures et qui, par ailleurs, ne renvoient pas au code de justice administrative, et, notamment pas, à son livre V, ne déterminent ni la nature des mesures provisoires ou, éventuellement définitives, susceptibles d'être prononcées par le tribunal, ni les conditions auxquelles le prononcé de ces mesures est subordonné, ni les modalités de la procédure au terme de laquelle statue le tribunal, ni la voie de recours pouvant être exercée contre sa décision ; que, si le dernier alinéa de l'article L. 4113-14 prévoit que les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat, le décret susvisé du 23 décembre 2004 pris, notamment, pour l'application dudit article et dont les dispositions ont été reprises sous les articles R. 4113-111 et suivants du code de santé publique, n'énonce aucune règle relative à l'organisation du recours susceptible d'être exercé par le médecin ; que l'application du cinquième alinéa de l'article L. 4113-14 était, dès lors, manifestement impossible le 25 septembre 2008, date à laquelle M. X a saisi le Tribunal administratif de Rennes d'un recours tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 septembre 2008 sur le fondement desdites dispositions ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges se sont regardés comme saisis, par cette demande, d'un recours en excès de pouvoir dirigé contre l'arrêté contesté et ont joint la demande présentée par M. X au titre de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique à sa demande enregistrée le 26 septembre 2008 et tendant à l'annulation, pour excès de pouvoir, du même arrêté ; qu'il résulte, par ailleurs, de ce qui vient d'être dit que les premiers juges n'ont commis aucune irrégularité en ne statuant que le 29 janvier 2009 sur la demande présentée en application de l'article L. 4113-14 ;

Considérant que la circonstance que le président de la formation de jugement ait rouvert l'instruction, consécutivement à la production d'un mémoire en défense par le préfet d'Ille-et-Vilaine, ne saurait révéler une attitude partiale ni davantage une méconnaissance du principe du caractère contradictoire de la procédure contentieuse, dès lors que M. X a disposé d'un délai suffisant pour présenter un nouveau mémoire, ce qu'il a d'ailleurs fait ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le signataire des observations en défense présentées au nom de l'Etat devant le Tribunal administratif de Rennes n'aurait pas disposé d'une délégation de signature régulière à cet effet manque en fait ; qu'il n'y avait, dès lors, pas lieu d'écarter du débat lesdites observations ;

Sur la légalité de l'arrêté contesté :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. - A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ; que la mesure de suspension prévue au premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique est, comme le rappelle d'ailleurs le premier alinéa de l'article R. 4113-111 du même code, au nombre des décisions dont la motivation est obligatoire ; que l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 dispose que la motivation exigée (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ;

Considérant que l'arrêté du 12 septembre 2008 énonce avec précision les considérations de fait sur lesquelles il se fonde et les griefs que le préfet a entendu retenir à l'encontre du praticien en cause ; que, dès lors, l'acte contesté satisfait à l'obligation de motivation prévue aux articles 1er et 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; que la circonstance que le préfet d'Ille-et-Vilaine se soit borné à viser les courriers des conseils départementaux de l'ordre des médecins de Haute-Garonne et d'Ille-et-Vilaine en date respectivement des 11 juin et 13 juin 2008 sans mentionner expressément un nouveau courrier du conseil départemental de l'ordre des médecins d'Ille-et-Vilaine en date du 2 septembre 2008, lequel relevait un certain nombre de faits à l'encontre du docteur X, est sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté, dès lors, qu'en tout état de cause, il ressort de la motivation de celui-ci que lesdits griefs étaient énumérés et explicités ; que la circonstance que le préfet ait visé les courriers des 11 et 13 juin 2008 comme émanant des conseils départementaux de l'ordre des médecins alors qu'il s'agissait de correspondances adressées aux autorités préfectorales par les présidents desdits conseils, est également sans influence sur la légalité de l'arrêté contesté ; que le préfet était en droit de compléter les motifs de son précédent arrêté du 23 juin 2008, annulé par la Cour pour vice de forme, et pouvait faire état des faits nouveaux dont il avait eu connaissance ;

Considérant qu'aucune obligation législative ou réglementaire, ni aucun principe général du droit n'impose à l'autorité administrative, lorsqu'elle édicte, dans l'urgence, une mesure de suspension sur le fondement des dispositions précitées du code la santé publique, de communiquer les pièces du dossier au praticien concerné ;

Considérant que si le préfet, après avoir pris l'arrêté contesté, était tenu, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, d'entendre le docteur X dans un délai de trois jours, soit au plus tard le lundi 15 septembre 2008, les conditions dans lesquelles s'est déroulé cet entretien et les modalités de la convocation adressée à l'intéressé sont, en tout état de cause, sans influence sur la légalité dudit arrêté ;

Considérant, ainsi qu'il a déjà été dit, que le préfet d'Ille-et-Vilaine a été saisi par des courriers des présidents des conseils départementaux de l'ordre des médecins de Haute-Garonne et d'Ille-et-Vilaine en date respectivement des 11 juin et 13 juin 2008, relatifs à la pratique professionnelle de radiologue du docteur X à l'occasion des remplacements effectués par ce dernier en secteur libéral ; que de nouvelles pièces ont été communiquées à l'autorité préfectorale par le conseil départemental de l'ordre des médecins d'Ille-et-Vilaine le 2 septembre 2008 ; qu'il ressort de l'ensemble des éléments portés à la connaissance du préfet, et notamment des nombreux comptes-rendus et attestations, rédigés de façon précise et concordante par des médecins et des responsables de structures d'imagerie médicale de plusieurs départements dans lesquels le docteur X avait accompli des remplacements que le comportement de celui-ci, eu égard aux graves manquements professionnels relevés à son encontre par ses pairs, était susceptible de le faire regarder comme exposant ses patients à un danger grave ; que si M. X fait valoir que certains de ses confrères, auteurs de témoignages ou d'attestations, étaient animés par la seule volonté de lui nuire, de façon concertée, en raison de différends financiers nés de la rupture anticipée de contrats de remplacements, il ne l'établit pas ; qu'ainsi, en faisant usage des pouvoirs qui lui sont conférés par les dispositions de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique, pour prendre la mesure conservatoire contestée, le préfet n'a commis ni erreur de fait, ni erreur de droit, alors même que M. X soutient n'avoir fait l'objet d'aucune plainte de ses patients, ni d'aucune condamnation ; qu'eu égard à la gravité des manquements professionnels portés à la connaissance du préfet, ce dernier a pu, à bon droit, estimer que ces différents comportements étaient susceptibles d'être liés à une infirmité ou un état pathologique et saisir, sans délai, le conseil régional ou interrégional en application du deuxième alinéa de l'article L. 4113-14 du code de la santé publique dans sa rédaction alors en vigueur ;

Considérant que si, par un arrêté du 23 juin 2008, le préfet d'Ille-et-Vilaine avait déjà suspendu le droit pour M. X d'exercer la médecine pour une durée maximale de cinq mois, cette circonstance, alors que cet arrêté avait été annulé, en raison de l'insuffisance de sa motivation, par un précédent arrêt du 29 août 2008 de la Cour, ne faisait pas obstacle, par elle-même, à ce que cette autorité prenne à l'encontre de l'intéressé une nouvelle mesure de suspension ayant la même durée ;

Considérant que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Rennes a rejeté ses demandes ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. X la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Gérard X et au ministre de la santé et des sports.

Une copie sera adressée au préfet d'Ille-et-Vilaine.

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N° 09NT00365

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 09NT00365
Date de la décision : 18/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PIRON
Rapporteur ?: M. Roland RAGIL
Rapporteur public ?: M. VILLAIN
Avocat(s) : GUILLOU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2009-12-18;09nt00365 ?
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