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09/12/2010 | FRANCE | N°09NC01855

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 09 décembre 2010, 09NC01855


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Guérin A, ..., par Me Guerbert, avocat ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601175 en date du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1999 à 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euro

s au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- qu...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 décembre 2009, présentée pour M. et Mme Guérin A, ..., par Me Guerbert, avocat ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601175 en date du 15 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1999 à 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que les conditions posées par l'article 155 A du code général des impôts ne sont pas réunies, dès lors que la société EDI exerçait de manière prépondérante une activité industrielle et commerciale autre que celle de prestation de services et que le seul contrôle de la société EDI, en l'absence de montage juridique destiné à dissimuler le prestataire réel, ne suffit pas à rendre applicables les dispositions de l'article 155 A ;

- que l'article 155 A du code général des impôts est incompatible avec l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, dès lors qu'il n'est établi, ni que la société EDI n'a pas déclaré les sommes litigieuses au titre de l'impôt sur les sociétés dû au Luxembourg, ni que ces sommes n'ont pas été soumises à l'impôt sur le revenu au nom de M. et Mme A au Luxembourg ;

- que l'article 155 A est également incompatible avec l'article 15 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise, dès lors qu'ils ne possèdent aucune base ou installation professionnelle fixe en France et qu'ils sont rattachés à la société luxembourgeoise EDI qui ne dispose d'aucun établissement stable en France ;

- que l'article 155 A du code général des impôts est incompatible avec les articles 43 et suivants du traité CE en ce qu'il constitue une entrave à la liberté d'établissement en créant, sans justification légitime tenant notamment à une évasion fiscale, un traitement fiscal discriminatoire selon que le prestataire de service est établi en France ou non ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune du 1er avril 1958 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Guerbert, avocat de M. et Mme A ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au cours des années 1999 à 2001, la société luxembourgeoise Eurodeal International (EDI), dont M. Guérin A est administrateur délégué et actionnaire à hauteur de 50 %, a facturé à la société à responsabilité limitée (SARL) Sateca, dont le siège est en France et de laquelle M. A est également associé, des prestations de services effectuées par plusieurs de ses salariés, dont M. et Mme A, dans le cadre d'une convention d'assistance administrative, commerciale et de gestion conclue entre les deux sociétés ; que l'administration a, sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, imposé au nom de M. et Mme A, les sommes payées par la SARL Sateca en rémunération des prestations qu'ils avaient effectuées ;

Considérant que si une convention bilatérale conclue en vue d'éviter les doubles impositions peut, en vertu de l'article 55 de la Constitution, conduire à écarter, sur tel ou tel point, la loi fiscale nationale, elle ne peut pas, par elle-même, directement servir de base légale à une décision relative à l'imposition ; que, par suite, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'il est saisi d'une contestation relative à une telle convention, de se placer d'abord au regard de la loi fiscale nationale pour rechercher si, à ce titre, l'imposition contestée a été valablement établie et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification ; qu'il lui appartient ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer - en fonction des moyens invoqués devant lui ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office - si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières : / - soit, lorsque celles-ci contrôlent directement ou indirectement la personne qui perçoit la rémunération des services ; / - soit, lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services ; / - soit, en tout état de cause, lorsque la personne qui perçoit la rémunération des services est domiciliée ou établie dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France où elle est soumise à un régime fiscal privilégié au sens mentionné à l'article 238 A... ;

Considérant, d'une part, que pour contester l'application qui leur est faite par l'administration fiscale de l'article 155 A du code général des impôts, M. et Mme A, qui ne contestent pas au demeurant qu'ils contrôlaient la société Sateca, font valoir que la société EDI exerçait de manière prépondérante une activité de négoce, étude, sous-traitance et montage de tous matériels et bâtiments métalliques à caractère industriel, ainsi qu'une activité de courtage accessoire à l'activité principale et non de façon prépondérante ; que, toutefois, ils ne produisent, d'une part, à titre de justification, qu'un document intitulé synthèse des comptes de résultat au 31 décembre 1999 , qui, s'il fait état d'un chiffre d'affaires de ventes supérieur à celui résultant des prestations de services, ne consiste qu'en un tableau d'une page, sans pièces jointes, certifié exact par M. Guérin et, d'autre part, quelques éléments relatifs aux salaires de deux directeurs , que, dans ces conditions, M. et Mme A n'établissent pas que la société EDI exerçait, de manière prépondérante une activité industrielle et commerciale autre que celle de prestation de services ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 14 de la convention fiscale franco-luxembourgeoise modifiée du 1er avril 1958 : ... les traitements, salaires et autres rémunérations analogues ne sont imposables que dans l'Etat sur le territoire duquel s'exerce l'activité personnelle source de ces revenus ; qu'aux termes de l'article 15 de la même convention : 1. Les revenus provenant de l'exercice d'une profession libérale et, d'une manière générale, tous revenus du travail autres que ceux qui sont visés aux articles 11, 12, 13 et 14 de la présente convention sont imposables seulement dans l'Etat où s'exerce l'activité personnelle / 2. Pour l'application du paragraphe précédent, l'activité personnelle n'est considérée comme s'exerçant dans l'un des deux Etats que si elle a un point d'attache fixe dans cet Etat... ;

Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A, dont les revenus ont été imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, ne peuvent utilement se prévaloir de l'article 14 de la convention franco-luxembourgeoise, relatif aux revenus assimilables à des salaires ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des stipulations de l'article 15 précité de la convention fiscale susmentionnée que les personnes percevant les rémunérations mentionnées par cet article sont imposables en France si leur activité personnelle s'y exerce ; qu'il résulte de l'instruction que M. et Mme A exerçaient leur activité à leur domicile situé en France, lequel constituait, dès lors, un point d'attache fixe dans cet Etat ; que, par suite, les sommes versées par la société Sateca à la société EDI, qui rémunéraient cette activité, constituaient, en vertu de l'article 155 A du code général des impôts, un revenu retiré par les intéressés de leur activité personnelle ; qu'ainsi, la convention franco-luxembourgeoise ne fait pas obstacle à l'imposition en France des sommes litigieuses au nom des requérants ;

Considérant, en troisième lieu, que si M. et Mme A allèguent une double imposition des mêmes revenus, ils n'apportent aucun élément de nature à démontrer que les salaires imposés en France auraient également été soumis à l'impôt au Luxembourg ; que, s'agissant d'un contribuable différent, aucune double imposition ne peut résulter de la circonstance que la société EDI aurait déclaré les sommes litigieuses au titre de l'impôt sur les sociétés au Luxembourg ;

Considérant, enfin, que les dispositions sus-rappelées de la loi française, conçues pour éviter certaines formes d'évasion fiscale, et qui s'appliquent indifféremment à des prestataires de services domiciliés en France ou à l'étranger, ne peuvent être regardées comme ayant eu pour effet de restreindre l'implantation sur le territoire français d'entreprises étrangères ; qu'elles ne peuvent, par suite, être considérées comme incompatibles avec les stipulations de l'article 52, devenu 43, du traité de Rome instituant la Communauté européenne, prohibant ... les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat-membre dans le territoire d'un autre Etat-membre... ; que le moyen tiré de ce que ces dernières stipulations s'opposaient à la mise en oeuvre de la loi française au cas d'espèce, doit être écartés ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme A la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.

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09NC01855


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC01855
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : GUERBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-12-09;09nc01855 ?
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