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17/06/2010 | FRANCE | N°09NC00994

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 juin 2010, 09NC00994


Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009 sous le n° 09NC00994, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, par Me Friederich ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601271-0601273-0601274-0601276 du 18 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les débours qu'elle a exposés à la suite de la maladie dont est atteint M. Alexis B ;

2°) de condamner l'E

tat à lui verser la somme de 19 986,96 euros d'après relevé du 3 avril 2008...

Vu I°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 3 juillet 2009 sous le n° 09NC00994, présentée pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, par Me Friederich ; la CAISSE PRIMAIRE D'ASSSURANCE MALADIE DE STRASBOURG demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601271-0601273-0601274-0601276 du 18 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à lui rembourser les débours qu'elle a exposés à la suite de la maladie dont est atteint M. Alexis B ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 19 986,96 euros d'après relevé du 3 avril 2008, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

3°) de réserver ses droits par les prestations versées non encore chiffrées et non comprises dans son relevé du 3 avril 2008 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité du ministère de la défense est engagée ; des traces de sang étaient présentes dans les urines de M. B dès son incorporation ; aucune biopsie rénale n'a été effectuée en 1996 ; M. B n'a pas été informé de son état de santé ;

- s'il avait été pris en charge plus précocement, il aurait bénéficié d'une pension militaire au titre de l'article 115 du code des pensions militaires et, à ce titre de la prise en charge des soins en rapport, au terme de l'article L. 371-6 du code de la sécurité sociale ; la caisse n'aurait rien eu à verser ;

- les débours de la caisse s'élèvent à 19 986,96 euros d'après relevé du 3 avril 2008 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2009, présenté par le ministre de la défense, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité totale dans le préjudice subi par M. Alexis B et le condamnant à verser à ce dernier une somme de 10 000 euros ;

2°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise médicale complémentaire pour se prononcer sur les préjudices de l'intéressé en s'assurant que son état est consolidé ;

3°) à titre infiniment subsidiaire, de réduire à de plus justes proportions les prétentions indemnitaires des requérants ;

Il soutient que :

- il admet sa responsabilité en raison d'un retard de diagnostic ; en revanche, il conteste que l'expert n'a pas évalué la perte de chance imputable au retard de diagnostic ; la maladie de Berger évolue de son propre chef même dans le cadre d'un diagnostic précoce ; les médecins civils ont tardé eux aussi en 1998 et 2000 à détecter la maladie ;

- M. B ne démontre pas avoir perdu des ressources ni pendant son incapacité temporaire totale, ni ultérieurement dans le cadre de sa reconversion professionnelle ; il ne prouve pas davantage être toujours atteint d'une incapacité permanente partielle ; sa reconversion professionnelle n'est pas liée à l'éventuelle faute commise par le service de santé des armées ; en tout état de cause, la somme de 90 000 euros sollicitée au titre de l'incapacité permanente partielle est surévaluée ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence sont déjà indemnisés au titre de l'incapacité permanente partielle ;

- M. B ne subit aucun trouble dans ses conditions d'existence ; le jugement devra être réformé en conséquence ;

- les préjudices invoqués par le fils et les parents d'Alexis B ne sont pas liés à la faute commise par le service de santé des armées, mais à sa pathologie ; en tout état de cause, les sommes sollicitées sont surévaluées ;

- la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG ne démontre pas qu'elle a dû engager des débours plus importants que ceux résultant de la pathologie initiale de M. B ; les débours ne sont pas justifiés, notamment les frais médicaux et pharmaceutiques ;

Vu l'ordonnance en date du 24 mars 2010 du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 15 avril 2010 à 16 heures ;

Vu II°), la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 6 juillet 2009 sous le n° 09NC00995, présentée pour M. Alexis B, demeurant 146 rue du Dauphiné à Lyon (69003), pour M. Alexis B et Mme Marie-Bénédicte A, demeurant le Clos Dessus à Lantigne (69430), en leur qualité de représentants légaux de leur fils Stanislas B, et pour Mme Denise Christiane WILL, épouse B, et M. Jean-Claude B, demeurant 32 avenue des Vosges à Strasbourg (67000), en leur qualité de parents d'Alexis B, par Me Frechard ; M. Alexis B demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0601271-0601273-0601274-0601276 du 18 mars 2009 du Tribunal administratif de Strasbourg en ce qu'il a limité la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 320 000 euros portant intérêts à compter du 29 décembre 2000, date de la demande d'expertise médico-légale sollicitée par ses soins ;

3°) de réserver ses droits dans l'hypothèse où son état de santé s'aggraverait ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- en 1995 et 1996, le service de santé des armées a commis des fautes consistant en un retard à diagnostiquer des lésions rénales par la réalisation d'une biopsie rénale et en ne lui communiquant pas son dossier médical à la fin de son service militaire ; ceci a conduit à un développement de la maladie de Berger à un stade très avancé ; une prise en charge précoce aurait permis d'éviter l'évolution de la maladie de Berger qui est désormais inexorable ;

- il a subi un déficit fonctionnel temporaire qui a eu une influence professionnelle négative ; il a perdu son travail et n'en n'a retrouvé qu'à compter du 23 novembre 2003 comme contrôleur receveur de la société lyonnaise de transport en commun ; il a bénéficié du statut de travailleur handicapé pour une durée de 3 ans à compter du 10 octobre 2001 ; il a subi des pertes de revenus ; le décompte des prestations qu'il a perçues, produit par la CPAM, le démontre ; il a également perçu des allocations ASSEDIC ; il a été mis en faillite personnelle par jugement du Tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 26 mars 2003 ; il a également subi un déficit fonctionnel permanent estimé par l'expert à 30%, qui limite ses perspectives professionnelles ; à ces titres, il sollicite une somme de 200 000 euros, dont 90 000 euros au titre de son incapacité permanente partielle ;

- l'expert souligne que sa maladie est évolutive ; il subit des troubles dans ses conditions d'existence ; il fait l'objet d'une surveillance médicale régulière et subit des troubles importants ; ses troubles ont conduit à la séparation d'avec la mère de Stanislas, son fils ; la pratique du sport lui est interdite ; il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral et de ses troubles de toute nature dans ses conditions d'existence en lui allouant une somme de 120 000 euros ;

- M. Stanislas B, représenté par M. Alexis B et Mme Marie-Bénédicte A, ses parents et représentants légaux, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601271-0601273-0601274-0601276 du 18 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses prétentions indemnitaires formées à son égard par ses représentants légaux ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser un capital de 30 000 euros au titre de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2005, date de la demande préalable d'indemnités ;

3°) de réserver ses droits dans l'hypothèse où l'état de santé de son père s'aggraverait ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que les difficultés rencontrées par son père ont conduit à la séparation de son père, Alexis B, et de sa mère ; il subit dans ses conditions d'existence les troubles que rencontre son père ; l'hypothèse probable d'une aggravation de l'état de son père le trouble et aggravera son préjudice ; il sera fait une justice appréciation de ses troubles dans ses conditions d'existence et de son préjudice moral en lui accordant une indemnité de 30 000 euros ;

M et Mme B, parent d'Alexis B, demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0601271-0601273-0601274-0601276 du 18 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté leurs prétentions indemnitaires ;

2°) de condamner l'Etat à leur verser à chacun un capital de 30 000 euros au titre de leur préjudice moral et des troubles dans leurs conditions d'existence, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 31 décembre 2005, date de la demande préalable d'indemnités ;

3°) de réserver leurs droits dans l'hypothèse où l'état de santé de leur fils s'aggraverait ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'ils subissent des troubles dans leurs conditions d'existence et un préjudice moral en raison de l'état de leur fils Alexis ; ce dernier a perdu son emploi et a été contraint de revenir vivre chez eux puisqu'il avait été mis en faillite personnelle ; M. B a été victime d'épisodes dépressifs et a subi les troubles affectant son fils ; ils sont inquiets pour l'évolution de l'état de santé de leur fils ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2009, présenté par le ministre de la défense, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a retenu sa responsabilité totale dans le préjudice subi par M. Alexis B et en le condamnant à verser à ce dernier une somme de 10 000 euros ;

2°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise médicale complémentaire pour se prononcer sur les préjudices de l'intéressé en s'assurant que son état est consolidé ;

3°) à titre infiniment subsidiaire de réduire à de plus juste proportions, les prétentions indemnitaires des requérants ;

Il soutient que :

- il admet sa responsabilité en raison d'un retard de diagnostic ; en revanche, il conteste que l'expert n'a pas évalué la perte de chance imputable au retard de diagnostic ; la maladie de Berger évolue de son propre chef même dans le cadre d'un diagnostic précoce ; les médecins civils ont tardé eux aussi en 1998 et 2000 à détecter la maladie ;

- M. B ne démontre pas avoir perdu des ressources ni pendant son incapacité temporaire totale, ni ultérieurement dans le cadre de sa reconversion professionnelle ; il ne prouve pas davantage être toujours atteint d'une incapacité permanente partielle ; sa reconversion professionnelle n'est pas liée à l'éventuelle faute commise par le service de santé des armées ; en tout état de cause, la somme de 90 000 euros sollicitée au titre de l'incapacité permanente partielle est surévaluée ; le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence sont déjà indemnisés au titre de l'incapacité permanente partielle ; M. B ne subit aucun trouble dans ses conditions d'existence ; le jugement devra être réformé en conséquence ;

- les préjudices invoqués par le fils et les parents d'Alexis B ne sont pas liés à la faute commise par le service de santé des armées, mais à sa pathologie ; en tout état de cause, les sommes sollicitées sont surévaluées ;

- la caisse primaire d'assurance maladie de Strasbourg ne démontre pas qu'elle a dû engager des débours plus importants que ceux résultant de la pathologie initiale de M. B ; les débours ne sont pas justifiés, notamment les frais médicaux et pharmaceutiques ;

Vu l'ordonnance en date du 24 mars 2010 du président de la 3ème chambre de la Cour portant clôture de l'instruction au 15 avril 2010 à 16 heures ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu le code du service national ;

Vu décret n° 78-194 du 24 février 1978 relatif aux soins assurés par le service de santé des armées, modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2010 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la jonction :

Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et sont relatives aux conséquences dommageables de l'état de santé d'une même personne ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

Sur la responsabilité :

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions de l'expert désigné en référé, que M. Alexis B, effectuant son service militaire en Guyane, a été victime en mai 1996 d'un accident de santé à l'occasion d'un exercice sportif ; que, présenté au docteur Meddeb, néphrologue, au sein service de néphrologie du centre hospitalier de Cayenne, et à la suite d'une échographie rénale et d'un bilan sanguin et rénal, une hématurie macroscopique et une protéinurie pathologique ont été détectées, alors même qu'aucun signe clinique de cette sorte n'avait été évoqué lors de la visite d'incorporation ; que le praticien a conseillé, par courrier daté du 7 juin 1996, au médecin aspirant du 9ème RIMA de Cayenne au sein duquel servait l'appelant de confier ce patient à une équipe de néphrologues en métropole pour y effectuer une biopsie rénale , le diagnostic alors soulevé étant celui d'une néphropathie glomérulaire sans insuffisance rénale et sans hypertension ; que cet examen complémentaire n'a toutefois pas été effectué et, lors de sa démobilisation le 12 août 1996, le dossier médical de M. B ne lui a pas été communiqué pas plus qu'il n'a été informé des conclusions du docteur Meddeb ; qu'à son retour, présentant un épisode de rhinopharyngite le 19 août 1998, il a consulté son médecin traitant, qui s'est alors vu communiquer son dossier médical militaire et a notamment pris connaissance à cette occasion de la demande de biopsie rénale ; que ce dernier a prescrit un bilan biologique et une urographie intraveineuse ; que furent alors découvertes, après examen des urines, une hématurie microscopique ainsi qu'une protéinurie ; que M. B a alors été pris en charge par le docteur Ledoux, néphrologue, et a subi un bilan rénal dans le service de néphrologie et de d'hémodialyse de la clinique Bethesda à Strasbourg du 20 au 25 septembre 2000 ; qu'une ponction biopsique rénale a été réalisée, mettant en évidence une glomérulonéphrite à IgA et permettant de diagnostiquer l'existence d'une maladie de Berger ; qu'il résulte tant des conclusions du docteur Ledoux que de l'expert désigné en référé que le retard à diagnostiquer la pathologie de l'appelant n'a pas permis de mettre en place un traitement protecteur du rein et a conduit à un développement de la maladie de Berger à un stade avancé, compliquée d'une hypertension artérielle sévère associée à des troubles du sommeil, nécessitant un traitement conséquent ; que, dès lors qu'il est ainsi établi que le diagnostic plus précoce de la maladie aurait, de façon certaine, permis d'éviter le dommage, le ministre de la défense, qui admet la faute commise par le service de santé des Armées, ne saurait faire valoir que M. B aurait seulement perdu une chance de se soustraire à la maladie de Berger dont il est désormais atteint ; que si le ministre de la défense soutient en outre que l'Etat ne serait que partiellement responsable du préjudice subi par M. B, dès lors que la prise de connaissance du dossier médical par le médecin traitant en août 1998 n'a entraîné la réalisation d'une biopsie qu'en septembre 2000, il ne résulte pas du rapport de l'expert que le retard supplémentaire ainsi mis à la réalisation d'une biopsie rénale aurait aggravé l'affection de M. B, alors par ailleurs que ce dernier n'avait présenté entre 1996 et 1998 aucun nouveau symptôme de l'affection ultérieurement diagnostiquée ; qu'il s'ensuit que, sans qu'il soit besoin de prescrire une expertise complémentaire, l'Etat doit réparer l'ensemble des conséquences dommageables de sa faute ; que l'appel incident du ministre de la défense doit ainsi être rejeté ;

Sur le préjudice d'Alexis B :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

S'agissant des dépenses de santé :

Considérant, d'une part, qu'il résulte d'un relevé des débours de la CAISSE PRIMAIRE DE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG daté du 3 avril 2008 et qu'il n'est pas sérieusement contesté par le ministre intimé, l'expert désigné en référé attestant de la réalité de l'hospitalisation, que les frais d'hospitalisation et les frais médicaux et pharmaceutiques générés par la réalisation de la biopsie rénale dont a fait l'objet M. B s'élèvent respectivement à 1 586,32 euros au titre des frais d'hospitalisation du 20 au 25 septembre 2000 et à 876,98 € au titre des frais médicaux et pharmaceutiques, moins une participation forfaitaire de deux euros ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. B aurait dû faire l'objet d'une biopsie rénale dès 1996 alors qu'il effectuait son service national actif ; qu'en vertu des dispositions combinées des articles 4 1° et 8 1° c du décret susvisé du 24 février 1978, un militaire présent sous les drapeaux en application des dispositions du code du service national doit obligatoirement avoir recours aux prestations du service de santé des armées et la charge financière des soins dispensés par le service de santé des armées est supportée par le budget des armées ; qu'ainsi, M. B, qui n'aurait alors pu recourir à un médecin civil, n'aurait, pas davantage que l'assurance maladie, eu à supporter le coût des soins qui devaient lui être dispensés ;

Considérant que ce poste de préjudice ayant été pris en charge intégralement par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à celle-ci la somme de 2 463,30 euros ;

S'agissant des pertes de revenus :

Considérant que le relevé susmentionné produit par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG et daté du 3 avril 2008 indique que M. B a perçu des indemnités journalières au cours de la période du 20 septembre 2000 au 31 janvier 2003, avec une interruption du 19 août 2002 au 1er janvier 2003 ; que ce fait est partiellement corroboré par une attestation du délégué du directeur de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG datée du 17 octobre 2002 indiquant que M. B est en arrêt maladie et perçoit des indemnités journalières du 21 septembre 2000 au 17 octobre 2002 ; que, par ailleurs, le Tribunal de grande instance de Strasbourg, qui a prononcé la liquidation judiciaire de l'intéressé par jugement du 26 mars 2003, a constaté que les seules ressources de M. B étaient constituées par des indemnités journalières que lui versait la caisse ; qu'ainsi, le ministre de la défense ne peut dénier l'existence du versement des indemnités journalières mentionnées sur le relevé du 3 avril 2008 et dont l'imputabilité à l'incapacité temporaire de travail subie par l'intéressé n'est pas contestée ; qu'en revanche, par aucune des pièces qu'il produit, M. B ne démontre avoir été privé de sources de revenus qui n'auraient pas été compensées par le versement de ces indemnités journalières ; qu'il ne saurait ainsi prétendre obtenir une indemnité au titre de ses pertes de revenus ;

Considérant que ce poste de préjudice ayant été pris en charge intégralement par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, il y a lieu de condamner l'Etat à verser à celle-ci la somme de 17 525, 66 euros ;

S'agissant de l'incidence professionnelle :

Considérant que si M. B prétend avoir perdu, en raison de ses arrêts de maladie, son travail de commercial qu'il exerçait à Lyon, activité sur laquelle il ne donne aucune précision, il n'en rapporte pas la preuve ; qu'il ne démontre pas davantage qu'il ait été reconnu comme travailleur handicapé catégorie A par la COTOREP pour une durée de 3 ans à compter du 11 octobre 2001, ce qui en tout état de cause ne l'empêchait pas de pratiquer toute activité professionnelle ; qu'au surplus, il résulte de l'instruction qu'il a signé un contrat avec la société lyonnaise de transports en commun en qualité de conducteur receveur de véhicule de transport en commun pour une durée indéterminée à compter du 20 novembre 2003, après avoir effectué un stage probatoire du 22 septembre au 18 octobre 2003 ; que les avis d'imposition qu'il produit au titre des années 1999, 2003 et 2004 démontrent que sa rémunération a augmenté ; qu'ainsi, le requérant n'établit pas avoir subi un préjudice de carrière du fait de la faute commise par l'Etat ;

En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :

Considérant, d'une part, qu'ainsi qu'il a été dit ci-avant, M. B a subi un déficit fonctionnel temporaire total d'une durée de plus de deux ans ; qu'il en est résulté des troubles évidents dans ses conditions d'existence dont il sera fait une juste appréciation en les évaluant à 10 000 euros ;

Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expert désigné en référé, que M. B, atteint de la maladie de Berger, présente un déficit fonctionnel permanent de 30 %, étant victime d'une insuffisance rénale, d'une hypertension artérielle sévère, de troubles du sommeil, de céphalées, d'anémie et d'un état dépressif ; que l'intéressé est fondé à demander l'indemnisation immédiate de ce chef de préjudice, alors même que son état de santé n'est pas stabilisé ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 50 000 euros ;

Considérant, enfin, que l'évolution inéluctable de la maladie dont est atteinte M. B engendre un préjudice moral indéniable ; qu'il convient d'indemniser en lui allouant une somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'en revanche, M. B ne démontre pas que sa séparation de Mme A, mère de son fils Stanislas, né le 24 mai 1998, avec laquelle il vivait en union libre, ait eu pour origine la pathologie dont il souffre ; qu'il n'est pas davantage prouvé que si, par ordonnance du juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Villefranche-sur-Saône du 19 avril 2001, la résidence habituelle de Stanislas a été fixée chez sa mère, cette circonstance aurait été la conséquence de son déficit temporaire fonctionnel ; que, par ailleurs, M. B ne subit à ce jour aucun préjudice d'agrément ni préjudice sexuel, dès lors qu'il a pu reconstruire une vie familiale avec une tierce personne ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en l'état du dossier, l'indemnité due à M. B doit être fixée à 65 000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006, date de réception de sa demande préalable d'indemnité et non à compter du 29 décembre 2000, date de la demande d'expertise ; qu'en cas d'aggravation de son état de santé, s'il s'y croit fondé, il lui sera loisible de saisir à nouveau le juge afin de solliciter une indemnisation complémentaire ;

Sur le préjudice de Stanislas B, représenté par ses parents et représentants légaux, Alexis B et Marie-Bénédicte A :

Considérant qu'eu égard à l'état de santé de son père, Stanislas B, fils de la victime, est victime de troubles dans ses conditions d'existence dès lors qu'en dépit de la séparation intervenue entre sa mère chez qui il a sa résidence habituelle et son père, il conserve un droit de visite et d'hébergement chez ce dernier ; qu'il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudices en allouant à M. Alexis B et à Mme A en qualité de représentant légaux de leur fils mineur Stanislas B, la somme de 3 000 euros, cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006, date de réception de la demande préalable d'indemnité ; qu'en cas d'aggravation de l'état de santé de son père, s'il s'y croit fondé, il sera loisible à ce dernier de saisir à nouveau le juge afin de solliciter une indemnisation complémentaire ;

Sur le préjudice des parents d'Alexis B, Denise et Claude B :

Considérant qu'eu dépit de l'état de santé de leur fils, M et Mme B ne démontrent pas subir, à l'heure actuelle, de troubles dans leurs conditions d'existence dès lors qu'ils résident à Strasbourg et leur fils à Lyon ; que leurs prétentions indemnitaires ne peuvent ainsi qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que l'appel incident du ministre de la défense doit être rejeté, d'autre part, que l'Etat doit être condamné à verser une somme de 19 986,96 euros à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, qu'il n'y a pas lieu d'assortir des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt dès lors que lesdits intérêts courent de plein droit à compter de sa notification, une somme de 65 000 euros à M. Alexis B et une somme de 3 000 euros à M. Alexis B et à Mme A pris en leur qualité de représentants légaux de leurs fils Stanislas ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ;

Considérant que les frais et honoraires de l'expertise, prescrite en référé, ont été taxés et liquidés à la somme de 498,73 euros par ordonnance du président du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 4 avril 2002 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances particulières de l'espèce, de les mettre à la charge définitive de l'Etat ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser, d'une part, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, d'autre part, à M. Alexis B et à Mme A, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 18 mars 2009 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, ainsi que celles de M. Alexis B et de Mme Marie-Bénédicte A agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils Stanislas B.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG la somme de 19 986,96 euros (dix neuf mille neuf cent quatre-vingt six euros quatre-vingt seize centimes) au titre des débours qu'elle a exposés.

Article 3 : La somme de 10 000 euros (dix mille euros) que l'Etat a été condamné à payer à M. Alexis B par l'article 1er du jugement attaqué est portée à 65 000 euros (soixante cinq mille euros).

Article 4 : L'article 1er du jugement susvisé du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 18 mars 2009 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 ci-dessus.

Article 5 : L'Etat est condamné à verser à Alexis B et Marie-Bénédicte A, représentants légaux de M. Stanislas B, la somme de 3 000 euros (trois mille euros), cette somme portant intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2006.

Article 6 : L'Etat versera respectivement, d'une part, à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG et, d'autre part, à M. Alexis B et à Mme Marie-Bénédicte A, une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la requête enregistrée sous le n° 09NC00995 est rejeté ainsi que l'appel incident du ministre de la défense.

Article 9 : Le présent arrêt sera notifié à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE STRASBOURG, à M. Alexis B, à Mme Marie-Bénédicte A, à Mme Denise Christiane WILL, épouse B, à M. Jean-Claude B et au ministre de la défense.

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N° 09NC00994 ...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09NC00994
Date de la décision : 17/06/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SCP ALEXANDRE LEVY KAHN ; SCP ALEXANDRE LEVY KAHN ; FRECHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2010-06-17;09nc00994 ?
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