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13/03/2012 | FRANCE | N°09MA01122

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 13 mars 2012, 09MA01122


Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2009, présentée par Me Amsellem pour la SARL LP DIFFUSION, dont le siège social est sis Parc des Oliviers à Bormes-les-Mimosas (83230), prise en la personne de son mandataire liquidateur, Me Laure, et pour M. et Mme Yann A, demeurant ...;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 0501586 rendu par le Tribunal administratif de Nice le 27 janvier 2009 en ce qu'il a jugé que l'illégalité qui entache l'arrêté en date du 20 août 2001 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a

suspendu, pour une durée d'un an, la mise sur le marché à titre gratuit ou ...

Vu la requête, enregistrée le 27 mars 2009, présentée par Me Amsellem pour la SARL LP DIFFUSION, dont le siège social est sis Parc des Oliviers à Bormes-les-Mimosas (83230), prise en la personne de son mandataire liquidateur, Me Laure, et pour M. et Mme Yann A, demeurant ...;

Les requérants demandent à la Cour :

1°) de confirmer le jugement n° 0501586 rendu par le Tribunal administratif de Nice le 27 janvier 2009 en ce qu'il a jugé que l'illégalité qui entache l'arrêté en date du 20 août 2001 par lequel le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a suspendu, pour une durée d'un an, la mise sur le marché à titre gratuit ou à titre onéreux, l'importation et la mise à disposition à titre gratuit ou à titre onéreux de l'embarcation nautique de la marque " Surfbike ", en tant qu'il s'est appliqué à d'autres embarcations nautiques de la marque " Surfbike " que celles dont les poignées de guidon ont une forme semi-circulaire, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat envers la SARL LP DIFFUSION et M. et Mme A ;

2°) de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) à indemniser la SARL LP DIFFUSION à hauteur de 603 496,48 euros en réparation des préjudices subis afférents aux pertes de revenus (367 839 euros), aux dépenses engagées (12 099,63 euros), aux commandes annulées (23 557,85 euros), outre la somme forfaitaire de 200 000 euros en réparation des conséquences globales telles que la liquidation judiciaire qui a découlé de l'arrêté en litige, les pertes non chiffrables et l'atteinte à la notoriété ;

3°) de dire et juger que la période d'indemnisation va du 20 août 2001 à la date de la liquidation, soit fin 2002 ;

4°) de condamner l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) à indemniser M. et Mme A à hauteur de 375 511,48 euros en raison des préjudices strictement financiers (225 511,48 euros) et des préjudices moral et personnel (150 000 euros) qu'ils ont subis ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat (ministre de l'économie, des finances et de l'industrie) la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'une part, au profit de la SARL LP DIFFUSION et, d'autre part, au profit de M. et Mme A ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2012,

- le rapport de M. Emmanuelli, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL LP DIFFUSION exerçait une activité d'importation et de commercialisation d'une embarcation nautique de la marque " Surfbike ", appelée couramment le Surfbike ; qu'à la suite d'un accident mortel survenu le 30 juillet 2001 à Montrevel-en-Bresse (Ain), la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, l'importation, la mise à disposition à titre gratuit ou onéreux de l'embarcation nautique de marque " Surfbike ", dès lors qu'elle se compose d'une planche de surf appelée " Surfseat ", munie d'une selle et d'un pédalier entraînant une hélice et d'un guidon, ont été suspendues pour une durée d'un an par arrêté ministériel du 20 août 2001 ; que le Conseil d'Etat, statuant en référé, a suspendu, le 30 novembre 2001, l'exécution de l'arrêté du 20 août 2001 en tant qu'il s'appliquait à d'autres embarcations nautiques de la marque " Surfbike " que celles dont les poignées de guidon ont une forme semi-circulaire ; que l'arrêté du 20 août 2001 a été abrogé par arrêté du 28 décembre 2001, lequel a également disposé que la mise sur le marché à titre gratuit ou onéreux, l'importation, l'exportation, la mise à disposition à titre gratuit ou onéreux de l'embarcation nautique de la marque " Surfbike ", dès lors qu'elle se compose d'une planche de surf appelée " Surfseat ", munie d'une selle, d'un pédalier entraînant une hélice et d'un guidon dont les poignées ont une forme semi-circulaire, étaient suspendues pour une durée d'un an ; que Me Laure, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL LP DIFFUSION, et M. et Mme A, actionnaires de cette société, ont recherché la responsabilité de l'Etat à raison des conséquences dommageables qu'ils estiment avoir subies à la suite des mesures de suspension de la mise sur le marché des Surfbikes mais ont vu leurs demandes rejetées par jugement en date du 27 janvier 2009 du Tribunal administratif de Nice ; que la SARL LP DIFFUSION, en la personne de son mandataire liquidateur, et M. et Mme A demandent à la Cour, d'une part, de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a jugé que l'illégalité qui entache l'arrêté en date du 20 août 2001, en tant qu'il s'est appliqué à d'autres embarcations nautiques de la marque " Surfbike " que celles dont les poignées de guidon ont une forme semi-circulaire, est de nature à engager la responsabilité de l'Etat et, d'autre part, de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices subis ;

Sur la recevabilité :

Considérant que M. et Mme A, qui ont apporté une somme de 15 242,48 euros à la SARL LP DIFFUSION, ont perçu des revenus de cette dernière société et ont subi les conséquences financières de l'arrêté du 20 août 2001, justifient d'un intérêt leur donnant qualité pour agir ; que les arguments développés par le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, tirés notamment de ce que la liquidation de la SARL LP DIFFUSION ne serait nullement liée à l'arrêté, que les sommes demandées par les époux A ne pourraient excéder le montant de leur apport initial et que les troubles dans leurs conditions d'existence ne seraient pas étayés d'éléments probants peuvent être pris en compte, le cas échéant, pour apprécier le bien-fondé des conclusions indemnitaires mais ne sont pas de nature à démontrer que la requête serait irrecevable ;

Sur les demandes d'indemnisation de la SARL LP DIFFUSION et de M. et Mme A :

Considérant que, pour rejeter les demandes d'indemnisation de la SARL LP DIFFUSION et de M. et Mme A, le Tribunal administratif de Nice a retenu que, même si un comportement fautif pouvait être imputé aux services du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui n'ont pas vérifié s'il existait des modèles de Surfbike comportant un guidon d'une autre forme que semi-circulaire alors qu'ils avaient établi que cette forme de guidon était directement à l'origine de l'accident mortel en date du 30 juillet 2001, la société et ses actionnaires ne démontraient pas l'existence des préjudices dont il faisaient état ; que la SARL LP DIFFUSION et M. et Mme A maintiennent que l'arrêté du 20 août 2001, en tant qu'il s'est appliqué à d'autres embarcations nautiques de la marque " Surfbike " que celles dont les poignées de guidon ont une forme semi-circulaire, leur a causé des préjudices directs et certains devant donner lieu à indemnisation ;

En ce qui concerne les demandes d'indemnisation de Me Maurel, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL LP DIFFUSION :

Considérant que la SARL LP DIFFUSION demande, dans le dernier état de ses écritures, la condamnation de l'Etat à lui verser la somme totale de 863 249 euros en réparation des préjudices subis afférents aux pertes de revenus acquis (96 839 euros), aux pertes de revenus futurs (267 000 euros), aux dépenses engagées à fonds perdus (519 euros), aux dépenses engagées par l'arrêté (11 580 euros), à la perte du fonds de commerce (383 000 euros), à la dépréciation du stock (68 451 euros), et au trouble commercial (35 860 euros) ;

Considérant, en premier lieu, que les documents versés aux débats par la SARL LP DIFFUSION, relatifs aux commandes et ventes en cours annulées à la suite de l'édiction de l'arrêté du 20 août 2001 et au refus de la société Oriental Moto Pièces, sise à Fort-de-France, de régler des Surfbikes déjà livrés ne permettent pas de savoir si ces commandes et ces ventes concernaient des Surfbikes à guidon droit ou des Surfbikes à guidons semi-circulaires ; que, par suite, il n'est pas établi que ces annulations et ce refus de paiement évalués par la SARL LP DIFFUSION à 96 839 euros soient la conséquence de l'illégalité fautive qui, selon la société, aurait entaché l'arrêté du 20 août 2001 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il n'est pas établi que l'insertion publicitaire dans " l'annuaire varois Côte-d'Azur " n'ait présenté aucune utilité pour la SARL LP DIFFUSION du fait qu'elle ait été empêchée, pendant une période de quatre-vingt-dix-neuf jours, de commercialiser des Surfbikes à guidon droit ; qu'ainsi, Me Laure ne peut soutenir que les frais afférents à cette insertion (519 euros) ont été engagés " à fonds perdus " du fait de l'Etat et devraient être remboursés ;

Considérant, en troisième lieu, que les frais d'avocat engagés par la SARL LP DIFFUSION, en 2001 et au début de l'année 2002 (8 491 euros), pour faire reconnaître l'illégalité alléguée de l'arrêté du 20 août 2001 ont été pris en compte par le Conseil d'Etat qui a fait application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative tant dans le cadre de la procédure de référé qu'au fond ; que la nécessité pour la société de s'acquitter de la note d'honoraires de l'expert-comptable (1 525 euros) qu'elle a chargé d'évaluer son préjudice découle du choix qu'elle a fait de recourir à ce professionnel plutôt que de procéder elle-même à cette évaluation ou de solliciter une expertise judiciaire à cet effet ; qu'à supposer que la SARL LP DIFFUSION ait effectivement notifié à ses clients, par courrier en recommandé, l'arrêté du 20 août 2001, la dépense ainsi exposée (311 euros) résulte également de sa seule initiative ; qu'il n'est pas justifié que la facture de téléphone annexée au rapport de l'expert-comptable (443 euros) présente un quelconque lien de causalité avec la faute alléguée ; que les " frais financiers sur stock dormant payé au fournisseur " (810 euros) ne sont pas justifiés ; qu'ainsi, les conclusions tendant à l'indemnisation des préjudices qualifiés de " frais générés par l'arrêté du 20 août 2001 " pour un montant total de 11 580 euros ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant, en quatrième lieu, que, comme il a été dit, la SARL LP DIFFUSION n'établit pas que sa mise en liquidation judiciaire découle de l'illégalité qui aurait entaché l'arrêté du 20 août 2001, eu égard, notamment, à la brièveté de la période pendant laquelle cette illégalité supposée a pu produire des effets et à la circonstance que ladite liquidation judiciaire soit intervenue près d'un an après le prononcé de la suspension de l'arrêté du 20 août 2001 ; que, par suite, les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat au versement d'une somme de 383 000 euros en réparation du préjudice lié à la disparition de l'entreprise (fonds de commerce), d'une somme de 68 451 euros correspondant à la dépréciation et à la perte du stock, et d'une somme de 35 860 euros en réparation du trouble commercial lié à l'interruption de l'activité de l'entreprise, doivent être rejetées ;

Considérant, en cinquième lieu, que Me Laure soutient que le chiffre d'affaires de la SARL LP DIFFUSION de l'année 2000 s'élevait à près de 305 000 euros et que 70 % de ce chiffre d'affaires correspondaient aux ventes induites par le salon nautique de Paris ; qu'il fait valoir que, du fait de l'arrêté du 20 août 2001, la société n'a pu participer au salon nautique organisé à Paris au mois de décembre 2001 et enregistrer, à cette occasion, des commandes de Surfbikes dont le règlement aurait constitué 70 % de ses revenus futurs de l'année 2002 ; que, s'agissant de cette demande d'indemnisation, et à supposer qu'une responsabilité sans faute de l'Etat puisse être recherchée, il est constant que les pièces du dossier ne permettent pas de chiffrer avec précision le préjudice invoqué ;

En ce qui concerne les demandes d'indemnisation de M. et Mme A :

Considérant qu'il n'est pas établi que la liquidation judiciaire de la SARL LP DIFFUSION trouve son origine dans la mesure d'interdiction de la commercialisation des Surfbikes à guidon droit ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à solliciter le remboursement de leurs apports personnels pour constituer la société (15 242,48 euros), de la somme qu'ils auraient versée à Me Laure pour tenter " de couvrir les dettes et de sauver l'entreprise de la liquidation " (7 705 euros), des honoraires versés à leur expert-comptable (1 824 euros), et des " majorations sur les cotisations de retraite (740 euros) ; que, pour le même motif, leurs conclusions tendant à être indemnisés par le versement d'une somme de 200 000 euros au titre de " la perte de leurs parts sociales " et de " la perte de chance de voir leur activité prospérer sur plusieurs années " doivent être également rejetées ;

Considérant, enfin, que M. et Mme A n'établissent pas avoir subi un préjudice moral et des préjudices personnels, au demeurant non explicités et non justifiés, présentant un lien de causalité direct et certain avec la faute alléguée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL LP DIFFUSION et M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté leurs demandes ; qu'ils ne peuvent ainsi prétendre au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SARL LP DIFFUSION et de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Me Laure, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la SARL LP DIFFUSION, à M. et Mme Yann A et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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N° 09MA01122


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA01122
Date de la décision : 13/03/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-04-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Responsabilité et illégalité. Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme NAKACHE
Rapporteur ?: M. Olivier EMMANUELLI
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : AMSELLEM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2012-03-13;09ma01122 ?
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