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11/05/2010 | FRANCE | N°09MA00759

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 11 mai 2010, 09MA00759


Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00759, présentée par Me Gallice, avocat, pour Mme Nicole A, demeurant ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 065043 du 15 janvier 2009 du Tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 605 285 euros en réparation des préjudices subis à la suite de la perte de sa licence professionnelle et de l'impossibilité d'ouvrir son of

ficine pharmaceutique ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle ...

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2009 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 09MA00759, présentée par Me Gallice, avocat, pour Mme Nicole A, demeurant ...;

Mme A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 065043 du 15 janvier 2009 du Tribunal administratif de Toulon en tant qu'il a n'a que partiellement fait droit à sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 605 285 euros en réparation des préjudices subis à la suite de la perte de sa licence professionnelle et de l'impossibilité d'ouvrir son officine pharmaceutique ;

2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de la santé et des solidarités a rejeté sa demande indemnitaire du 27 avril 2006 ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser ladite somme de 1 605 285 euros, assortie des intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

........................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2010 :

- le rapport de Mme Chenal-Peter, rapporteur ;

- les conclusions de Mlle Josset, rapporteur public ;

- les observations de Me Gallice, avocat de Mme Nicole A ;

Considérant que Mme A a déposé en 1988 une demande de création par voie dérogatoire d'une officine de pharmacie dans la ZAC de Port Fréjus sur le territoire de la commune de Fréjus ; qu'après plusieurs décisions refusant de lui accorder une telle autorisation, le ministre du travail et des affaires sociales a, par arrêté du 30 mai 1997, délivré à Mme A une licence pour la création d'une officine de pharmacie dans la ZAC de Port Fréjus ; que, toutefois, par un arrêté du 3 novembre 1997, le secrétaire d'Etat à la santé a annulé l'arrêté du ministre du travail et des affaires sociales en date du 30 mai 1997 ; que cet arrêté du 3 novembre 1997 a été annulé par un jugement du Tribunal administratif de Nice du 3 décembre 2002, confirmé par un arrêt de la Cour du 9 septembre 2005, devenu définitif ; que par un courrier du 27 avril 2006, Mme A a demandé au ministre de la santé l'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subi du fait de l'intervention de la décision ministérielle du 3 novembre 1997 et que cette demande a été implicitement rejetée par le ministre ; que par un jugement du 15 janvier 2009, le Tribunal administratif de Toulon a condamné l'Etat à lui verser la somme de 284 253 euros, en réparation des conséquences dommageables de l'illégalité de l'arrêté du 3 novembre 1997 ; que Mme A relève appel de ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande d'indemnisation, qui s'élevait à 1 605 285 euros ; que, par la voie de l'appel incident, le ministre de la santé et des sports demande que la Cour le décharge des condamnations prononcées son encontre ;

Sur la responsabilité de l'Etat :

Considérant que l'illégalité entachant une décision administrative, si elle engage la responsabilité de l'administration envers l'administré qu'elle concerne, n'est pas pour autant de nature à ouvrir automatiquement un droit à réparation intégrale au profit de ce dernier, dès lors que cette même décision est justifiée au fond ;

Considérant que l'arrêté du 3 novembre 1997 du secrétaire d'Etat à la santé a été annulé au motif qu'il avait retiré l'arrêté du 30 mai 1997 qui délivrait à Mme A une licence pour la création d'une officine de pharmacie dans la ZAC de Port Fréjus au-delà du délai de quatre mois dont disposait l'administration pour retirer cette décision créatrice de droits, dans le cas où elle aurait été illégale ; qu'à supposer même que l'autorisation précédemment délivrée à Mme A ait été illégale au regard des dispositions de l'article L. 571 du code de la santé publique, le retrait d'une telle autorisation, qui avait créé des droit définitivement acquis au profit de Mme A, est entaché d'une erreur de droit et donc d'illégalité interne ; que par suite, l'illégalité d'un tel retrait engage la responsabilité de l'Etat à l'égard de Mme A qui est fondée à demander réparation du seul préjudice direct et certain qui en est résulté pour elle ;

Sur le préjudice :

Considérant que l'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d 'un dommage causé par la faute de l'administration a pour seule vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était pas intervenue ;

En ce qui concerne le préjudice né de la perte de revenus :

Considérant que Mme A a droit à l'indemnisation de la perte de revenus résultant du retrait de l'autorisation qui lui a été délivrée pour la période allant du 3 novembre 1997 au 3 décembre 2002; que toutefois, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, le préjudice allégué doit être réduit à concurrence des revenus perçus par l'intéressée pendant la période considérée ; que, d'une part, la requérante a établi qu'elle aurait retiré de cette exploitation un bénéfice de 429 660 euros pour la période de référence, dont l'évaluation faite par les premiers juges n'est pas discutée par le ministre ; que d'autre part, Mme A a perçu des bénéfices de l'exploitation de la pharmacie qu'elle exploitait en société en nom collectif avec son époux à ... en Haute Loire ; qu'il résulte des pièces comptables émanant d'un expert comptable produites par la requérante elle-même que ses bénéfices propres pour la période allant de 1998 à 2002 s'élevaient à la somme de 145 407 euros ; que Mme A n'établit pas que les revenus professionnels qu'elle a perçus au cours de la période litigieuse, et devant, ainsi qu'il a été dit, entrer en déduction du bénéfice escompté, seraient inférieurs à la somme de 145 407 euros retenue à ce titre par le jugement attaqué ; que par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont fixé le montant du préjudice découlant de la perte de revenus à la somme de 284 253 euros, correspondant à la différence entre ces deux sommes ; que par suite, Mme A n'est pas fondée à soutenir que l'indemnité versée à ce titre doit être portée à la somme de 429 660 euros ;

En ce qui concerne la perte en capital :

Considérant que si Mme A fait par ailleurs état d'un préjudice patrimonial, qu'elle évalue à la somme de 1 175 625 euros, consécutif au retrait de l'autorisation de créer une officine de pharmacie dans la ZAC de ..., le préjudice ainsi allégué, qui correspond à la valeur qu'elle aurait pu retirer de la revente de son officine ne saurait être regardé comme direct et certain et ne présente qu'un caractère éventuel, ainsi que l'ont à bon droit jugé les premiers juges ; que par suite, Mme A ne peut prétendre au versement d'une indemnité au titre de son préjudice patrimonial ;

Considérant enfin que si Mme A fait valoir que l'administration ne lui a jamais adressé d'accusé de réception de sa demande indemnitaire, cette circonstance n'a pas d'incidence sur le montant de l'indemnisation qui lui est due ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Toulon a fixé l'indemnité qui lui était due à la somme de 284 253 euros ; que par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de l'Etat tendant à l'annulation du jugement attaqué et à ce que la Cour le décharge des condamnations prononcées son encontre doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par Mme A doivent dès lors être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'appel incident de l'Etat sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Nicole A et au ministre de la santé et des sports.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09MA00759
Date de la décision : 11/05/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FERULLA
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: Melle JOSSET
Avocat(s) : GALLICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2010-05-11;09ma00759 ?
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