Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2009 au greffe de la Cour, présentée pour M. José A, domicilié 14 Calle Pins San-Just-Desvem (08960) à Barcelone (Espagne) ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0605699 du Tribunal administratif de Lyon du 3 mars 2009 rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2001, 2002 et 2003 ;
2°) de prononcer la décharge desdites cotisations et des intérêts de retard afférents ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, à son profit, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que c'est à tort que le jugement du tribunal administratif se fonde sur l'article 155 A du code général des impôts car les services fiscaux n'apportent aucun élément sérieux permettant de conclure que son droit à l'image serait indissociable de son activité sportive ; que l'argument tiré de l'article 280 b de la convention collective nationale du football, qui précise que le joueur donne à son club l'autorisation d'exploiter son image du simple fait de la signature de son contrat, ne trouve pas à s'appliquer lorsque le joueur a, antérieurement à la signature de son contrat de travail, cédé son droit à l'image à un tiers ; que le Tribunal ne pouvait ignorer qu'il avait préalablement cédé le droit à l'exploitation de son image, dont il n'était plus titulaire pendant les années en cause ; que le contrat par lequel l'Olympique Lyonnais a acquis ses droits à l'image de la société Chaterella Investors Ltd ne prévoit pas qu'il réalise une prestation de services et que la rémunération est indépendante de ses performances sportives ; que, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat (6 avril 2007 - n° 271563 - Durand - RJF 7/07 n° 795), l'exploitation commerciale de la notoriété personnelle acquise dans une activité sportive ou culturelle doit être regardée comme une entreprise autonome et non comme une émanation de cette activité préexistante ;
- que l'article 155 A du code général des impôts constitue une entrave à la liberté des prestations de services au sein de l'Union européenne et à la libre circulation des capitaux ; qu'il est contraire à l'article 49 du traité qui s'oppose à " l'application de toute réglementation nationale ayant pour effet de rendre la prestation entre Etats membres plus difficile que la prestation de services purement interne à un Etat membre " ; que, si elle vise un objectif de lutte contre l'évasion fiscale, elle constitue une mesure disproportionnée au regard du but recherché ; que le tribunal administratif n'a pas suffisamment justifié sa position sur ce point ; qu'est de même contraire au traité toute mesure qui complique le transfert transfrontalier de capitaux ;
- que la Cour de justice de l'union européenne reconnaît certes la justification tirée de l'objectif de lutte contre l'évasion fiscale lorsqu'il s'agit de montages purement artificiels dont le but serait de contourner la législation fiscale française, mais qu'au cas d'espèce il ne peut résulter une présomption de détourner la loi française dans le fait qu'une société française rémunère une société étrangère pour l'exploitation des droits à l'image d'un sportif exerçant son activité professionnelle en France ;
- qu'en application de la clause de non-discrimination figurant à l'article 24-1 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971, les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ne peuvent lui être appliquées sous peine d'introduire entre lui et un résident français ressortissant français une différence de traitement injustifiée ;
- qu'en vertu du principe de primauté des conventions internationales sur le droit interne, il se considère fondé à invoquer la convention franco-britannique dans la mesure où elle ne contient aucune disposition qui réserverait son bénéfice aux résidents de l'un ou l'autre des pays contractants et où les redevances perçues par la société Chaterella Investors Ltd, imposées à son nom par application de l'article 155 A du code général des impôts, se trouvent dans le champ d'application de cette convention ; que, faute de disposer en France d'un établissement stable, les bénéfices réalisés par cette société ne peuvent, en application de l'article 6-1 de la convention, faire l'objet d'une imposition en France ; que les dispositions de l'article 155 A du code général des impôts, dont l'objet est précisément d'imposer ces mêmes bénéfices, doivent rester inappliquées ; que, dans un arrêt Ministre/Schneider Electric (28 juin 2002 n° 232276 - RJF 202 n° 1080), le Conseil d'Etat a reconnu l'incompatibilité des dispositions de l'article 209 B du code général des impôts avec les conventions internationales ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 février 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que les statuts de la société Chaterella Investors Ltd indiquent que son objet était de fournir diverses prestations de services dans le domaine financier ; qu'il est constant qu'elle n'exerce pas de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services ; que c'est à juste titre que les sommes ont été soumises à l'impôt sur le revenu entre les mains de M. A sur le fondement des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;
- que M. A, qui a exercé à l'Olympique Lyonnais du 30 août 2000 au 30 juin 2004, doit être regardé pour cette période comme fiscalement établi en France au sens des dispositions de l'article 155 A du code général des impôts ;
- que les dispositions de l'article 280 de la convention collective nationale des métiers du football stipulent que l'image ou la notoriété acquise par un joueur professionnel fait partie intégrante de la prestation de travail qu'il doit à son club et que les droits versés par celui-ci à l'occasion de l'exploitation de son nom et de son image le sont " en contrepartie ou à l'occasion du travail " et sont donc indissociables des prestations purement sportives ; que la jurisprudence administrative est en ce sens ; que la décision du Conseil d'Etat à laquelle fait implicitement allusion le requérant concerne l'application de l'article 44 sexies du code général des impôts et n'est donc pas transposable en l'espèce ;
- que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'article 155 A seraient contraires à la clause de non-discrimination prévue à l'article 24-1 de la convention fiscale franco-brésilienne du 10 septembre 1971 est privé de tout fondement ; qu'elles sont en effet applicables à un ressortissant français placé dans une situation identique, ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Douai (CAA Douai, 6 février 2001, n° 98DA00385) ;
- que M. A, qui n'est pas citoyen d'un Etat membre de l'Union européenne, n'est pas fondé à invoquer une prétendue incompatibilité de l'article 155 A avec les articles 49 et 56 du traité instituant la Communauté européenne, relatifs à la libre prestation des services et à la libre circulation des capitaux, dès lors qu'il n'a subi aucune discrimination du fait de sa nationalité par rapport à un ressortissant français placé dans une situation identique ; que cette incompatibilité n'est nullement établie dès lors que le joueur prestataire et le club bénéficiaire se situent tous les deux en France ; que l'article 155 A n'a ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la libre circulation des capitaux, mais vise à faire obstacle à un procédé d'évasion fiscale dans lequel le requérant s'est volontairement placé ;
- que, les redevances perçues à raison du droit à l'image ne relevant manifestement pas d'une activité industrielle ou commerciale, le requérant ne saurait invoquer l'article 6 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 ; que le requérant n'est, en tout état de cause, pas fondé à invoquer des dispositions qui concernent un autre contribuable que lui-même, à savoir la société Chaterella Investors Ltd ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 7 avril 2010, présenté pour M. A, qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre :
- qu'il résulte des avenants conclus entre l'Olympique Lyonnais et la société Chaterella Investors Ltd que les seules sommes dues par l'Olympique Lyonnais sont celles portant sur 2001 et 2002 ;
- que les termes " activité industrielle ou commerciale autre que la prestation de services " désignent uniquement la prestation dont l'article 155 A permet d'imposer la rémunération en France et non pas toutes les prestations de services ; que l'activité de fourniture de services financiers est donc bien une activité commerciale par nature au regard de l'article 34 du code général des impôts ;
- que l'arrêt cité de la Cour administrative d'appel de Douai a exclu de la base du calcul des cotisations sociales les redevances au titre du droit à l'image versées à un tiers lorsqu'il n'est pas établi que le salarié les a effectivement perçues ;
- que l'invocation de la convention fiscale franco-brésilienne vise à faire admettre qu'il puisse invoquer l'incompatibilité de l'article 155 A avec le principe de la liberté des services dans les mêmes conditions qu'un ressortissant français ;
- qu'alors qu'il avait cédé son droit à l'image, la prestation de services correspondant à ce droit n'était pas fournie par lui-même mais par la société Chaterella Investors Ltd ; que la comptabilité de l'article 155 A doit être examinée au regard de la liberté de prestations de services dont doit bénéficier la société Chaterella Investors Ltd en tant que prestataire établi dans l'Union européenne ; que l'application de l'article 155 A amène à imposer plus lourdement la personne physique française qui cède son droit à l'image à une société étrangère ;
- qu'il est parfaitement fondé à invoquer les stipulations de la convention franco-britannique dont l'application n'est pas réservée aux résidents de France ou de Grande-Bretagne ; que l'exploitation du droit à l'image par la société Chaterella Investors Ltd constitue bien une activité commerciale dont les revenus ne sont imposables qu'en Grande-Bretagne en l'absence d'établissement stable en France ;
Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 13 septembre 2010, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, qui conclut au non-lieu à statuer à hauteur des rappels d'impositions de l'année 2003 et au rejet du surplus de la requête ;
Il soutient que les éléments apportés par le requérant sur l'absence de versement par l'Olympique Lyonnais des sommes dues à la société Chaterella Investors Ltd au titre de l'année 2003 amène à dégrever les impositions correspondantes, soit 293 185 euros en droits et 13 193 euros au titre des intérêts de retard ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 16 septembre 2010, présenté pour M. A, prenant acte du dégrèvement intervenu pour ce qui concerne les impositions de l'année 2003 et tendant pour le reste aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu, en date du 10 septembre 1971, la convention entre la République Française et la République fédérale du Brésil tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière de revenu ;
Vu la convention du 22 mai 1968 entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord, tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus, signée à Londres le 22 mai 1968 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 septembre 2010 :
- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Monnier, rapporteur public ;
Considérant que M. José A a été employé en qualité de joueur de football par la SASP club l'Olympique Lyonnais, du 30 août 2000 au 30 juin 2004 ; qu'à l'issue de la procédure de vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, l'administration fiscale, par une proposition de rectification du 20 décembre 2004, a imposé entre les mains de M. A les sommes versées en 2001, 2002 et 2003 par le club à la société de droit britannique Chaterella Investors Ltd (CIL) au titre de la rétrocession du droit à l'usage de l'image du joueur ; que M. A fait appel du jugement en date du 3 mars 2009 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu ainsi mises à sa charge, au titre des trois années 2001, 2002 et 2003, dans la catégorie des traitements et salaires ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 13 septembre 2010, postérieure à l'introduction de la requête, le directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes Bourgogne a prononcé le dégrèvement d'une somme de 293 185 eoros en droits et 13 193 euros d'intérêts de retard, correspondant à l'intégralité des rappels auxquels M. A a été assujetti au titre de l'année 2003 ; que les conclusions de la requête sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le bien fondé des impositions restant en litige :
Considérant, qu'aux termes de l'article 155 A du code général des impôts : " I. Les sommes perçues par une personne domiciliée ou établie hors de France en rémunération de services rendus par une ou plusieurs personnes domiciliées ou établies en France sont imposables au nom de ces dernières (...) lorsqu'elles n'établissent pas que cette personne exerce, de manière prépondérante, une activité industrielle ou commerciale, autre que la prestation de services " ;
Considérant qu'aux termes de l'article 280 de la convention collective nationale des métiers du football, l'image et la notoriété acquises par un joueur professionnel font partie intégrante de la prestation de travail qu'il doit à son club et les droits versés par celui-ci à l'occasion de l'exploitation du nom et de l'image du joueur le sont " en contrepartie ou à l'occasion du travail " ; qu'il ne peut ainsi être soutenu que la rémunération d'un footballeur professionnel serait séparable de son droit à l'image ; qu'il résulte de l'instruction que, par une convention conclue le 4 août 1997, M. A a concédé à la société de droit irlandais Chaterella Holdings Ltd le droit à l'utilisation de son nom et de son image ; que cette société a cédé le 30 décembre 2000 ces droits à la société de droit britannique Chaterella Investors Ltd (CIL) ; que cette dernière, par un contrat du 17 août 2001, qui fait référence au contrat de travail passé entre l'Olympique Lyonnais et M. A, a cédé au club le droit d'utilisation du nom et de l'image du joueur ; qu'à ce titre, l'Olympique Lyonnais a versé à la société Chaterella Investors Ltd une redevance de 420 000 dollars US pour 2001 et de 444 000 dollars US pour 2002 ; que, par ailleurs, il ressort des statuts de la société de droit britannique Chaterella Investors Ltd, produits par l'administration fiscale, qu'elle a essentiellement pour objet la prestation de services dans le domaine financier ; que le requérant n'apporte aucun élément de nature à démontrer, ainsi que cela lui incombe aux termes mêmes des dispositions susmentionnées de l'article 155 A du code général des impôts, que cette société exerçait de manière prépondérante une activité industrielle ou commerciale autre que ladite prestation de services ; qu'eu égard à ces éléments, c'est à bon droit que l'administration fiscale a regardé M. A comme entrant, pour les sommes en cause et au regard de la loi fiscale française, dans le champ d'application des dispositions précitées de l'article 155 A ;
Considérant que, si M. A soutient, comme sa situation de résident travaillant et imposable en France l'y autorise, que l'article 155 A constituerait une entrave aux principes de la liberté des prestations de services à l'intérieur de l'Union européenne, ce moyen ne peut utilement être invoqué en l'espèce dès lors que la prestation de service, indissociable de son activité de footballeur, était exécutée en France et que l'imposition, émise par l'administration fiscale française, concernait un résident français ; qu'est également inopérant le moyen tiré de ce que cet article serait contraire au principe européen de libre circulation des capitaux, puisque le litige ne porte pas sur l'investissement d'une somme d'argent mais sur la circulation d'un moyen de paiement ;
Considérant que, si M. A invoque la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 et notamment son article 6-1, aux termes duquel les bénéfices industriels et commerciaux d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat à défaut d'établissement stable dans l'autre Etat, il n'établit pas que les profits de la société Chaterella Investors Ltd relèvent desdits bénéfices, lesquels excluent les "redevances" qui sont l'objet de l'article 12, aux termes duquel : " I. Les redevances provenant d'un Etat contractant et payées à un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables dans cet autre Etat que si ce résident en est le bénéficiaire effectif " ; que, par ailleurs, l'article 17 de la même convention stipule que : " I. Nonobstant les dispositions des articles 14 et 15, les revenus que (...) les sportifs retirent de leurs activités personnelles en cette qualité sont imposables dans l'Etat contractant où ces activités sont exercées " ; qu'il résulte de l'ensemble de ces stipulations, dès lors qu'il est constant que l'activité sportive de M. A, dont le droit à l'image est indivisible, se pratiquait en France, que les redevances versées par l'Olympique Lyonnais ne pouvaient être imposées qu'en France au regard de la convention franco-britannique susvisée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande en décharge des impositions restant en litige ;
Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur d'une somme de 293 185 euros en droits et 13 193 euros au titre des intérêts de retard correspondant à l'intégralité des rappels auxquels M. A a été assujetti au titre de l'année 2003.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. José A est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. José A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
Délibéré après l'audience du 23 septembre 2010 à laquelle siégeaient :
M. Montsec, président,
M. Raisson et Mme Besson-Ledey, premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 23 novembre 2010
''
''
''
''
1
2
N° 09LY01539