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01/03/2011 | FRANCE | N°09LY01125

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 01 mars 2011, 09LY01125


Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE (Isère) ;

La COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405657 du Tribunal administratif de Grenoble

du 19 mars 2009 qui a déchargé les consorts A de la participation qui a été mise à leur charge par l'autorisation de lotir du 9 février 2001 ;

2°) de rejeter la demande des consorts A devant le Tribunal ;

3°) de condamner les consorts A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus

tice administrative ;

La commune soutient que :

- contrairement à ce que estimé le Tribunal, q...

Vu la requête, enregistrée le 25 mai 2009, présentée pour la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE (Isère) ;

La COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405657 du Tribunal administratif de Grenoble

du 19 mars 2009 qui a déchargé les consorts A de la participation qui a été mise à leur charge par l'autorisation de lotir du 9 février 2001 ;

2°) de rejeter la demande des consorts A devant le Tribunal ;

3°) de condamner les consorts A à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que :

- contrairement à ce que estimé le Tribunal, qui a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit, la délibération du 9 novembre 1993 s'approprie implicitement mais nécessairement le contenu de l'étude d'aménagement qui a été établie par la DDE de l'Isère le 1er février 1993 ; qu'en effet, cette délibération vise cette étude et la mise en place du PAE n'a pu se faire qu'avec le concours de l'expertise technique et juridique de la DDE ; que, par ailleurs, ladite délibération s'approprie expressément les termes d'une délibération précédente du 26 mai 1993, qui elle-même s'approprie le contenu des études réalisées par la DDE ; qu'il est fait référence, tant dans la convocation aux élus que dans le compte-rendu de la séance, que, du fait du nombre de logements devant être construits, le montant de la participation devrait être d'environ 1 000 francs par m² construit ; que, par un courrier du 19 février 1993, la DDE a été officiellement sollicitée aux fins de mettre en place un PAE permettant de faire financer par les aménageurs et lotisseurs les travaux d'équipement pour la part qui les concerne ; que, par un courrier du 25 février 1993, les propriétaires de la zone ont été informés des projets d'aménagement en cours et, notamment, du fait que l'avant-projet sommaire d'aménagement était consultable en mairie ; qu'enfin, les consorts A avaient parfaitement connaissance du fait que la clef de répartition adoptée était celle établie par la DDE ;

- elle a formé une demande de substitution de base légale à titre subsidiaire devant le Tribunal, en invoquant l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; que le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier, dans la mesure où elle a clairement soutenu qu'il ressortait du programme des travaux du lotissement que ces travaux ont exclusivement porté sur des aménagements internes au lotissement ; qu'il n'était donc pas besoin d'indiquer quel était le coût susceptible d'être mis à la charge des consorts A, la participation ayant exclusivement porté sur des équipements propres ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2010, présenté pour M. Serge A, Mme Andrée B épouse A, M. Jean-Pierre A, M. Robert A, M. Georges A, Mme Isabelle C épouse A, Mme Colette A, et pour Mme Jacqueline D épouse A, qui demandent à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE à leur verser une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les consorts A soutiennent que :

- le Tribunal a considéré à juste titre que la participation exigée était illégale, du fait de l'illégalité de la délibération ayant institué le PAE ; que cette dernière ne mentionne en effet ni la SHON totale susceptible d'être réalisée dans le secteur concerné, ni un montant de participation à la charge des constructeurs par m² de SHON ; qu'une commune ne peut faire varier la participation selon les projets, au stade des permis de construire ou d'aménager ; que, si la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, qui ne conteste pas ces obligations, se prévaut des circonstances que le conseil municipal se serait approprié les études de la DDE et que les conseillers municipaux et les propriétaires auraient été informés, l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme garantit l'information des constructeurs et des lotisseurs et la stabilité des règles les concernant pendant la durée du PAE ; que les seules dispositions opposables sont celles qui résultent de la délibération institutive ;

- en première instance, ils ont subsidiairement démontré que les équipements publics programmés par la commune n'ont pas été achevés et que l'on se trouvait dans un cas de caducité du PAE, ouvrant droit à restitution, comme prévu par l'article L. 332-11 du code de l'urbanisme ; que la commune n'a pas contesté que le bouclage de la voie publique programmée au PAE n'a pas été réalisé, comme du reste un certain nombre de réseaux sous voirie ; que la commune confirme cette situation dans la requête n° 09LY01133 ; qu'elle soutient toutefois qu'ils ont pu néanmoins réaliser leur lotissement et que leur participation a bien été affectée à l'aménagement du secteur ; qu'elle invoque également le fait que les équipements non réalisés ont fait l'objet de participations complémentaires, versées par d'autres aménageurs ou constructeurs ; que, cependant, dans le secteur d'aménagement, les constructeurs et lotisseurs contribuent, non pas à la seule réalisation des équipements qui assurent la desserte de leur projet, mais à une partie de l'ensemble des équipements prévus ; que, par suite, ils doivent disposer d'un droit à restitution totale si l'ensemble des équipements n'a pas été réalisé dans le délai que la commune s'est elle-même imparti ;

- le Tribunal a enfin logiquement rejeté la demande de substitution de base légale ; qu'en premier lieu, ils n'ont pas seulement réalisé des travaux, mais ont cédé des terrains, ce qui n'est pas prévu par l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ; qu'en deuxième lieu, les équipements traversant le terrain constituent des équipements publics ; que c'est un programme d'équipements publics pour un aménagement d'ensemble qui a été conçu ; que l'autorisation de lotir vise une participation aux dépenses d'équipements publics, rendues nécessaires par la mise en oeuvre du PAE ; que la commune a indiqué qu'elle souhaitait s'assurer la maîtrise foncière des voiries ; que les réseaux du lotissement constituent des réseaux primaires ; que des places publiques de stationnement et un éclairage public ont été prévus ; que des travaux de cette nature et de cette importance n'auraient pas été réalisés par le lotisseur pour des travaux communs aux seuls colotis ; qu'avant le projet de lotissement, le tènement était déjà desservi par les réseaux ; que des équipements propres auraient, par suite, été suffisants ; qu'il en va de même pour l'article L. 318-4 du code de l'urbanisme également invoqué par la commune pour les cessions ; qu'au demeurant cet article concerne la seule remise d'équipements propres aux communes et ne constitue pas un mécanisme de financement et de remise d'équipements publics ; qu'enfin, l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, qui reçoit application individuellement et ponctuellement et laisse à l'administration une certaine marge de manoeuvre, n'a pas la même portée qu'une délibération prise en application de l'article L. 332-9 du même code pour instituer un PAE ; que la substitution de base légale n'est donc pas possible en droit ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 4 mai 2010, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 mai 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mai 2010, présenté pour la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE tendant aux mêmes fins que précédemment et, en outre :

- à titre subsidiaire, à la limitation du montant de la restitution à la somme de 19 640 euros ;

- à titre infiniment subsidiaire, à la désignation d'un expert pour déterminer, si et dans quelle mesure, le programme des travaux qui a été réalisé dans le cadre de l'autorisation de lotir s'applique à un équipement propre du lotissement, au sens de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme ;

La commune soutient, en outre, que :

- les équipements qui ont été réalisés constituent bien des équipements propres, les réseaux réalisés étant nécessaires à l'obtention du permis de lotir et à la viabilisation des lots projetés ; que les travaux ont eu pour seul objet d'assurer la constructibilité de la parcelle ;

- le lotisseur n'est pas en droit d'exiger le remboursement de la valeur de cession du terrain, dès lors qu'elle était susceptible d'en obtenir le transfert d'office dans les conditions prévues à l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ; qu'en outre, le 4ème alinéa de l'article

L. 332-15 du code de l'urbanisme dispose qu' En cas de classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics, les travaux exigés au titre des équipements propres n'ouvrent pas droit à l'action en répétition prévue à l'article L. 332-6 ;

- la substitution de base légale demandée n'aurait pas pour effet de priver les défendeurs de garanties de procédure offertes par la loi ; que le pouvoir d'appréciation de l'administration est le même sur le fondement des deux textes en cause ;

- à titre subsidiaire, ne sont susceptibles de donner lieu à répétition de l'intégralité de leur coût que les équipements qui n'auraient pas été nécessaires au lotissement, si l'autorité qui a délivré l'autorisation s'était bornée à prescrire ou à accepter les travaux strictement limités à la viabilité de l'opération ; qu'ainsi, dans l'hypothèse où le programme des travaux annexé à l'autorisation comporte des équipements destinés à la fois à la viabilité de l'opération et à la desserte du secteur, il y a lieu de rechercher dans quelle proportion ces travaux excédent les besoins propres de l'opération et de limiter la répétition au coût des prestations excédentaires ; qu'en s'abstenant de procéder à cette recherche, le Tribunal a commis une erreur de droit ; qu'en l'espèce, à tout le moins, la configuration et la localisation des lots auraient nécessité la réalisation d'une voirie interne équivalente aux voies qui ont été réalisées ; que le surcoût n'excède pas 20 % du coût de réalisation de la voirie, soit 19 640 euros ; que le reste des dépenses de viabilisation, seulement nécessaires au lotissement, doit rester à la charge du lotisseur ; qu'à défaut, la Cour ordonnera une expertise avant dire droit ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 14 juin 2010, la clôture de l'instruction a été reportée au 30 juin 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 juin 2010, présenté pour les consorts A, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Les consorts A soutiennent, en outre, que :

- rien ne permet d'affirmer qu'en l'absence de PAE, les équipements prescrits auraient été les mêmes ; que l'opération aurait été conçue différemment dans l'hypothèse d'équipements propres ; que la commune ne disposait donc pas du même pouvoir d'appréciation ; que la caducité du PAE leur ouvre des droits, dès lors qu'ils ont intégralement réalisé les équipements mis à leur charge au vu de l'engagement de la commune d'achever le reste des équipements prévus dans la zone, qu'elle n'a pas respecté ;

- la commune ne saurait sérieusement soutenir que les équipements publics programmés au titre du PAE seraient en réalité des équipements propres du lotissement ; que, si des équipements étaient effectivement nécessaires pour ouvrir la zone à l'urbanisation, cela ne signifie pas que ceux-ci étaient uniquement destinés à satisfaire les besoins des colotis ; que la commune ne saurait se prévaloir du caractère interne des équipements ; que les éléments du PAE montrent que tous les équipements ont été conçus dans le cadre d'un aménagement cohérent de l'ensemble du secteur ; que les réseaux qui ont été installés profitent aux autres opérations réalisées à proximité ; qu'en outre, des équipements extérieurs à la zone ont été programmés et réalisés ; que la commune ne peut se prévaloir de la possibilité de rétrocession prévue par l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, qui ne vaut que pour les équipements propres ; que, si les voies étaient restées privées, les colotis auraient pu les fermer à la circulation publique, ce qui aurait fait échec aux dispositions de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme ;

- l'expertise sollicité est inutile ; qu'en effet, dans l'hypothèse d'un équipement public, la collectivité concernée doit rembourser la totalité du coût de l'équipement ; qu'en cas d'illégalité d'un PAE, une commune ne saurait obtenir au contentieux ce qu'elle aurait obtenu si le PAE avait été légal ; que seule une restitution globale est concevable ; que les articles

L. 332-30 et L. 332-11 ne procèdent à aucune distinction ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 13 juillet 2010, la clôture de l'instruction a été reportée au 8 septembre 2010 ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 septembre 2010, présenté pour la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Par un courrier du 26 janvier 2011, les parties ont été informées du fait que la Cour envisage de soulever d'office le moyen tiré de l'inapplicabilité en l'espèce de l'article

L. 332-30 du code de l'urbanisme, qui prévoit un taux d'intérêts majoré ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2011 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Bornard, avocat de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, et celles de Me Petit, avocat des consorts A ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- et la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Considérant que, par un arrêté du 9 février 2001, le maire de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE a délivré aux consorts A une autorisation de lotir ; que cette autorisation a prévu une participation au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble, à verser sous forme d'exécution de travaux et d'apport d'un terrain, pour un montant total de 3 378 408 francs, soit 515 035 euros ; que, par un jugement du 19 mars 2009, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé les consorts A de cette participation ; que la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité de la participation :

Considérant qu'aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme : Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés dans l'intérêt principal des usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. / Le conseil municipal détermine le secteur d'aménagement, la nature, le coût et le délai prévus pour la réalisation du programme d'équipements publics. Il fixe, en outre, la part des dépenses de réalisation de ce programme qui est à la charge des constructeurs, ainsi que les critères de répartition de celle-ci entre les différentes catégories de constructions. Sa délibération fait l'objet d'un affichage en mairie. Une copie de cette délibération est jointe à toute délivrance de certificat d'urbanisme (...) ; qu'aux termes de l'article R. 332-25 du même code : La délibération du conseil municipal ou de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent approuvant, en application de l'article L. 332-9, un programme d'aménagement d'ensemble dans un ou plusieurs secteurs qu'elle délimite, accompagnée du document graphique faisant apparaître le ou les périmètres concernés, est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est en outre insérée dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le département. / La délibération prend effet à compter de l'accomplissement de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées à l'alinéa précédent (...) ;

Considérant, en premier lieu, que les dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme impliquent que soient déterminés avec une précision suffisante tant le coût et les conditions de réalisation du programme d'équipement public que la part de ce coût destinée à être supportée par les constructeurs et, sauf dans l'hypothèse où l'urbanisation ne serait effectuée que par un seul constructeur, les critères permettant de déterminer le montant de la participation exigée de chacun d'eux ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la délibération du 9 novembre 1993, par laquelle le conseil municipal de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHONE a approuvé le programme d'aménagement d'ensemble du secteur Le lot-Soulins , indique le coût total de ce programme, de 9 213 270 francs hors taxes, et précise que 95 % de cette somme sera mise à la charge des bénéficiaires d'autorisation de construire, au prorata de la superficie hors oeuvre nette des constructions (SHON), elle ne mentionne ni la SHON totale susceptible d'être réalisée sur le secteur concerné, ni un montant de participation à la charge des constructeurs par mètre carré de SHON ; que, si la commune se prévaut du fait que la délibération du 9 novembre 1993 vise l'étude d'aménagement du 1er février 1993 réalisée par la direction départementale de l'équipement (DDE) de l'Isère, qui mentionne la SHON totale susceptible d'être réalisée, évaluée à 9 100 m², et le coût par mètre carré de SHON, de 960 francs, ladite délibération n'indique pas s'approprier le contenu de cette étude et n'en reprend pas les termes précités ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué, que l'étude du 1er février 1993 aurait été annexée à la délibération et aurait fait l'objet, comme cette dernière, des mesures de publicité prévues par les dispositions précitées de l'article R. 332-25 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que la délibération du 9 novembre 1993 mentionne une délibération antérieure, du 26 mai 1993, qui elle-même s'approprierait le contenu des études réalisées par la DDE, est, de même, sans incidence particulière ; que la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHONE ne peut utilement invoquer les circonstances que les conseillers municipaux auraient été suffisamment informés des critères de répartition de la participation avant de délibérer et que les propriétaires intéressés, et notamment les consorts A, auraient également été informés de ces critères et auraient eu connaissance du montant de la participation avant la délivrance des autorisations imposant une telle charge au titre du programme d'aménagement d'ensemble ; qu'il s'ensuit que le conseil municipal de cette commune n'a pas fixé avec une précision suffisante, comme il lui appartenait de le faire, les critères permettant de répartir la participation globale entre les différents constructeurs appelés à en supporter les effets ; que, dès lors, la délibération du 9 novembre 1993, qui méconnaît les dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, ne peut servir de fondement légal à la participation qui a été assignée aux consorts A ;

Considérant, en deuxième lieu, que la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE invoque une substitution de base légale, en faisant valoir que la participation peut être fondée sur l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, aux termes duquel : L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. / Les obligations imposées par l'alinéa ci-dessus s'étendent au branchement des équipements propres à l'opération sur les équipements publics qui existent au droit du terrain sur lequel ils sont implantés et notamment aux opérations réalisées à cet effet en empruntant des voies privées ou en usant de servitudes (...) ;

Considérant qu'en invoquant ces dispositions, qui permettent à l'administration d'imposer au pétitionnaire la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de son projet, alors que la participation litigieuse a été imposée aux consorts A au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble, en application de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, lequel permet à l'administration de faire supporter aux constructeurs tout ou partie des dépenses d'équipements publics, sans que ces équipements soient uniquement liés à une opération de construction isolée, la commune requérante invoque, en réalité, une substitution de motif, et non simplement une substitution de base légale ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision et aurait imposé aux consorts A les mêmes obligations, excédant celles qui peuvent normalement être imposées en application des dispositions précitées de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, si elle s'était initialement placée dans le cadre de l'application de cet article ;

Considérant, en troisième lieu, que la participation litigieuse, imposée au titre d'un programme d'aménagement d'ensemble, ne pouvant, pour les raisons précitées, être regardée comme étant relative à des équipements propres au lotissement autorisé, par suite, contrairement à ce que soutient également la commune requérante, il n'y a pas lieu de rechercher dans quelle proportion les équipements prévus par le programme des travaux qui a été annexé à l'autorisation de lotir du 9 février 2001 excèdent les besoins propres du lotissement, pour limiter la répétition au coût des prestations excédentaires ;

Considérant, en quatrième lieu, que, pour soutenir qu'aucune restitution n'est possible, la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE ne peut utilement invoquer les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 332-15 du code de l'urbanisme, selon lesquelles : En cas de classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics, les travaux exigés au titre des équipements propres n'ouvrent pas droit à l'action en répétition , dès lors que les travaux réalisés par les consorts A ne constituent pas des équipements propres qui ont fait l'objet d'un classement ultérieur dans la voirie et les réseaux publics, mais ont été cédés au titre d'une participation en nature dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble ;

Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes des dispositions alors applicables

du 1er alinéa de l'article L. 318-3 du code de l'urbanisme : La propriété des voies privées ouvertes à la circulation publique dans des ensembles d'habitations peut, après enquête publique, être transférée d'office sans indemnité dans le domaine public de la commune sur le territoire de laquelle ces voies sont situées (...) ; que la circonstance qu'en application de ces dispositions, la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE aurait pu, le cas échéant, dans l'hypothèse dans laquelle aucun programme d'aménagement d'ensemble n'aurait été institué, obtenir un transfert d'office dans son patrimoine de la voirie du lotissement des consorts A est sans incidence sur le montant de la restitution due par la commune en raison de l'illégalité de la participation litigieuse ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise demandée, la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a déchargé les consorts A de la participation qui a été mise à leur charge par l'autorisation de lotir du 9 février 2001 ;

Sur les intérêts :

Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que la somme à restituer aux consorts A portera intérêt au taux légal augmenté de cinq points, conformément à ce que prévoit l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ;

Considérant qu'aux termes de cet article : Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. / (...) Les sommes à rembourser (...) portent intérêt au taux légal majoré de cinq points ;

Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que les actions en répétition donnant lieu au versement d'intérêts au taux légal majoré de cinq points sont celles qui tendent à la restitution ou au remboursement de sommes versées ou de dépenses supportées à raison de taxes ou de contributions autres que celles dont l'article L. 332-6 du même code dispose qu'elles peuvent, seules, être légalement exigées des bénéficiaires d'autorisation de construire ; que les sommes à restituer en l'espèce correspondent à une participation prévue à l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, dont l'exigibilité auprès des bénéficiaires d'autorisations de construire est prévue par les articles L. 332-6 et L. 332-12 du même code ; qu'ainsi, ces sommes ne peuvent être regardées comme sans cause au sens des dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ; que, dès lors, c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a jugé que le taux d'intérêt appliqué à la somme à restituer par la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE doit être majoré de cinq points ; qu'il y a lieu d'annuler, dans cette mesure, le jugement attaqué ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les consorts A, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette commune le versement d'une somme de 150 euros au bénéfice de chacun des consorts A sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 19 mars 2009 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il prévoit l'application d'un taux d'intérêt majoré de cinq points à la somme à restituer aux consorts A.

Article 2 : La COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE versera à chacun des consorts A une somme de 150 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE CHASSE-SUR-RHÔNE, à M. Serge A, à Mme Andrée B épouse A, à M. Jean-Pierre A, à M. Robert A, à M. Georges A, à Mme Isabelle C épouse A, à Mme Colette A, et à Mme Jacqueline D épouse A.

Délibéré après l'audience du 15 février 2011, à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Chenevey et Mme Chevalier-Aubert, premiers conseillers

Lu en audience publique, le 1er mars 2011.

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N° 09LY01125

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01125
Date de la décision : 01/03/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public - Participation dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble.

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Nature de la décision - Octroi du permis - Permis assorti de réserves ou de conditions - Objet des réserves ou conditions - Participations financières imposées aux constructeurs.


Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : BERTRAND PEYROT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-03-01;09ly01125 ?
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