LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 29 janvier 2009), que, le 17 avril 1999, les époux X... et la société Maisons Anaïs ont conclu un contrat de construction de maison individuelle ; que l'attestation d'assurances dommages-ouvrage, à effet du 1er septembre 1998, a été délivrée par la société Axa le 24 mars 2000 ; que, le 19 novembre 1999, la société Maisons Anaïs, ayant achevé les fondations de la maison, a adressé aux époux X... trois factures d'un montant total de 112 775 francs qu'ils ont réglées, le 27 novembre 1999, à hauteur de 103 275 francs au moyen de fonds provenant d'un prêt consenti par la Caisse d'épargne de Bretagne ; que, le 9 décembre 1999, la société AIOI motor and general insurance (société AIOI) a délivré une garantie de livraison à prix et délais convenus ; que la société Maisons Anaïs a été mise en liquidation judiciaire le 1er août 2000 ; que la société AIOI a fait achever l'ouvrage en payant la somme de 21 537,56 euros au titre du dépassement du prix convenu ; que la société AIOI a assigné la Caisse d'épargne de Bretagne en paiement de cette somme à titre de dommages-intérêts ;
Sur le second moyen :
Attendu que la société AIOI fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande alors, selon le moyen, que constitue une cause du dommage engageant la responsabilité de son auteur tout fait qui a été une condition nécessaire de la réalisation du dommage, c'est-à-dire sans laquelle celui-ci ne se serait pas produit ; qu'en l'espèce, si la banque n'avait pas débloqué les fonds avant d'avoir eu communication de l'attestation de garantie de livraison, le contrat de construction aurait été résilié, de sorte qu'il n'y aurait pas eu de défaillance du constructeur et donc pas de mise en jeu de la garantie de livraison ; qu'en considérant que la faute commise par le banquier n'avait pas eu de rôle causal dans le préjudice dont réparation était demandée, la cour d'appel a violé les articles 1382 et suivants du code civil ;
Mais attendu qu'ayant constaté qu'à la date du déblocage des fonds les travaux étaient déjà commencés et qu'il ne ressortait d'aucune des pièces versées aux débats que les maîtres de l'ouvrage auraient eu l'intention de se prévaloir de la caducité du contrat, ou de sa nullité, ni qu'ils auraient souhaité en poursuivre la résiliation, la cour d'appel a pu en déduire que la faute de la caisse d'épargne consistant à avoir débloqué les fonds avant d'avoir été en possession de l'attestation de garantie de livraison était sans influence sur l'obligation où la société AIOI s'était trouvée de mettre en jeu sa garantie, laquelle trouvait ses causes dans le contrat qu'elle avait signé et dans la liquidation judiciaire de la société Maisons Anaïs ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur le premier moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aioi motor et general insurance company of Europe Ltd aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Aioi motor et general insurance company of Europe Ltd à payer à la société Caisse d'épargne et de prévoyance Bretagne Pays de la Loire la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Aioi motor et general insurance company of Europe Ltd ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour la société Aioi motor et general insurance company of Europe Ltd.
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Aioi Motor et General Insurance Company of Europe Ltd de sa demande tendant à voir la Caisse d'Epargne Bretagne Pays de la Loire condamnée à lui payer la somme de 21.537,56 euros en principal avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS qu'au fond, l'article L231-10 du code de la construction et de l'habitation impose au prêteur de deniers de n'émettre une offre de prêt qu'après avoir vérifié que le contrat comporte les énonciations mentionnées à l'article L 231-2 du même code, au nombre desquelles figure la référence de l'assurance dommage ouvrages souscrite par le maître de l'ouvrage et de ne débloquer les fonds qu'après avoir eu communication de l'attestation de garantie de livraison ; qu'en l'espèce, la caisse d'épargne a débloqué les fonds qui ont servi aux maîtres de l'ouvrage à payer le constructeur le 26 novembre 1999, alors que la référence du contrat d'assurance dommage ouvrages ne figurait pas au contrat de construction et alors que la société Aioi n'avait pas encore délivré au constructeur sa garantie de livraison ; qu'elle a donc manqué à l'obligation de contrôle de la régularité du contrat et de l'existence de la garantie qui résultent de la disposition susdite ; que le déblocage anticipé des fonds n'a cependant pas eu les conséquences qu'invoque la société Aioi, et est sans influence sur l'obligation où elle s'est trouvée de mettre en oeuvre sa garantie ;
ALORS QUE dans ses conclusions d'appel, l'exposante faisait valoir que la banque avait commis deux fautes distinctes : une première faute, en émettant l'offre de prêt sans avoir vérifié que le contrat de construction comportait la référence de l'assurance de dommages souscrite par le maître de l'ouvrage et la justification de la garantie de livraison apportée par le constructeur, une seconde faute, en débloquant les fonds alors qu'elle n'avait pas communication de l'attestation de garantie de livraison ; qu'en se bornant à statuer sur la seconde faute, sans examiner la première qui était pourtant déterminante, puisque si la banque avait vérifié que le contrat de construction comportait la référence de l'assurance de dommages souscrite et la justification de la garantie de livraison au moment de l'émission de l'offre de prêt, elle n'aurait pas émis d'offre de prêt et le contrat de construction aurait été caduc, de sorte qu'il n'y aurait pas eu de défaillance du constructeur, et donc pas de mise en jeu de la garantie de livraison, la cour d'appel a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Aioi Motor et General Insurance Company of Europe Ltd de sa demande tendant à voir la Caisse d'Epargne Bretagne Pays de la Loire condamnée à lui payer la somme de 21.537,56 euros en principal avec intérêts de droit à compter de l'assignation ;
AUX MOTIFS QUE le déblocage anticipé des fonds réalisé par la caisse d'épargne entre les mains des maîtres de l'ouvrage n'a pas eu les conséquences qu'invoque la société Aioi ; qu'en effet, à la date de ce déblocage, les travaux étaient déjà commencés, ainsi qu'il ressort tant de la date de la Droc qui fixe le début des travaux au 13 octobre 1999 que des factures émises par le constructeur, dont il résulte que le 19 novembre 1999 les fondations de la maison étaient achevées ; que par ailleurs, la société Aioi ne démontre pas qu'un déblocage plus tardif des fonds aurait eu pour conséquence que le contrat de construction n'aurait pas produit son effet, alors qu'il ne ressort d'aucune des pièces versées aux débats que les maîtres de l'ouvrage, qui avaient la satisfaction d'en voir l'exécution commencée, auraient eu l'intention de se prévaloir de la caducité du contrat, ou de sa nullité, ni qu'ils auraient souhaité en poursuivre la résiliation ; que dès lors, si la Caisse d'épargne avait attendu d'être en possession du justificatif de la garantie de livraison et des références de l'assurance dommage-ouvrages, elle n'aurait certes débloqué les fonds qu'à la fin du mois de mars 2000, puisque l'attestation de l'assurance dommage-ouvrages n'a été délivrée que le 24 mars, mais cela aurait été sans conséquence sur l'engagement des travaux, qui étaient en cours depuis le mois d'octobre précédent ; qu'en outre, cela n'aurait pas diminué le montant total des paiements réalisés par les maîtres de l'ouvrage, dont il n'est pas prétendu qu'ils rémunéraient autre chose que des travaux effectivement réalisés et effectivement utiles, ceci d'autant moins qu'il ressort d'une lettre du 13 avril 2000 que c'est la société Aioi elle-même qui a demandé aux maîtres de l'ouvrage de régler à la société Maison Anaïs les sommes qu'ils lui devaient, après qu'elle avait pris soin de faire réaliser un audit sur la capacité de l'entreprise à remplir ses engagements ; qu'enfin, à supposer même que le report du déblocage des fonds à la fin du mois de mars 200 ait pu avoir pour conséquence, non pas le comme le prétend la société Aioi de différer le commencement des travaux qui étaient en cours depuis 6 mois, mais d'en interrompre l'exécution, il n'est pas prouvé que cela aurait eu pour effet de supprimer ou de réduire le dépassement du prix, puisque au contraire le dossier enseigne que les travaux réalisés par les entreprises auxquelles la société Aioi s'est adressée pour achever le chantier ont été plus onéreux que ce qui était prévu au contrat de construction, en sorte que le fait que les travaux aient été déjà bien avancés à la date de la liquidation judiciaire du constructeur s'est révélé avantageux pour le garant ; que de ceci, il se déduit que la faute de la caisse d'épargne qui consiste à avoir débloqué les fonds avant d'avoir été en possession de l'attestation de garantie de livraison et des références de l'assurance dommage ouvrages, est sans influence sur l'obligation où la société Aioi s'est trouvée de mettre en oeuvre sa garantie, laquelle trouve ses causes exclusives dans le contrat qu'elle a signé et dans la liquidation judiciaire de la société Maisons Anaïs, à laquelle la caisse d'épargne est étrangère et qu'elle n'avait pas plus que les maîtres de l'ouvrage ou de la société Aioi, de raison de suspecter ;
ALORS QUE constitue une cause du dommage engageant la responsabilité de son auteur tout fait qui a été une condition nécessaire de la réalisation du dommage, c'est-à-dire sans laquelle celui-ci ne se serait pas produit ; qu'en l'espèce, si la banque n'avait pas débloqué les fonds avant d'avoir eu communication de l'attestation de garantie de livraison, le contrat de construction aurait été résilié, de sorte qu'il n'y aurait pas eu de défaillance du constructeur et donc pas de mise en jeu de la garantie de livraison; qu'en considérant que la faute commise par le banquier n'avait pas eu de rôle causal dans le préjudice dont réparation était demandée, la cour d'appel a violé les articles 1382 et suivants du code civil.