LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 janvier 2009), que la société de droit néerlandais Organon Biosciences, qui avait pour filiales les sociétés de droit français Organon et Diosynth, formant une unité économique et sociale dotée d'un comité central d'entreprise, a fait l'objet en mars 2007 d'une offre publique d'achat de la part de la société Schering Plough qui, le 23 août, a notifié à la direction générale de la concurrence de la commission de l'union européenne le projet de concentration des activités qu'elle exerçait au sein de son propre groupe avec l'ensemble dont elle entendait prendre le contrôle ; que le 18 septembre, se fondant sur les dispositions de l'article L. 2323-20 du code du travail, le comité central d'entreprise de l'unité économique et sociale a décidé de recourir à l'assistance d'un expert-comptable en vue de l'examen de ce projet ; que les sociétés Organon, Diosynth et Shering-Plough ont demandé au juge des référés d'annuler cette décision ;
Attendu que les sociétés font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande, alors, selon le moyen :
1°/ que les parties à une opération de concentration au sens de l'article L. 2323-20 du code du travail sont les parties à l'acte, celle ou celles qui acquièrent et qui sont directement acquises ; qu'en décidant que les sociétés Organon SA et Diosynth SA, sous-filiales de la société Organon Biosciences NV, objet de l'offre de rachat, étaient des parties à l'opération de concentration, pour en déduire le bien fondé de la réunion du comité central d'entreprise de l'UES constituée par les deux sous- filiales et refuser d'annuler la délibération du 18 septembre 2007, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-20 du code du travail et l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 du 20 janvier 2004 ;
2°/ que la définition des parties à la concentration résultant du paragraphe 1.6 de l'annexe 1 du règlement CE n° 802/2004 du 7 avril 2004 relatif à la mise en oeuvre du règlement CE n° 139/2004 concernant le contrôle des opérations de concentrations entre entreprises, a été établie pour les seuls besoins du formulaire relatif à la notification d'une concentration conformément au règlement CE n° 139/2004 ; qu'elle ne permet pas de déterminer quelle société doit bénéficier de la qualification de partie à l'opération de concentration au sens de l'article L. 2323-20 du code du travail ; qu'en se fondant sur la définition de la "partie" résultant du règlement CE n° 802/2004 aux termes duquel l'expression partie notifiante ou partie concernée englobe toutes les entreprises appartenant au même groupe que les parties, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L. 2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
3°/ qu'une société constitutive d'un élément d'actif ne peut être dans le même temps considérée comme une partie à l'opération de concentration ; qu'en qualifiant les filiales à la fois de partie à l'opération de concentration et d'élément d'actif quand ces deux qualifications étaient nécessairement alternatives et exclusives l'une de l'autre, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
4°/ que la circonstance selon laquelle les sociétés Organon SA et Diosynth étaient susceptibles d'être affectées par l'opération de concentration envisagée par la société Schering Plough Corp ne permet pas de considérer qu'il s'agit de parties à l'opération de concentration ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L. 2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
5°/ qu'elles avaient fait valoir que la société Organon Biosciences NV employait des salariés, avait des élus et que les représentants de cette société avaient été consultés; qu'en affirmant qu'il n'était pas contesté que la société Organon Biosciences NV était une holding sans représentation du personnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des dispositions combinées du règlement CE n° 802/2004 du 7 avril 2004, concernant la mise en oeuvre du règlement n° 139/2004 relatif au contrôle des concentrations entre entreprises, et des articles L. 2323-1 et L. 2323-20 du code du travail que, pour l'application de ces textes, sont parties à l'opération de concentration l'ensemble des entités économiques qui sont affectées, directement ou indirectement, par la prise de contrôle ;
Et attendu qu'ayant constaté que l'opération projetée avait pour effet de supprimer l'un des acteurs du marché et avait une incidence sur la situation des salariés des sociétés qui, indirectement, en étaient la cible, la cour d'appel a exactement décidé, sans encourir les griefs du moyen, que ces sociétés étaient parties à l'opération et que le comité central d'entreprise de l'union économique et sociale qu'elles constituent était fondé à recourir à l'assistance d'un expert-comptable chargé d'analyser le projet ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les sociétés Organon, Diosynth et Schering-Plough aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer au comité central d'entreprise de l'UES Organon et Diosynth et Schering-Plough et Diosynth et à la société Syndex la somme globale de 2 500 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six octobre deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils pour les sociétés Organon, Diosynth et Schering-Plough.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les sociétés Organon et Diosynth de leur demande d'annulation de la délibération du comité central d'entreprise de l'UES entre Organon et Diosynth en date du 18 septembre 2007 ;
AUX MOTIFS QUE la société Organon Biosciences NV, société de droit néerlandais, objet de l'offre publique d'achat, avait été créée par la société Akzo Nobel pour regrouper son activité relative à la santé humaine et animale exercée internationalement et, en ce qui concerne le territoire français, par les membres de l'unité économique et sociale formée entre les sociétés Organon SA et Diosynth SA et dotée d'un comité central d'entreprise ; que le comité d'entreprise d'une société partie à une opération de concentration tient des dispositions de l'article L.2323-20 du code du travail, le droit de recevoir une information et pour ce faire, d'être assisté d'un expert ; que la concentration suppose la prise de contrôle direct ou indirect d'une ou plusieurs entreprises par une personne détenant déjà le contrôle d'une entreprise et que les conditions d'application des dispositions de l'article L.2323-20 du code du travail doivent être appréciées au regard des dispositions communautaires ; que l'article 3 du règlement CE n°139/2004 du 20 janvier 2004 et du formulaire annexé au règlement d'application précisent que les parties sont celle qui acquiert et celle ou celles qui sont acquises, ce dont se prévalent les sociétés appelantes pour soutenir que les sociétés composant l'UES, filiales de la société Organon Biosciences ne sont pas directement et inévitablement concernées et que celle-ci, a, en sa qualité de société cible, celle de personne concernée ; que néanmoins il résulte du paragraphe 1.6 de l'annexe 1 du règlement CE n° 802/ 2004 de la commission du 7 avril 2004 que l'expression « parties à la concentration » désigne à la fois les parties qui acquièrent ou qui font l'acquisition, ou les parties qui fusionnent, y compris toutes les entreprises dans lesquelles est acquise une participation de contrôle et que sauf dispositions contraires, l'expression « partie notifiante » ou « partie concernée » englobe toutes les entreprises appartenant au même groupe que les parties ; que les intimés établissent que la société Organon Biosciences NV ne détient pas directement le capital des sociétés Organon SA et Diosynth France SA qui est détenu par des sociétés intermédiaires et qu'elles constituaient avant la création de la société Organon Biosciences NV une simple subdivision de l'entreprise jusqu'alors constituée par les activités du groupe dirigée par la société Akzo Nobel, mais que par ailleurs, l'ensemble des chiffres d'affaires qui participent à l'activité concentrée, réalisés par les deux sociétés contrôlées indirectement par la société Organon Biosciences NV, doit en application du règlement CE 139/2004 être pris en considération pour l'examen de l'opération de concentration ; que l'opération de concentration entre les mains de la société Schering Plough a pour effet de supprimer l'un des compétiteurs dans les marchés sur lesquels jusqu'alors les sociétés Akzo Nobel par l'intermédiaire des sociétés qu'elle contrôlait et Schering Plough étaient concurrentes et en ce qui concerne les sociétés Organon SA et Diosynth France, les faire passer sous le contrôle de la société Schering Plough ; que dans ce contexte, au regard de la jurisprudence de la cour européenne de justice et notamment de l'arrêt rendu par la quatrième chambre le 12 juillet 1984 dans le cadre d'une demande de décision préjudicielle émanant du Bundesgerichtshof (Allemagne), la notion d'entreprise désigne une unité économique transcendant les divisions ou subdivisions juridiques ; qu'il ne peut être dénié que l'opération a ou aura de façon prévisible des conséquences en matière d'organisation, d'emploi ou de politique commerciale ou de rémunération influant sur la condition des salariés des sociétés Organon SA et Diosynth France SA qui doivent être retenues comme « partie concernée » par l'opération de concentration autorisée par la commissions de l'Union Européenne le 11 octobre 2007 ; que l'information consultation du comité central d'entreprise de la société Organon Biosciences NV saisie sur le projet de transfert de contrôle de la société Organon Biosciences BV et de ses filiales, n'est pas de même nature que l'information qui doit être donnée en application de l'article L.2323-20 du code du travail, intervenant après la conclusion de l'opération sur ses caractéristiques et ses conséquences et qu'elle ne peut s'y substituer ;
ET, à les supposer adoptés, AUX MOTIFS QUE … la réunion spéciale du comité d'entreprise en application de l'article L.432-1 bis du code du travail n'est pas une réunion de consultation préalable sur le projet de concentration, mais une réunion d'information a postériori, permettant à cette instance représentative du personnel d'avoir un éclairage, au besoin au moyen d'une expertise, sur les activités, la surface économique et financière et les orientations stratégiques en matière financière, économique et sociale de la société qui a effectué l'offre de rachat, sur les caractéristiques de l'opération de concentration, sur la teneur de la réponse des autorités de la concurrence compétentes, et surtout sur l'impact de cette concentration sur les nouvelles politiques de management de l'entreprise dans les domaines économique, financier et social et les restructurations éventuelles, afin de porter l'ensemble de ses éléments à la connaissance des salariés concernés par cette opération de concentration ; … ; qu'au regard des dispositions de la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations économiques et au sens des règlements communautaires, relatifs au contrôle des concentrations entre entreprises et du formulaire annexé au règlement d'application, dans le cadre de l'acquisition du contrôle exclusif d'une société, les « parties à l'opération de concentration » sont la partie qui acquiert et la partie acquise ou cible ; que toutefois, il est précisé par la Commission Européenne dans ce formulaire relatif à la notification de la concentration, d'une part, que « sauf dispositions contraires, les expressions partie(s) notifiante(s) et partie(s) à la concentration englobent toutes les entreprises appartenant au même groupe que les parties », d'autre part que la liste de toutes les entreprises faisant partie du même groupe, opérant sur un marché affecté et contrôlées directement ou indirectement par les « parties », doit être fournie, et enfin que le chiffre d'affaires des entreprises concernées par l'opération de concentration est celui résultant de l'ensemble économique du groupe de sociétés dirigé par les « parties » ; qu'ainsi, au regard des dispositions légales, tant internes qu'européennes, régissant le contrôle des concentrations d'entreprises par les autorités régulatrices de la concurrence, dans le cadre d'un groupe de sociétés contribuant à une même activité économique, la notion d'entreprise s'entend nécessairement de l'entité économique soumise à une direction unique et constituant, comme tel, un unique compétiteur sur le marché où elle opère, quand bien même elle est organisée en entités juridiques distinctes ; que dans ces conditions le vocable « entreprise partie à la concentration » ne se réduit pas, comme le prétendent les demanderesses, aux seules parties qui ont procédé à la notification ou qui interviennent à « l'opération », mais inclut nécessairement les sociétés contrôlées directement ou indirectement par les parties actrices de l'opération de concentration et qui contribuent à l'entité économique objet de la concentration ; que par suite, sauf à priver d'effet utile l'article L.432-1 bis du code du travail, il ne paraît pas contraire à la volonté du législateur de considérer que dans le cas où la société cible d'une opération de concentration, au surplus de dimension communautaire, est une société holding, purement financière et sans aucune représentation du personnel, le comité d'entreprise des sociétés filiales qui contribuent à l'activité économique du groupe dirigé par cette holding, doit être informé sur les tenants et aboutissants de la concentration ; qu'il n'est pas contesté que la société de droit néerlandais Organon Biosciences NV, qui contrôle directement ou indirectement les sociétés françaises Organon SA et Diosynth SA, est une holding créée récemment par la société Akzo Nobel pour l'introduction en bourse de l'ensemble formé par sa branche d'activité de santé humaine et de santé animale, sans aucune représentation du personnel ; que l'offre de rachat de la société Organon Biosciences NV par la société Schering Plough a pour objet et pour effet de transférer l'entreprise de santé humaine et de santé animale dirigée par la société Akzo Nobel vers le groupe concurrent dirigé par la société Schering Plough et partant, de faire passer les sociétés Organon SA et Diosynth sous la dépendance économique, financière et sociale de ce groupe américain ; qu'il est d'évidence que cette opération de concentration économique aura un impact sur l'organisation, la gestion et la marche générale des deux sociétés filiales françaises de la société Organon Biosciences NV, ainsi que cela résulte des communications faites aux salariés par la direction annonçant l'inclusion prochaine des unités françaises et de leur personnel au sein d'une nouvelle organisation unifiée sous l'égide de la société Schering Plough ; que dans ces conditions, c'est à juste titre que le secrétaire du comité central d'entreprise de l'UES Organon Diosynth a sollicité une réunion en application des dispositions de l'article L.432-1 bis du code du travail ;
1/ ALORS QUE les parties à une opération de concentration au sens de l'article L.2323-20 du code du travail sont les parties à l'acte, celle ou celles qui acquièrent et qui sont directement acquises ; qu'en décidant que les sociétés Organon SA et Diosynth SA, sous-filiales de la société Organon Biosciences NV, objet de l'offre de rachat, étaient des parties à l'opération de concentration, pour en déduire le bien fondé de la réunion du comité central d'entreprise de l'UES constituée par les deux sous-filiales et refuser d'annuler la délibération du 18 septembre 2007, la cour d'appel a violé l'article L.2323-20 du code du travail et l'article 3 du règlement CE n°139/2004 du 20 janvier 2004 ;
2/ ALORS QUE subsidiairement, la définition des parties à la concentration résultant du paragraphe 1.6 de l'annexe 1 du règlement CE n° 802/2004 du 7 avril 2004 relatif à la mise en oeuvre du règlement CE n° 139/2004 concernant le contrôle des opérations de concentrations entre entreprises, a été établie pour les seuls besoins du formulaire relatif à la notification d'une concentration conformément au règlement CE n° 139/2004 ; qu'elle ne permet pas de déterminer qu elle société doit bénéficier de la qualification de partie à l'opération de concentration au sens de l'article L.2323-20 du code du travail ; qu'en se fondant sur la définition de la « partie » résultant du règlement CE n°802/2004 aux termes duquel l'expression partie notifiante ou partie concernée englobe toutes les entreprises appartenant au même groupe que les parties, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L.2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
3/ ALORS QU'une société constitutive d'un élément d'actif ne peut être dans le même temps considérée comme une partie à l'opération de concentration ; qu'en qualifiant les exposantes à la fois de partie à l'opération de concentration et d'élément d'actif quand ces deux qualifications étaient nécessairement alternatives et exclusives l'une de l'autre, la cour d'appel a violé l'article L.2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
4/ ALORS QUE subsidiairement, la circonstance selon laquelle les sociétés Organon SA et Diosynth étaient susceptibles d'être affectées par l'opération de concentration envisagée par la société Schering Plough Corp ne permet pas de considérer qu'il s'agit de parties à l'opération de concentration ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et violé l'article L.2323-20 du code du travail, ensemble l'article 3 du règlement CE n° 139/2004 ;
5/ ALORS QUE les exposantes avaient fait valoir que la société Organon Biosciences NV employait des salariés, avait des élus et que les représentants de cette société avaient été consultés (conclusions d'appel, page 18) ; qu'en affirmant qu'il n'était pas contesté que la société Organon Biosciences NV était une holding sans représentation du personnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile.