LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa troisième branche :
Vu l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble l'article L. 471-1 du code de la sécurité sociale ;
Attendu qu'il appartient aux juridictions du contentieux général de la sécurité sociale d'apprécier l'adéquation d'une sanction à caractère punitif prononcée par un organisme de sécurité sociale à la gravité de l'infraction commise ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Sogara France (la société) a procédé, le 7 juin 2006, auprès de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde (la caisse), à la déclaration d'un accident du travail survenu le 2 juin précédent ; qu'estimant la déclaration tardive, celle-ci a réclamé à la société, en application de l'article L. 471-1 du code de la sécurité sociale, le remboursement des dépenses afférentes à l'accident; que la société a saisi d'un recours une juridiction de la sécurité sociale ;
Attendu que, pour rejeter la demande de la société, l'arrêt retient que la caisse a justifié par un tableau détaillé et précis des prestations allouées et par un autre des décomptes correspondant à ces prestations, des dépenses engagées par l'accident du travail, et que la société n'oppose aucune critique valable à ces productions ;
Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 janvier 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Condamne la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde, la condamne à payer à la société Sogara la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille dix.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils pour la société Sogara France.
Le pourvoi fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement qui lui était déféré ayant rejeté la demande de la société SOGARA d'annuler la sanction prononcée à son encontre par la CPAM de la GIRONDE et d'avoir condamné la société SOGARA à rembourser à la CPAM de la GIRONDE la somme de 2.111,59 euros ;
AUX MOTIFS QUE « Sur la régularité de la sanction : par lettre du 14 juin 2006, la caisse a adressé à la société une lettre par laquelle elle lui indiquait qu'elle avait reçu, le 9 juin 2006, la déclaration d'accident de M. X... et elle lui rappelait son obligation, résultant de l'article L. 441-2 et R.441-3 du code de la sécurité sociale, de lui déclarer tout accident dont elle a eu connaissance dans les quarante huit heures à compter de la date à laquelle elle en a été informée, qu'en l'espèce, elle n'avait pas respecté les délais réglementaires et elle lui demandait de lui indiquer les motifs de ce retard. Dans la réponse qu'elle lui a faite le 29 juillet 2006, la société a expliqué le motif de ce retard et lui a demandé « de bien vouloir revoir ce dossier » ; qu'ainsi que l'a relevé le tribunal, il résulte de ces constatations que la société, par la lettre du 14 juin 2006, a été informée de l'intention de la caisse de tirer les conséquences de son retard et elle a compris que cette demande d'explications procédait d'une éventuelle sanction infligée en application de l'article L. 471-1 du code de la sécurité sociale, puisqu'elle lui a demandé de bien vouloir revoir ce dossier. Ainsi, elle a été mise à même de présenter ses observations écrites avant que la décision soit prise, de même qu'elle a eu la possibilité de se faire assister d'un conseil ; que de la sorte, il y a eu respect des droits de la défense et du principe du contradictoire et les dispositions de l'article 24 de la loi n° 200-321 du 12 avril 2000, applicables en application de son article 1er, ont été respectées » ;
AUX MOTIFS DES PREMIERS JUGES, A LES SUPPOSES ADOPTES, QUE « la Société SOGARA reproche à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE d'avoir violé le principe des droits de la défense en omettant de lui faire savoir qu'elle envisageait de la sanctionner avant de prononcer une sanction ; que cet argument ne saurait être retenu car la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE a demandé à la Société SOGARA ses explications concernant l'absence de respect du délai de déclaration des accidents du travail imposé à l'employeur ; que la société SOGARA-CARREFOUR, qui dispose d'un service juridique étoffé et qui par le passé a obtenu une dispense de sanction, a nécessairement compris que la demande d'explications en date du 14 Juin 2006 précédait une éventuelle sanction infligée en application de l'article L 471-1 du Code de la Sécurité Sociale d'autant que la lettre mentionne en objet « réception tardive d'une déclaration d'accident du travail » et que la réponse de la Société SOGARA en date du 29 Juillet 2006 indique, après avoir exposé le motif du retard dans la déclaration d'accident du travail en cause : « Nous vous demandons donc de bien vouloir revoir ce dossier et de nous tenir informés » ; qu'il y a eu respect tant des droits de la défense que du principe du contradictoire en l'espèce et il ne peut être invoqué, du fait des explications sollicitées auprès de l'employeur, une absence de procès équitable ; que le second motif invoqué de nullité est l'absence de décision formelle de sanction par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE préalablement à la saisine de la Commission de Recours Amiable ; que la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE a reconnu à l'audience qu'elle n'avait pas matérialisé la sanction et avait considéré que la lettre de la Société SOGARA établissait une contestation de la sanction qu'il convenait de soumettre directement à la Commission de Recours Amiable de la CAISSE PRIMAIRE d'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE ; que la procédure suivie par la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de la GIRONDE n'est pas régulière car cette Caisse aurait dû notifier la sanction à l'employeur avant de saisir la Commission de Recours Amiable ; que néanmoins, une telle irrégularité ne fait pas grief à la société SOGARA qui a pu bénéficier de l'examen de son dossier par la Commission de Recours Amiable, qu'elle aurait en toute hypothèse saisie si une action lui avait formellement notifiée » ;
1. ALORS QU'il résulte de l'article 24 de la Loi n°2000-321 du 12 avril 2000, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations auxquelles sont assimilés les organismes de sécurité sociale, que les décisions individuelles infligeant une sanction ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée ait été mise en mesure de présenter des observations écrites ou, le cas échéant, orales et que cette personne ait pu se faire assister par un conseil ou représenter par la mandataire de son choix ; que le respect des droits de la défense interdit à tout organisme investi par la loi d'un pouvoir de sanction d'exercer cette prérogative sans avoir mis l'intéressé en mesure de présenter ses observations dans le cadre d'une procédure contradictoire ; que la mise en oeuvre de ces garanties implique nécessairement que l'organisme de sécurité sociale informe l'intéressé, préalablement à sa décision concernant la sanction, d'une part de son intention de prononcer une sanction et, d'autre part, de la possibilité de se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix pour se défendre ; qu'au cas présent, la CPAM de la GIRONDE s'est contentée de solliciter, par courrier du 14 juin 2006, des explications de la société SOGARA concernant son retard dans l'envoi de la déclaration d'accident du travail sans aucunement faire état de son intention de prononcer une sanction en application de l'article L. 471-1 du Code de la sécurité sociale, ni lui indiquer la possibilité de se faire assister ou représenter ; qu'en considérant néanmoins que les garanties de la société SOGARA auraient été respectées, au motif que cette dernière aurait prétendument compris que cette demande précédait une sanction, la Cour d'appel a violé l'article 24 de la Loi du 12 avril 2000, ensemble le principe du respect des droits de la défense ;
2. ALORS QUE l'absence de production de l'acte par lequel la Caisse de la GIRONDE aurait décidé de prendre à l'encontre de la société SOGARA la sanction de l'article L.471-1 du Code de la Sécurité Sociale, rendait impossible de vérifier les conditions de formation de cette mesure, ainsi que l'identité et la compétence de son auteur ; qu'il appartenait dès lors au juge de constater l'inexistence d'une telle décision et de débouter la CPAM de ses prétentions ; qu'en décidant cependant que la décision de la Commission de Recours Amiable, qui n'est investie d'aucun pouvoir disciplinaire propre, suppléerait l'inexistence matérielle de la sanction invoquée par la Caisse, la Cour d'appel a violé ensemble le texte susvisé, les articles L.211-2, R.211-1-2 du Code de la Sécurité Sociale ainsi que l'article 12 du Code de Procédure Civile ;
AUX MOTIFS QUE « sur le montant de la sanction : sur la demande du tribunal, la caisse a communiqué les pièces qu'elle entend faire valoir à l'appui de sa demande de remboursement des dépenses engagées pour l'accident du travail de M. X.... La cour, estimant de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, décide d'évoquer ce point non jugé par le tribunal ; que la caisse, par un tableau détaillé et précis des prestations allouées et par un tableau des décomptes correspondant à ces prestations, justifie les dépenses engagées pour l'accident du travail subi par M. X... ; que la société, qui n'oppose aucune critique valable à ces productions, doit être condamnée à rembourser à la caisse la somme de 2 111,59 euros en application de l'article L. 471-1 du code de la sécurité sociale ;
3. ALORS QU'il appartient aux juridictions du contentieux général de sécurité sociale d'apprécier l'adéquation du montant de la sanction prononcée par tout organisme de sécurité sociale de l'importance de l'infraction commise par l'assuré ; qu'en se contentant d'énoncer que les sommes mises par la CPAM de la GIRONDE à la charge de la société SOGARA correspondaient aux dépenses engagées pour l'accident de Monsieur X..., sans aucunement vérifier si le retard de la société SOGARA justifiait par son ampleur que l'intégralité des dépenses relatives à l'accident soient mises à sa charge, la Cour d'appel a violé les articles L. 471-1 du Code de la sécurité sociale et 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.