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31/03/2010 | FRANCE | N°09-10560

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 31 mars 2010, 09-10560


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que M. X... a été victime, en 1991, d'un accident de ski alors qu'il empruntait le talus formé par le damage de l'aire de départ du télésiège, dans la station de Flaine, située sur le territoire de la commune d'Araches-lès-Carroz ; qu'il a assigné devant la juridiction judiciaire, la société Domaine skiable de Flaine, exerçant sous le nom commercial de Société d'étude, de participation et de développ

ement (SEPAD), concessionnaire de l'exploitation des remontées mécaniques et ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu la loi des 16-24 août 1790 ;
Attendu que M. X... a été victime, en 1991, d'un accident de ski alors qu'il empruntait le talus formé par le damage de l'aire de départ du télésiège, dans la station de Flaine, située sur le territoire de la commune d'Araches-lès-Carroz ; qu'il a assigné devant la juridiction judiciaire, la société Domaine skiable de Flaine, exerçant sous le nom commercial de Société d'étude, de participation et de développement (SEPAD), concessionnaire de l'exploitation des remontées mécaniques et chargée de la sécurité et de la surveillance des pistes, en déclaration de responsabilité des dommages résultant du défaut de signalisation de l'important dénivelé de la pente ; que la SEPAD a appelé en garantie son assureur, la société Lloyd continental, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Swisslife assurances biens, la société Uni Europe, aux droits de laquelle se trouve actuellement la société Axa France, étant intervenue volontairement à l'instance ; que, par un arrêt du 19 septembre 2000, la cour d'appel de Chambéry a déclaré la juridiction judiciaire incompétente au profit de la juridiction administrative pour connaître des demandes de M. X... ;
Attendu que, pour déclarer la juridiction judiciaire incompétente et renvoyer les parties à mieux se pourvoir, l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1ère Civ., 13 novembre 2003, bull. I, n° 234) retient que la SEPAD a la qualité d'agent chargé d'une mission de service public de sorte que, pour relever de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, le fait fautif de l'agent doit être qualifié de faute détachable de la fonction, et que l'omission involontaire, sur le lieu où l'accident s'est produit, d'une protection faisant obstacle au franchissement du talus et pour le moins d'une signalisation avertissant les usagers d'un risque inhérent à la configuration des lieux ne peut être assimilée à une telle faute ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la SEPAD, chargée de l'exploitation du domaine skiable, est un service public industriel et commercial, et que les liens unissant un tel service à ses usagers sont des liens de droit privé, la juridiction de l'ordre judiciaire est seule compétente pour connaître du litige, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 novembre 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne les sociétés Domaine skiable de Flaine, AXA France, Swisslife assurances de biens aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Domaine skiable de Flaine, AXA France, Swisslife assurances de biens à payer, chacune, à M. X... la somme de 1 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente et un mars deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour M. X...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la faute imputable à la SEPAD a été commise dans l'exercice de ses fonctions sans pouvoir être considérée comme une faute personnelle détachable du service, d'AVOIR dit par suite la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur X... aux fins d'indemnisation du préjudice et d'AVOIR renvoyé les parties à mieux se pourvoir ;
AUX MOTIFS QUE l'agent chargé d'une mission de service public est personnellement responsable de son fait fautif et répond de ses conséquences devant les juridictions de l'ordre judiciaire, même si sa faute n'est pas dépourvue de tout lien avec son service, dès lors que celle-ci implique une intention de nuire ou présente une gravité particulière, révélant un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel ; qu'en l'espèce, le pouvoir du maire prévu par l'article L. 2212 du code général des collectivités territoriales n'exclut pas la responsabilité de la société concessionnaire de l'exploitation du domaine skiable ; que la SEPAD ne conteste pas qu'en application du contrat de concession, qui mettait à sa charge la sécurité et la surveillance du domaine skiable, l'aménagement de la zone sur laquelle s'est produit l'accident lui incombait ; qu'il est constant que l'accident, dont a été victime Monsieur X..., s'est produit alors qu'il skiait sur le domaine de la Flaine, située sur la Commune d'ARRACHES LES CARROZ, à l'arrivée d'une piste bleue, sur l'aire aménagée pour permettre l'accès à deux remontées mécaniques ; qu'il n'est pas contesté que le jour de l'accident, la remontée située sur la droite dans le sens de la descente était ouverte et le bord de la plate-forme y conduisant balisé, tandis que la remontée située sur la gauche était fermée et la limite de la plate-forme non signalée de ce côté ; que Monsieur X... a franchi le talus à cet endroit et a chuté brutalement en contrebas dans une zone non damée ; que Monsieur Y... et Monsieur A..., qui skiaient avec la victime et ont emprunté le même itinéraire, ont déclaré avoir été « surpris par un brusque et brutal devers que l'on ne pouvait voir qu'en arrivant sur lui » et avoir également subi un saut dangereux ; que Monsieur Z..., directeur du syndicat intercommunal de la station et témoin oculaire de l'accident, a indiqué qu'il avait vu « décoller un skieur venant de l'estacade du télésiège, utilisant celle-ci comme tremplin et effectuant un vol impressionnant et déséquilibré » précisant que le lieu de la chute était « labouré par des expériences malheureuses » ce dont il convient de déduire que d'autres skieurs avaient antérieurement, volontairement ou non, franchi le talus dans les mêmes circonstances ; qu'il n'a pas expliqué ce qui lui permettait d'affirmer que la victime effectuait volontairement un saut ; que les gendarmes, qui sont intervenus après l'accident, n'ont pas établi de relevé topographique des lieux et n'ont pas procédé à l'audition de témoin ; qu'ils ont relaté que « en empruntant la piste la serpentine », Monsieur X... s'était mal réceptionné en sautant des bosses volontairement sans indiquer sur quelles indications ils se fondaient ; que la circulaire ministérielle du 6 novembre 1987 relative à la sécurité des pistes de ski attirait l'attention des préfets sur les risques liés à la pratique du ski et proposait aux maires concernés des arrêtés municipaux types ; qu'elle préconisait notamment (article 5) la signalisation des zones ou des points dangereux traversés par les pistes balisées ou situées à leur proximité ; qu'il est connu que l'aire d'arrivée d'une piste et de départ d'une remontée mécanique est un lieu où les croisements et stationnements de skieurs sont constitutifs de risques, qui imposent la mise en place de précautions suffisantes ; que d'ailleurs le bord de la plate-forme conduisant au télésiège ouvert était balisé ; qu'alors qu'aucun témoignage ne permet de retenir que Monsieur X... a volontairement choisi de sauter le talus artificiel constitué par le bord de la plate-forme et sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur les compétences de la victime, qui évoluait sur une piste bleue destinée à des skieurs peu expérimentés, la signalisation de la présence d'une dénivellation importante s'imposait, pour attirer l'attention des débutants comme des audacieux sur les risques présentés ; que constitue une faute imputable à la SEPAD l'omission en ce lieu de protection mettant obstacle au franchissement du talus et pour le moins de signalisation avertissant les usagers d'un risque inhérent à la configuration des lieux ; que pour relever de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire, le fait fautif de l'agent chargé d'une mission de service public doit être qualifié de détachable de la fonction ; que sera considérée comme telle, même si elle n'est pas dépourvue de tout lien avec son service, la faute de l'agent qui, impliquant une intention de nuire ou présentant une gravité particulière, révèle un manquement volontaire et inexcusable à des obligations d'ordre professionnel ; que même s'il n'est pas douteux que la prévention des accidents pouvant survenir à l'occasion de la sortie des pistes est une obligation essentielle parmi celles déléguées à la SEPAD, la faute qui lui est imputable ne revêt pas un tel caractère de gravité, s'agissant non pas d'un acte positif mais d'une omission, bien évidemment involontaire, survenue dans le cadre de fonctions qui s'exercent dans un environnement non maîtrisé, sur un territoire vaste et soumis aux aléas de la nature, circonstances dans lesquelles il est difficile d'appréhender l'intégralité des sites pouvant présenter un danger ; qu'il s'ensuit que la faute commise par la SEPAD ne peut être assimilée à une faute détachable du service et que les juridictions de l'ordre judiciaire sont incompétentes pour en connaître ; que le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Bonneville doit être infirmé ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la juridiction judiciaire est seule compétente pour statuer dans un litige opposant un service public industriel et commercial à un de ses usagers ; qu'en disant la juridiction judiciaire incompétente pour connaître de l'action engagée par Monsieur X..., usager victime d'un accident de ski, à l'encontre de la SEPAD, service public industriel et commercial exploitant un domaine skiable, la Cour d'appel a violé la loi des 16-24 août 1790 ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, en toute hypothèse, une faute, même involontaire, peut constituer une faute personnelle détachable du service lorsqu'elle présente une gravité certaine ; que la Cour d'appel a expressément relevé que la SEPAD a commis une faute en omettant d'avertir les usagers de l'existence d'une importante dénivellation sur une aire dangereuse d'arrivée de piste et de départ d'une remontée mécanique cependant que cette signalisation s'imposait à elle ; qu'en relevant, pour écarter l'existence d'une faute détachable du service, qu'il ne s'agissait pas d'une faute volontaire mais d'une omission involontaire, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé la loi des 16-24 août 1789.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 09-10560
Date de la décision : 31/03/2010
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

SEPARATION DES POUVOIRS - Compétence judiciaire - Domaine d'application - Litige opposant un service public industriel et commercial à ses usagers - Applications diverses

TOURISME - Equipements et aménagements - Aménagements des espaces à vocation touristique - Montagne - Remontées mécaniques et pistes de ski - Services des remontées mécaniques et pistes de ski - Nature - Détermination - Portée

Une personne morale de droit privé, chargée de l'exploitation d'un domaine skiable, assure un service public industriel et commercial et les liens unissant un tel service à ses usagers sont des liens de droit privé, de sorte que les juridictions de l'ordre judiciaire sont seules compétentes pour connaître de l'action en déclaration de responsabilité et réparation des dommages exercée par l'usager, victime d'un accident de ski alors qu'il empruntait le talus formé par le damage de l'aire de départ du télésiège


Références :

Cour d'appel de Grenoble, Chambre civile 2, 17 novembre 2008, 04/01185
loi des 16-24 août 1790

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 17 novembre 2008

A rapprocher :Tribunal des conflits, 6 avril 2009, n° 3684, Bull. 2009, T. conflits, n° 8, et les décisions citées


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 31 mar. 2010, pourvoi n°09-10560, Bull. civ. 2010, I, n° 82
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2010, I, n° 82

Composition du Tribunal
Président : M. Charruault
Avocat général : M. Sarcelet
Rapporteur ?: Mme Bignon
Avocat(s) : Me de Nervo, SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Gadiou et Chevallier, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2010:09.10560
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