Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2008, présentée pour M. Pierre A, demeurant au ..., par Me de Bazelaire de Lesseux ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0203563 du 10 juillet 2008 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en ce que le tribunal a mis hors de cause le syndicat inter-hospitalier régional Ile-de-France (SIRIF) et l'entreprise DTTB et en ce qu'il a évalué le préjudice immatériel du centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil (CHIRM) à la somme de 111 660,67 euros ;
2°) de condamner le SIRIF et l'entreprise DTTB à le garantir de toute condamnation et de ramener à la somme de 5 707 euros ou, subsidiairement, de 74 950 euros le montant du préjudice subi par le centre hospitalier du fait de la fermeture de la cuisine centrale de cet hôpital ;
3°) de mettre à la charge du CHIRM la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 61-1 du code de justice administrative ;
M. A soutient que la demande de condamnation du maître d'ouvrage à l'encontre des constructeurs ayant surélevé le bâtiment en 1989 ne saurait prospérer, car le fait générateur du sinistre à raison duquel il a été condamné se situe en 1994, date à laquelle le centre hospitalier a fait procéder à la construction d'une extension et à la restructuration de l'ancienne cuisine du bâtiment existant, et non en 1989, date à laquelle de premiers travaux de surélévation du bâtiment édifié en 1977 ont été réceptionnés sans que le contrôleur technique, dont la mission portait sur la solidité des ouvrages, n'ait émis de réserve ; qu'aucun désordre n'a été signalé de 1989 à 1994 et que la lettre adressée le 30 septembre 1994 par le maître d'oeuvre à l'entreprise de démolition DDTB atteste du lien entre les travaux de 1994 et l'apparition des désordres ; que les travaux entrepris en 1994 ont été caractérisés par une insuffisance des étaiements, par des ouvertures inconsidérées de tranchées à proximité des points porteurs et par une démolition de la dalle du rez-de-chaussée au moyen d'un brise roche hydraulique au lieu d'un disque ; que ces travaux, constitutifs de force majeure, sont de nature à exonérer les constructeurs de 1988 de toute responsabilité au titre de la garantie décennale ; que, subsidiairement, il doit être garanti de toute condamnation par le SIRIF, maître d'oeuvre des travaux de 1994, et par l'entreprise de démolition DDTB ; qu'en effet, il appartenait au maître d'oeuvre d'établir un diagnostic et de signaler les éventuelles faiblesses des fondations au maître d'ouvrage, qui aurait effectué le cas échéant les travaux préalables de renforcement en fermant le restaurant pour la seule durée de ces travaux ; que, s'agissant du préjudice du maître de l'ouvrage, l'évaluation par les premiers juges, à hauteur de 111 660,67 euros, du préjudice né de l'indisponibilité de la cuisine est excessive, l'expert comptable M. B ayant retenu un préjudice de 5 707 euros pour les trois années indemnisables (1996 à 1998), et M. Salato, sapiteur de l'expert, ayant pour sa part évalué ce préjudice au titre des trois années à la somme de 74 950 euros, qui ne tient pas compte de l'économie d'amortissement du matériel due à la fermeture de la cuisine ; que le maître d'ouvrage n'établit pas la réalité du préjudice qu'il invoque, alors qu'en application de l'article 37-7 du code de la santé publique les bénéfices (ou les déficits) d'une année viennent en déduction (ou en supplément) du forfait annuel alloué l'année suivante à un centre hospitalier ; que l'évaluation par les premiers juges du préjudice résultant du coût des travaux de reprise de l'ouvrage, à hauteur de 204 177,56 euros, est excessive en ce qu'elle englobe le coût de travaux de renforcement des fondations qui, selon l'expert, auraient dû être effectués avant la construction du premier étage aux frais du centre hospitalier, et conduit ainsi à un enrichissement sans cause de ce dernier qui peut être estimé à 1/3 de cette somme soit 68 059,19 euros ;
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Vu les autres pièces du dossier et notamment les rapports d'expertise de M. Guilleman et de M. Jacques Salato ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 octobre 2010 :
- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,
- les conclusions de M. Davesne, rapporteur public,
- et les observations de Me Teurlair substituant Me de Bazelaire de Lesseux pour M. A, de Me Schafir pour le CHIRM et de Me Nogue substituant Me Guy Vienot pour le Ceten Apave ;
Considérant que le centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil a fait construire, en 1977, un bâtiment en rez-de-chaussée en maçonnerie et en béton destiné à accueillir la cuisine de l'établissement ; qu'en 1988, ce bâtiment a été surélevé d'un étage, afin d'y accueillir le service de restauration du personnel du centre hospitalier ; que l'entreprise Visini et Petriccioli, entrepreneur, M. A, architecte, sont intervenus dans ces deux marchés, le bureau de contrôle Ceten Apave ayant par ailleurs été chargé du contrôle de solidité de l'ouvrage dans le cadre du marché de 1988 ; qu'à la suite du démarrage des travaux de restructuration et de réaménagement du rez-de-chaussée du bâtiment, qui ont commencé le 16 juin 1994, le chantier a dû être interrompu en raison de fissures apparues dans les cloisons du premier étage et sur la poutre porteuse de la salle de restauration du personnel ; que M. Guilleman, désigné en qualité d'expert, par une ordonnance en date du 26 février 1996 du Tribunal administratif de Paris, a déposé trois rapports, respectivement les 14 janvier 1999, 9 avril 1999 et 3 mai 2002, à l'occasion desquels il s'est prononcé tant sur les causes des désordres que sur les modalités de leur réparation ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné, conjointement et solidairement, le bureau d'études Ceten Apave et M. A, à verser au maître d'ouvrage, une somme de 315 837,96 euros en réparation desdits désordres ; que M. A relève appel de ce jugement en demandant, d'une part, à être relevé et garanti de sa condamnation par le SIRIF et l'entreprise DTTB, d'autre part, à ce que la somme allouée au centre hospitalier par les premiers juges soit ramenée à de plus justes proportions, tandis que, par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier demande la réévaluation de ladite somme ;
Sur la responsabilité des constructeurs :
Considérant, qu'il résulte de l'instruction que les désordres ayant affecté l'immeuble, qui se sont manifestés par des fissurations de la structure lors des travaux de restructuration effectués en 1994 qui, contrairement aux allégations de M. A, ne constituent pas un cas de force majeure, ont pour cause une insuffisance généralisée des fondations du bâtiment ; qu'en particulier, il ressort du rapport de l'expert, et n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté, que le bâtiment surélevé en 1988 repose sur des fondations insuffisamment profondes ; que, si la mauvaise qualité du sol et la faiblesse des fondations n'ont entraîné aucun désordre sur le bâtiment réceptionné en 1977, la construction d'un étage supplémentaire, en 1988, a apporté une charge supplémentaire sur des fondations qui n'avaient été ni conçues ni réalisées pour recevoir un étage en plus ; que, lors de cette surélévation du bâtiment, il appartenait aux constructeurs de vérifier si les fondations et les infrastructures du rez-de-chaussée étaient aptes à recevoir les charges de la construction d'un nouvel étage ; que, selon l'expert, aucune étude n'a été faite sur la descente de charges résultant de la surélévation alors au surplus que, dans le cadre de l'exécution des travaux de 1988, la réalisation des têtes de poteaux sous la poutre centrale sous le plancher s'est révélée être entachée de malfaçons manifestes ; que, si M. A fait valoir que les travaux de démolition menés en 1994 par l'entreprise DTTB ont produit des vibrations qui ont occasionné un tassement du sol et, par suite, une aggravation de l'instabilité de l'immeuble, il ressort du rapport de l'expert qu'un bâtiment en béton et maçonnerie normalement structuré et correctement fondé sur un sol d'assise reconnu serait resté insensible à des vibrations sur dallage ;
Considérant qu'il suit de là que les désordres litigieux, qui sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, doivent être regardés comme étant la conséquence des travaux réalisés en 1988 ; que, par suite, M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont estimé que les désordres n'étaient pas imputables, même pour partie, au SIRIF et à l'entreprise DTTB, en charge des travaux réalisés en 1994, et ont prononcé leur mise hors de cause ;
Considérant que les désordres objet du présent litige n'étant pas imputables, même pour partie, au SIRIF et à l'entreprise DTTB, les conclusions de M. A tendant à être garanti par ces constructeurs ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le bureau de contrôle Ceten Apave à la demande du centre hospitalier tendant à la réévaluation de son préjudice :
Considérant que l'appel principal de M. A tend notamment à la réduction de l'indemnité qu'il a été condamné à verser au centre hospitalier ; que les conclusions incidentes du centre hospitalier tendant à l'augmentation de l'indemnité allouée par les premiers juges ne soulèvent pas un litige distinct et sont, par suite, alors même qu'elles ont été présentées après l'expiration du délai d'appel, recevables, nonobstant la circonstance que l'admission de l'appel incident formé par le centre hospitalier est susceptible d'aggraver, en raison de sa solidarité avec l'architecte, la situation du contrôleur technique ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par le bureau de contrôle Ceten Apave aux conclusions incidentes du centre hospitalier ne peut être accueillie ;
Sur l'évaluation des préjudices :
En ce qui concerne les travaux de reprise des fondations :
Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert, que le coût des travaux de confortation des fondations du bâtiment, s'élève à la somme de 204 177,29 euros ;
Considérant que M. A demande l'application d'une réfaction sur cette somme au titre de la plus-value qui, selon lui, a été apportée à l'immeuble par les travaux de renforcement des fondations ; que, cependant, il ne résulte pas de l'instruction que les travaux préconisés par l'expert auraient eu un autre objet que celui de compenser, par un dispositif approprié, une réalisation non conforme aux règles de l'art des fondations du bâtiment, ni que ces travaux amélioreraient la qualité de l'ouvrage prévu par les travaux de 1988 ; que, par suite, il n'y a pas lieu d'appliquer une réfaction sur la somme en cause ;
Considérant, par ailleurs, que le centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil demande, outre la somme de 204 177,29 euros allouée par les premiers juges, les deux tiers du coût de travaux complémentaires, d'un montant de 95 800 euros ; qu'il résulte de l'instruction que ces travaux complémentaires ont été rendus nécessaires pour assurer la mise en place des micropieux destinés à compenser la réalisation défectueuse des fondations de l'immeuble et à assurer la stabilité du bâtiment ; qu'ainsi, le centre hospitalier est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont refusé de lui allouer, à hauteur de 63 866 euros, le montant de ces travaux complémentaires, qui n'ont eu d'autre objet qu'un ancrage solide de l'immeuble dans un sol d'assise médiocre, et à demander que le montant des travaux de reprise soit porté de 204 177,29 euros à 268 043,29 euros ;
En ce qui concerne le surcoût alimentaire :
Considérant que les premiers juges ont évalué à la somme de 111 660,67 euros le préjudice subi par le centre hospitalier à raison du surcoût alimentaire induit par l'indisponibilité de la cuisine au titre des années 1995 à 2000 ; que M. A demande que l'évaluation de ce chef de préjudice soit ramenée à 5 707 euros, alors que le centre hospitalier demande que ce chef de préjudice soit porté à 390 803,67 euros ;
Considérant, cependant, que les argumentations respectives des parties, fondées notamment sur des rapports ou expertises non contradictoires, et dépourvues d'éléments de contestation circonstanciée de la méthode d'appréciation retenue par les premiers juges ou des calculs détaillés exposés dans le jugement critiqué, ne permettent pas de remettre en cause le bien-fondé de l'appréciation, faite par le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, du préjudice subi par le centre hospitalier à raison du surcoût alimentaire induit par l'indisponibilité de la cuisine ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ensemble des préjudices subis par le centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil doit être porté à la somme totale de 379 703,96 euros ; que, par suite, le centre hospitalier est fondé à demander, par la voie du recours incident, la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 315 837,96 euros l'évaluation du montant de ses préjudices ;
Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :
Considérant, d'une part, que la somme de 379 703,96 euros portera intérêts aux taux légal à compter du 13 juillet 2002, date d'enregistrement de la demande du centre hospitalier au greffe du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Considérant, d'autre part, que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; que le tribunal administratif a dès lors commis une erreur de droit en refusant d'accueillir la demande du centre hospitalier au motif que les intérêts n'étaient pas dus pour une année entière ; que la capitalisation des intérêts a été demandée au tribunal administratif par le centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil le 13 juillet 2002 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 14 juillet 2003, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
Sur les frais d'expertise :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) ;
Considérant que, compte tenu des circonstances de l'espèce, il y a lieu d'accueillir la demande du centre hospitalier tendant à être déchargé du montant des frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 77 383,65 euros, et non à la somme de 232 150,95 euros comme l'indique par erreur le centre hospitalier dans ses écritures, et de les mettre à la charge solidaire de M. A et du bureau de contrôle Ceten Apave ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A le versement au centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions que le Ceten Apave, d'une part, et le syndicat inter-hospitalier régional d'Ile-de-France, d'autre part, présentent sur le fondement du même article ; que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés, respectivement, par M. A et par la compagnie AGF IART et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La somme de 315 837,96 euros que M. A et le Ceten Apave ont été solidairement condamnés à payer au centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil par l'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 10 juillet 2008 est portée à 379 703,96 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2002, les intérêts étant capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts au 14 juillet 2003 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 77 383,65 euros, sont mis à la charge solidaire de M. A et du Ceten Apave.
Article 4 : Les articles 3, 4 et 6 du jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 10 juillet 2008 sont réformés en ce qu'ils sont contraires au présent arrêt.
Article 5 : M. A versera au centre hospitalier intercommunal Le Raincy-Montfermeil une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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N° 08VE03029