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07/04/2010 | FRANCE | N°08PA05369

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 07 avril 2010, 08PA05369


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 2008, présentée pour M. et Mme Noël A, demeurant ... par Me Hebras, avocat ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0110386 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au tit

re de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 octobre 2008, présentée pour M. et Mme Noël A, demeurant ... par Me Hebras, avocat ; M. et Mme A demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0110386 du 3 juillet 2008 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande en décharge des compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1994 et 1995 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2010 :

- le rapport de Mme Dhiver, rapporteur,

- et les conclusions de M. Egloff, rapporteur public ;

Sur l'étendue du litige :

Considérant que, par une décision en date du 31 mars 2009 postérieure à l'introduction de la requête, le chef des services fiscaux chargé de la direction nationale des vérifications de situations fiscales a prononcé le dégrèvement des intérêts de retard et de la pénalité de 40 % appliqués aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1994, à concurrence d'une somme de 133 751 euros ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A relatives à ces majorations sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;

Sur le surplus des conclusions de la requête :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

Considérant qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que les premiers juges, qui n'étaient pas tenu de répondre à tous les arguments développés par les requérants, ont relevé que les redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers n'étaient pas fondés sur les déclarations d'un tiers mais sur des éléments tirés de la comptabilité de sociétés dont M. A était le gérant et que l'autorité de la chose jugée s'attachait aux constatations de fait qui sont le support de la décision du juge pénal ; qu'ils se sont ainsi suffisamment prononcés sur le bien-fondé des impositions ; qu'ils ont également suffisamment répondu au moyen tiré de ce que le service aurait fait un usage irrégulier du droit de communication qu'il tient de l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales ; que, par suite, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé ;

En ce qui concerne la régularité de la taxation d'office des revenus de l'année 1995 :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : Sont taxés d'office : 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) ; qu'aux termes de l'article L. 67 du même livre : La procédure de taxation d'office prévue aux 1° (...) de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une première mise en demeure (...) ;

Considérant que l'administration a adressé à M. et Mme A le 13 septembre 1996 une mise en demeure de déposer la déclaration d'ensemble de leurs revenus de l'année 1995 ; que le pli contenant cette mise en demeure a été présenté au domicile des requérants le 17 septembre 1996 et, n'ayant pas été retiré au bureau de poste, a été retourné au service le 3 octobre 1996 ; que, par une notification de redressement datée du 4 octobre 1996, l'administration a alors fait connaître à M. et Mme A que, faute d'avoir régularisé leur situation dans le délai de trente jours de la notification de la mise en demeure du 13 septembre 1996, ils étaient en situation de taxation d'office à l'impôt sur le revenu au titre de l'année 1995 ; que les requérants ont accusé réception de cette notification le 10 octobre 1996 ; que l'administration a ensuite adressé aux contribuables une nouvelle notification de redressement datée du 27 novembre 1997 dans laquelle elle a confirmé aux contribuables que les revenus de l'année 1995 étaient taxés d'office, au motif que la déclaration de revenus de ladite année n'avait été déposée que le 18 juin 1997 et qu'ils n'avaient pas déféré dans le délai de trente jours à la mise en demeure du 13 septembre 1996 de déposer la déclaration de leurs revenus ;

Considérant que la notification de redressement datée du 4 octobre 1996, reçue dès le 10 octobre 1996, soit avant l'expiration du délai de trente jours suivant la présentation le 17 septembre 1996 du pli contenant la mise en demeure, était irrégulière ; que la notification de redressement du 27 novembre 2007 n'a pas eu pour effet de couvrir cette irrégularité, alors même que M. et Mme A n'ont pas pris connaissance du pli contenant la mise en demeure du 13 septembre 1996, dès lors que les requérants avaient la possibilité, avant l'envoi de la notification du 4 octobre 1996, d'adresser spontanément leur déclaration de revenus au service et que cette notification, qui leur indiquait qu'ils étaient d'ores et déjà regardés comme étant en situation de taxation d'office pour l'année 1995, a pu les induire en erreur et les priver de cette faculté ; que par suite, à défaut d'avoir à nouveau mis en demeure M. et Mme A de déposer leur déclaration de revenus après leur avoir notifié prématurément les redressements selon la procédure de taxation d'office le 10 octobre 1996, la taxation d'office des revenus de l'année 1995 est irrégulière ;

Considérant, toutefois, que le ministre fait valoir qu'à l'exception de la taxation des crédits restés inexpliqués, le service a en fait suivi la procédure contradictoire définie à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de l'instruction que, si M. et Mme A n'ont pas eu la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du redressement relatif aux revenus d'origine indéterminée, ils n'ont été privés, pour les autres revenus taxés au titre de l'année 1995 dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux et dans celle des revenus de capitaux mobiliers, d'aucune des garanties qui s'attachent à la procédure contradictoire ; qu'il s'ensuit que l'irrégularité de la taxation d'office n'a pu affecter que l'imposition de la somme de 984 750 F (150 124 euros), correspondant aux revenus regardés comme d'origine indéterminée ;

Considérant, enfin, que si le ministre fait valoir que l'imposition mise en recouvrement au titre de l'année 1995 aurait été insuffisante en raison notamment d'une double déduction de l'imposition antérieure mise en recouvrement en mars 1997, il n'apporte aucune justification de l'insuffisance dont il fait état ; que les conclusions incidentes du ministre doivent donc être rejetées ;

En ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers et l'exercice par l'administration de son droit de communication :

Considérant que le service a consulté, dans le cadre du droit de communication prévu à l'article L. 82 C du livre des procédures fiscales, les éléments de la procédure judiciaire relatifs à la plainte déposée contre X par les sociétés SGFS (Société de gérance de la foncière de la Seine) et SID (Société immobilière Delcassé), dont M. A a été le gérant jusqu'en janvier 1995 ; que l'administration a ainsi eu connaissance de ce que les comptes courants ouverts au nom de l'ancien gérant dans les écritures des deux sociétés présentaient des soldes débiteurs au 31 décembre 1994 et de ce que M. A avait procédé au cours de l'année 1994 à des prélèvements en espèces dans les comptes de caisse, les comptes de gestion et les comptes de mandants de la société SID ; que, sur la base de ces informations, l'administration a imposé dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, au titre de l'année 1994, la somme de 1 413 989 F ;

Considérant, d'une part, que les procédures de droit de communication de l'administration et d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle sont indépendantes l'une de l'autre ; qu'il résulte de l'instruction que les redressements dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers dont s'agit ont procédé exclusivement de l'usage par l'administration de son droit de communication ; que, par suite et en tout état de cause, le moyen tiré par M. et Mme A de ce qu'ils auraient été privés d'un débat contradictoire dans le cadre d'un examen de leur situation fiscale personnelle ne peut qu'être écarté ; qu'il résulte également de l'instruction que, dans la notification de redressement du 27 novembre 1997, le service a indiqué avec précision l'origine et la teneur des informations recueillies auprès de l'autorité judicaire, en précisant notamment les pièces sur lesquelles il entendait fonder les redressements ; que, suite à la demande des requérants, il a joint à la réponse aux observations du contribuable du 4 mars 1998 l'intégralité de ces pièces ; que, dès lors, M. et Mme A ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient été privés de la possibilité de discuter, avant la mise en recouvrement des impositions, des éléments retenus par l'administration ;

Considérant, d'autre part, que les requérants soutiennent que les informations sur lesquelles l'administration s'est fondée sont dépourvues de valeur probante et qu'elles n'ont pas été corroborées par des constatations faites par le vérificateur dans le cadre de l'examen de situation fiscale personnelle ; que toutefois, il résulte de l'instruction que M. A a été déclaré coupable d'abus de biens sociaux et d'abus de confiance et a été condamné à une peine d'emprisonnement de 18 mois par un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 17 novembre 2005 devenu définitif ; qu'il ressort des énonciations de ce jugement que l'intéressé a bénéficié d'avances en compte courant au titre de l'année 1994 de 174 356,92 F et 39 800,84 F respectivement au préjudice des sociétés SID et SGFS et qu'il a détourné, selon plusieurs procédés, la somme totale de 1 854 307,40 F sur le montants des fonds qui avaient été remis à la société SID par les mandants ; que l'autorité de la chose jugée s'attache à ces constatations de fait qui constituent le support nécessaire des condamnations prononcées à l'encontre de M. A ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement contester le bien-fondé des impositions dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande tendant à la réduction des bases d'imposition qui leur ont été assignées au titre de l'année 1995 à concurrence de la somme de 984 750 F (150 124 euros) ;

Sur les autres conclusions de la requête :

Considérant que le présent litige n'a donné lieu à aucune mesure de nature à faire naître des frais compris dans les dépens au sens des dispositions de l'article

R. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions de la requête tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens sont dépourvues d'objet et doivent, par suite, être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : A concurrence de la somme de 133 751 euros en ce qui concerne les intérêts de retard et la pénalité de 40 % appliqués aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre de l'année 1994, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de M. et Mme A.

Article 2 : Les bases de l'impôt sur le revenu assignées à M. et Mme A au titre de l'année 1995 sont réduites d'une somme de 984 750 F (150 124 euros).

Article 3 : M. et Mme A sont déchargés des droits et pénalités correspondant à la réduction des bases d'imposition définie à l'article 2.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris en date du 3 juillet 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme A une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A et les conclusions du ministre relatives à la compensation sont rejetés.

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N°08PA05369


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08PA05369
Date de la décision : 07/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Brunet
Rapporteur ?: Mme Martine DHIVER
Rapporteur public ?: M. Egloff
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2010-04-07;08pa05369 ?
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