Vu, enregistrée le 10 septembre 2008, la requête présentée pour la SOCIETE SIMAGIR dont le siège est fixé 28 cours Bacalan à Blayes (33390), par Me Citron ; la SOCIETE SIMAGIR demande à la cour :
1°) de réformer le jugement no 0309540/3-2 en date du 10 juillet 2008 en tant que le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation des pénalités de retard retenues par le directeur général de l'office national interprofessionnel des céréales (ONIC) dans sa décision du 7 mai 2003 ;
2°) de condamner l'office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC) qui vient aux droits de l'ONIC, à lui payer la somme de 104 992,01 euros correspondant aux pénalités retenues, avec intérêt de droit à compter du 20 décembre 2002, date de la facture de la prestation ;
3°) de condamner l'ONIGC à lui payer la somme de 54 699 euros en complément de la condamnation déjà ordonnée par les premiers juges ;
4°) de condamner l'ONIGC à verser les intérêts sur la somme de 188 152 euros à compter du 20 décembre 2001, date de la facture correspondant aux prestations ;
5°) de mettre à la charge de l'ONIGC une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mars 2010 :
- le rapport de Mme Monchambert, rapporteur,
- les conclusions de Mme Descours-Gatin, rapporteur public,
- les observations de Me Citron, pour la SOCIETE SIMAGIR,
- et connaissance prise de la note en délibéré en date du 12 avril 2008, présentée pour l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) qui vient aux droits de l'office national interprofessionnel des grandes cultures (ONIGC), par Me Baudoin et Me Merten-Lentz ;
Considérant qu'en application d'une convention conclue le 3 juillet 1999 entre le ministère des affaires étrangères et l'ONIC fixant le règlement de la consultation et le cahier des charges relatifs à la livraison de produits céréaliers par un opérateur unique au titre de l'aide alimentaire nationale, l'ONIC a lancé, le 29 octobre 2001, un appel d'offre pour la fourniture de 4000 tonnes de blé tendre à destination du Burundi, livrable le 25 janvier 2002 au plus tard ; que le 20 novembre 2001, la SOCIETE SIMAGIR remporte l'appel d'offre ; que le 20 décembre 2001, la SOCIETE SIMAGIR adresse à l'ONIC une facture correspondant aux 4000 tonnes prévues au contrat, pour un montant de 1 881 520 euros ; que par un courrier du 15 janvier 2003 l'ONIC informe la société de la mise en règlement de cette facture à hauteur d'une somme de 1 234 890,59 euros en paiement du contrat après application des pénalités qu'il entendait retenir soit une pénalité de 6 160 euros pour un taux de protéine insuffisant, une pénalité de 26 529 euros pour retard à la livraison calculée sur le taux de 1,5% du montant du tonnage réalisé par semaine de retard pendant un mois et une pénalité de 181 190,38 euros pour retard à la livraison calculée sur le taux de 3% du montant du tonnage réalisé par semaine de retard pendant deux mois et précisant que les 920 tonnes arrivées au delà d'un délai de trois mois après la date prévue de livraison ne seraient pas prises en compte ; que par une réclamation du 13 mars 2003, la SOCIETE SIMAGIR accepte la pénalité de 6 160 euros sur la qualité de la marchandise, mais sollicite la décharge des pénalités de 26 529 euros et de 181 190 euros ainsi que le règlement de la totalité des quantités livrées ; que par une décision du 7 mai 2003, notifiée le 14 janvier suivant, le directeur général de l'ONIC admet partiellement la réclamation de la SOCIETE SIMAGIR en différant le point de départ des pénalités d'un mois ; que par un courrier du 15 mai 2003, l'ONIC notifie le nouveau décompte des pénalités de retard fixant les pénalités appliquées pour retard de livraison compris entre une semaine et un mois à 22 154,90 euros, les pénalités appliquées pour retard à la livraison compris entre un mois et trois mois à 75 637,11 euros, le tonnage arrivé postérieurement au délai de trois mois, non pris en compte par l'office, à 400 tonnes et rehaussant la pénalité infligée à raison de la qualité de la marchandise livrée à 7 200 euros ; que par la présente requête, la SOCIETE SIMAGIR demande la réformation du jugement du Tribunal administratif de Paris en tant que le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation des pénalités de retard retenues par le directeur général de l'office national interprofessionnel des céréales (ONIC) dans sa décision du 7 mai 2003 et sollicite en conséquence, la condamnation de l'ONIGC à lui payer la somme de 104 992,01 euros correspondant aux pénalités retenues, avec intérêt de droit à compter du 20 décembre 2002, ainsi que la somme de 54 699 euros en complément de la condamnation déjà prononcée par les premiers juges en raison du tonnage de blé resté impayé et enfin sa condamnation à verser les intérêts sur la somme de 188 152 euros à compter du 20 décembre 2001 ; que pour sa part, l'ONIGC qui vient aux droits de l'ONIC demande par la voie de l'appel incident, la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à la SOCIETE SIMAGIR une somme de 133 543,11 euros, subsidiairement, à confirmer l'application par le tribunal des pénalités pour qualité non-conforme et pour retard de livraison et fixer le point de départ des intérêts moratoires à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, pour demander la décharge des pénalités litigieuses, la SOCIETE SIMAGIR a soutenu en première instance qu'aucune mise en demeure faisant courir les pénalités de retard n'a jamais été délivrée alors que cette mise en demeure et sa réitération sont une exigence de la jurisprudence pour entraîner l'exécution des pénalités ; que le tribunal administratif a rejeté les demandes de la société sans répondre à ce moyen qui n'était pas inopérant ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer et par suite, à demander, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de régularité, son annulation ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SOCIETE SIMAGIR tant devant le Tribunal administratif de Paris que devant la cour ;
Sur les pénalités de retard :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article III D-Pénalités, d) retard à la livraison du cahier des charges relatif à la livraison de produits céréaliers par un opérateur unique au titre de l'aide alimentaire nationale concernant les opérations de débarquement fixé par la convention précitée du 3 juillet 1999 : Si l'adjudicataire est dans l'impossibilité d'exécuter les prestations qui lui sont confiées dans les délais fixés par l'appel d'offre, il doit impérativement en aviser l'ONIC et en tout état de cause avant l 'expiration de ces délais et soumettre en même temps à l'appréciation de l'ONIC des justifications présentant un cas de force majeure qu'il pourrait éventuellement fournir. / L'adjudicataire, s'il néglige de s'y conformer ou si la raison invoquée n'est pas recevable, s'expose à des pénalités dans les conditions suivantes : 1,5% du montant total de la prestation par semaine de retard jusqu'à un mois / 3% du montant total de la prestation par semaine de retard passé ce délai et jusqu'au troisième mois. / Passé ce délai de trois mois, l'ONIC se réserve le droit d'annuler le marché et de lancer un nouvel appel d'offre pour une nouvelle planche de livraison ;
Considérant que la SOCIETE SIMAGIR soutient sans contredit que lorsqu'elle a, le 20 novembre 2001, remporté l'appel d'offre, la situation politique était en voie d'apaisement au Burundi, lieu de livraison des marchandises dont s'agit ; que des difficultés inattendues sont cependant survenues qui ont contraint la société requérante à modifier l'itinéraire et le mode de transport du blé qu'elle devait livrer, situation dont elle a informé l'ONIC dès le 27 décembre 2001 ; que par lettre du 23 janvier 2001, la SOCIETE SIMAGIR a fait savoir à l'ONIC que l'encombrement des voies ferrées et de la seule barge encore en service sur le lac Tanganika rendait impossible la livraison de la totalité des conteneurs dans les délais prévus même si les premiers avaient d'ores et déjà été livrés ;
Considérant que le cahier des charges ainsi que l'acte d'engagement du marché en litige ne contiennent aucune clause ayant pour effet de dispenser la personne responsable du marché de l'envoi d'une mise en demeure préalablement à l'application des pénalités de retard ; que ni la nature du contrat, ni les conditions dans lesquelles il a été passé, ni les termes dans lesquels la clause pénale a été stipulée, ni enfin les aléas de son exécution, s'agissant de livrer dans un très bref délai des produits pondéreux dans un pays encore en état de guerre, n'impliquaient la volonté des parties de rendre les pénalités de retard applicables de plein droit par la seule échéance du terme alors que l'article III D-Pénalités, d) du cahier des charges précité prévoyait que l'ONIC porte une appréciation sur les justifications avancées par l'adjudicataire pour justifier de son impossibilité à exécuter les prestations dans les délais fixés par l'appel d'offre ; que malgré les courriers susmentionnés des 27 décembre 2001 et 23 janvier 2002, l'ONIC n'a apporté aucune réponse à la demande de délais de livraisons supplémentaires présentées par son cocontractant ; que dans ces conditions, la SOCIETE SIMAGIR est fondée à soutenir que l'office était tenu de la mettre en demeure de remplir ses obligations contractuelles préalablement à la mise en oeuvre des pénalités de retard ; qu'elle est par suite fondée à demander le remboursement des pénalités de retard mises à sa charge à concurrence de 104 992,01 euros ;
Sur les sommes réclamées par la SOCIETE SIMAGIR au titre de la livraison du blé arrivé après le délai de trois mois :
Considérant qu'aux termes de l'article I C du cahier des charges précité : A l'arrivée des produits dans le pays bénéficiaire, les modalités de transfert des responsabilités entre l'adjudicataire et le destinataire de l'aide s'effectuent selon le schéma suivant : / La société de contrôle présente les résultats du suivi des opérations de déchargement au représentant du pays bénéficiaire [...] au représentant de l'adjudicataire ainsi qu'au représentant de l'ambassade de France. A l'occasion de cette réunion de bonne réception de l'aide, un procès-verbal est obligatoirement signé par l'ensemble des parties. Ce procès-verbal est adressé obligatoirement dans les 15 jours : / -original- à l'adjudicataire (pour être joint à sa demande de paiement)/ -copie- au ministère des affaires étrangères / Au gouvernement de l'Etat ou à l'organisation internationale bénéficiaire. / Si dans les 15 jours mentionnés ci-dessus, l'adjudicataire n'a pas reçu ce procès-verbal, la prestation est réputée admise sans restriction de la part du destinataire. /Par ailleurs, la société de contrôle technique désignée par le Ministère des affaires étrangères établira également un certificat de contrôle valant attestation de conformité définitive. /En cas de force majeure, ou de difficulté résultant de circonstances indépendantes de la volonté de l'adjudicataire, toute décision pouvant apparaître nécessaire pour permettre un déroulement optimal des opérations sera prise par l'ONIC après concertation avec ce dernier ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du certificat de conformité délivré par la société ITS SOCOTEC le 28 juin 2002 que la quantité effectivement livrée par la SOCIETE SIMAGIR entre le 30 janvier et le 11 juin 2002 est de 3 983,29 tonnes de blé ; que toutefois, en l'absence de notification à l'adjudicataire du procès-verbal de réception prévu à l'article I C du cahier des charges précité, l'ONIC ne pouvait se prévaloir de cette réduction des quantités effectivement livrées, le destinataire de l'aide étant réputé avoir accepté les 400 tonnes restant à livrer après le 25 mai 2002 ; que, par suite, FranceAgriMer qui vient aux droits de l'ONIGC doit être condamné au paiement du prix de 400 tonnes de blé tel que prévu au marché, soit la somme de 188 152 euros ; que toutefois il y a lieu d'appliquer sur cette somme la même pénalité pour taux de protéine insuffisant que sur le reste des livraisons, dès lors que ladite pénalité n'a pas été contestée par la SOCIETE SIMAGIR dans sa réclamation préalable ; que la pénalité pour taux de protéine insuffisant, qui est de deux euros par tonne, s'élève à 800 euros ; que, par suite, il y a lieu de condamner FranceAgriMer, à payer à la SOCIETE SIMAGIR la somme de 187 352 euros au titre des 400 tonnes de blé représentant le solde non payé du contrat ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE SIMAGIR est fondée à demander la condamnation de FranceAgriMer à lui verser la somme de 293 344,01 euros ;
Sur les intérêts :
Considérant que si la SOCIETE SIMAGIR sollicite le paiement des intérêts à compter de la date d'établissement de sa facture, le 20 décembre 2001, il résulte de l'instruction qu'à cette date, la prestation n'était pas exécutée et que si le cahier des charges prévoyait la possibilité d'une avance, il n'en a pas été fait usage par les parties ; qu'en l'absence de ce dernier élément, de tout document permettant d'établir la date à laquelle les pièces justificatives ont été fournies et de toute précision dans le cahier des charges sur le délai de mandatement et sur l'application du code des marchés publics, la SOCIETE SIMAGIR qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 54 de la loi n° 2001-420 qui ne sont applicables qu'aux marchés publics, a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 293 344,01 euros à compter de la réception par l'ONIC de sa réclamation du 13 mars 2003 ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que FranceAgriMer, partie perdante, puisse obtenir le versement des sommes sollicitées sur ce fondement ; qu'en revanche, il y a lieu de faire droit aux conclusions présentées par la SOCIETE SIMAGIR et de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement en date du 10 juillet 2008 du Tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : FranceAgriMer est condamné à verser à la SOCIETE SIMAGIR une somme de 293 344,01 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la réception de la réclamation du 13 mars 2003.
Article 3 : FranceAgriMer versera à la société SIMAGIR une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée au Tribunal administratif de Paris de la requête et de l'appel incident de l'ONIGC au droit duquel vient FranceAgriMer est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de l'ONIGC au droit duquel vient FranceAgriMer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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N° 08PA04729