Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2008, présentée pour Mme Susan A, élisant domicile ..., par Me Martin ;
Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 2 du jugement n°0601950 en date du 28 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir constaté un non-lieu, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le délai pour obtenir des autorités étrangères la transmission de renseignements ne s'ajoute pas au délai accordé pour répondre à la mise en demeure de compléter les justifications en application de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, mais le remplace ; qu'il y a lieu de retenir la date du 11 novembre 2002, date à laquelle l'attaché fiscal a obtenu les renseignements demandés par le biais de l'assistance administrative internationale, et non celle du 22 novembre ; qu'en application des instructions 14 B-1-70 n°236-1 et 236-2 et 14 B-236 n°1 et 2, l'imposition des sommes versées par Trade'Action Ltd n'est pas fondée ; que l'indemnité perçue le 13 avril 2000 ne peut être regardée comme imposable dès lors qu'elle a été perçue antérieurement à l'instruction du 31 mai 2000 et qu'une telle indemnité, versée par une société anglaise, ne serait pas imposable en Grande-Bretagne ; que, s'agissant de l'application des pénalités, elle se réfère à son argumentation antérieure, par laquelle elle contestait les pénalités par voie de conséquence, que l'importance des redressements et l'absence de justificatifs ne saurait justifier l'application des pénalités de mauvaise foi, et que l'importance des dégrèvements accordés permet d'établir sa bonne foi ; que du fait de l'absence de prise en compte par le service des problèmes d'encaissement de factures en France et du faible montant des sommes mise en redressement, les pénalités de mauvaise foi ne peuvent lui être appliquées ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 25 juin 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que le délai de 30 jours prévu à l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales n'avait pas à être compris dans le délai couvrant la demande d'assistance administrative internationale ; que l'administration a tenu compte de la date du 11 novembre 2002, mais pouvait également retenir celle du 22 novembre 2002, ce qui est par ailleurs sans incidence en l'espèce ; que la notification a ainsi été adressée dans le délai ouvert par l'article L. 12 du livre des procédures fiscales ; que la société Trad'action Ltd doit être regardée comme résidente de France, malgré la présence de son siège au Royaume-Uni ; que les salaires versés à la requérante par cette société ont à bon droit été imposés en France ; qu'aucune justification du caractère non imposable de la somme de 180 000 francs n'a été apportée ; que l'importance des sommes non déclarées au titre de 1998 justifie l'application des pénalités de mauvaise foi ; que la requérante ne peut se prévaloir des dispositions interdisant la double imposition dès lors qu'elle n'a pas déclaré ses salaires au Royaume-Uni, que les sommes éludées sont très importantes et que les omissions de déclaration ne sont pas justifiées ;
Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 13 août 2009, présenté pour Mme A, tendant aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2009, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, tendant aux mêmes fins que précédemment ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-britannique du 22 mai 1968 tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur les revenus ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 décembre 2010 :
- le rapport de M. Iggert, conseiller ;
- et les conclusions de M. Dubois, rapporteur public ;
Considérant que M. et Mme A ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1998 à 2000 ; que Mme A demande à la Cour d'annuler l'article 2 du jugement en date du 28 octobre 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille, après avoir constaté un non-lieu à statuer, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998, 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L 12 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " (...) Sous peine de nullité de l'imposition, un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle ne peut s'étendre sur une période supérieure à un an à compter de la réception de l'avis de vérification. Cette période est prorogée du délai accordé, le cas échéant, au contribuable et, à la demande de celui-ci, pour répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications pour la partie qui excède les deux mois prévus à l'article L 16 A. Elle est également prorogée des trente jours prévus à l'article L 16 A et des délais nécessaires à l'administration pour obtenir les relevés de compte lorsque le contribuable n'a pas usé de sa faculté de les produire dans un délai de soixante jours à compter de la demande de l'administration ou pour recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères, lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger " ; que, pour le décompte de la durée de prorogation de la période d'un an prévue par ces dispositions, les délais, qui n'ont pas le même objet, nécessaires à l'administration pour, d'une part, obtenir des éléments du contribuable à la suite d'une mise en demeure de compléter sa réponse à une demande de justifications et, d'autre part, recevoir les renseignements demandés aux autorités étrangères lorsque le contribuable a pu disposer de revenus à l'étranger ou en provenance directe de l'étranger, se cumulent dès lors qu'ils ne se recouvrent pas ; que, pour apprécier les délais nécessaires à l'obtention des renseignements demandés aux autorités étrangères, il y a lieu de tenir compte de la date à laquelle la demande est adressée à ces autorités et la date à laquelle la réponse est obtenue de celles-ci, indépendamment de la circonstance que les renseignements en cause sont adressés dans un premier temps à l'attaché fiscal auprès de l'ambassade de France et non directement au service vérificateur ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme A a reçu l'avis d'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de son foyer fiscal le 19 juillet 2001 ; que le contrôle s'est achevé, pour les années 1999 et 2000, par la notification de redressement adressée aux contribuables le 26 mai 2003 ; que la période d'un an expirant en principe le 19 juillet 2002 n'a pu être prorogée par le délai de trente jours imparti aux intéressés pour répondre à la mise en demeure qui leur a été adressée sur le fondement de l'article L 16 A du livre des procédures fiscales, dès lors que le délai pour répondre à la mise en demeure en cause, adressée le 3 juillet 2002 et le délai d'obtention des renseignements demandés aux autorités britanniques se recouvraient ; que le délai a été en revanche prorogé de quarante huit jours destinés à obtenir les relevés de compte dès lors que les contribuables n'avaient pas déféré dans le délai de soixante jours à la demande de communication de ces relevés ; qu'enfin, la demande de renseignements a été adressée aux autorités britanniques par l'attaché fiscal le 11 mars 2002 et l'administration, par l'intermédiaire de l'attaché fiscal, a reçu les renseignements demandés le 11 novembre 2002, soit un délai de 245 jours ; que la période d'un an a ainsi été prorogée de 293 jours et s'achevait le 8 mai 2003, antérieurement à l'envoi de la notification de redressement du 26 mai 2003 ; que la fin du contrôle est intervenue après l'expiration de la période prévue par l'article L 12 précité du livre des procédures fiscales, et Mme A est fondée à demander la décharge des impositions relatives aux années 1999 et 2000 procédant de cette notification ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France
par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention franco-britannique du 22 mai 1968 : " 1. Au sens de la présente convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation dudit Etat, est assujettie à l'impôt dans cet Etat, en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction ou de tout autre critère de nature analogue (...) 3. lorsque, selon la disposition du paragraphe 1, une personne autre qu'une personne physique est considérée comme résident de chacun des Etats contractants, elle est réputée résident de l'Etat contractant où se trouve son siège de direction effective " qu'aux termes de l'article 15 de la même convention : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 16, 18, 19 et 20, les salaires, traitements et autres rémunérations similaires qu'un résident d'un Etat contractant reçoit au titre d'un emploi salarié ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'emploi ne soit exercé dans l'autre Etat contractant. Si l'emploi y est exercé, les rémunérations reçues à ce titre sont imposables dans cet autre Etat " ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Trad'Action Limited, dont Mme A était dirigeante salariée, exerçait l'activité de traduction précédemment exercée par la requérante dans le Var, que les opérations bancaires étaient exécutées en francs et non en livres sterling, que la société disposait également d'un compte bancaire en France qui correspondait à son compte principal, que le comptable anglais de la société indique que toutes les transactions étaient effectuées en France, qu'aucun personnel n'était employé en Grande-Bretagne où ne se trouve aucun local professionnel, qu'enfin, les déplacements professionnels avaient lieu dans leur très grande majorité en France ; qu'ainsi, et dès lors que Mme A n'apporte aucune précision sur la domiciliation fiscale de la société, la société Trad'Action Limited n'a exercé d'activité qu'en France et doit être regardée comme une entreprise exploitée en France au sens des dispositions précitées du I
de l'article 209 du code général des impôts ; que les stipulations de la convention fiscale
franco-britannique ne font pas échec à cette imposition dès lors que la société en cause a en France le siège de sa direction effective de sorte qu'en vertu de l'article 6 précité de cette convention, elle doit être réputée résident de la France ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que les rétributions que la requérante percevait devaient être imposables au Royaume-Uni en application de l'article 15 précité de la convention franco-britannique, où elle ne les a au demeurant pas plus déclarées, du fait de la résidence de cette société dans ce pays, n'est pas fondé ;
Sur l'application des pénalités :
Considérant que les pénalités de mauvaise foi ont été appliquées à raison des rehaussements effectués au titre de l'année 1998 dès lors que l'époux de la requérante n'avait pas déclaré une part prépondérante de ses commissions, qu'elle-même exerçait une activité occulte et que la résidence fiscale de la société Trad'Action Limited ne résistait pas à l'examen ; que, ce faisant, et nonobstant la double circonstance, non établie, que les redressements en cause ne seraient pas d'un montant très important et que des problèmes de facturation avec la France auraient été rencontrés, l'administration justifie l'application des pénalités en litige ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions au titre des années 1999 et 2000 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Mme A est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1999 et 2000 et des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Marseille en date du 28 octobre 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus de la requête de Mme A est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Madame Susan A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.
Copie en sera adressée à Me Martin et au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2010 à laquelle siégeaient :
- M. Darrieutort, président,
- M. Bédier, président-assesseur,
- M. Iggert, conseiller,
Lu en audience publique le 20 décembre 2010.
Le rapporteur,
J. IGGERT Le président,
J-P. DARRIEUTORT
Le greffier,
A. RECUSATI
La République mande et ordonne au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 08MA05163