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11/07/2011 | FRANCE | N°08MA03979

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre-formation à 3, 11 juillet 2011, 08MA03979


Vu la requête, enregistrée le 27 août 2008 par télécopie, régularisée par courrier le 28 août 2008, présentée pour M. et Mme Christian A, demeurant ... par la SELAS Fiscalys ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503770 du 12 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une som

me de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu la requête, enregistrée le 27 août 2008 par télécopie, régularisée par courrier le 28 août 2008, présentée pour M. et Mme Christian A, demeurant ... par la SELAS Fiscalys ; M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0503770 du 12 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu qui leur ont été assignées au titre des années 2002 et 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;

3) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2011,

- le rapport de Mme Haasser, rapporteur ;

- et les conclusions de M. Guidal, rapporteur public ;

Considérant que M. A a conclu, le 13 décembre 1996, avec la commune de Cannes, concessionnaire des plages artificielles situées promenade de la Croisette à Cannes, un sous-traité d'exploitation en vue d'exploiter la plage dite Le Sporting sur laquelle avait été aménagées des installations destinées à l'exploitation d'un restaurant ; que cette convention, approuvée le 9 avril 1997 par le préfet des Alpes-Maritimes, fait suite au transfert autorisé par cette même autorité par lettre du 14 août 1996 de l'autorisation précédemment accordée à M. ; que, pour obtenir ce transfert, M. A a versé au précédent exploitant une somme de 457 347 euros ; que ce droit conféré initialement pour une durée de cinq années jusqu'au 31 décembre 2001 a fait l'objet d'une prorogation d'un an par avenant puis est arrivé, par suite, à échéance le 31 décembre 2002, provoquant la cessation d'activité de l'exploitant ; que le requérant, après avoir déclaré, au titre de l'année 2002, une moins-value à long terme de 457 347 euros, correspondant à la perte de l'autorisation administrative en cause, a déposé, le 3 novembre 2004, une déclaration de résultats rectificative faisant apparaître un déficit commercial de 391 505 euros, accompagnée d'un courrier valant réclamation, spécifiant que l'indemnité versée n'était pas, au regard de sa précarité, un élément d'actif incorporel, et qu'il convenait de comptabiliser un amortissement exceptionnel conduisant à constater un déficit en fin d'exercice 2002 ; que le 18 novembre 2004, il a déposé une nouvelle réclamation contentieuse sollicitant le dégrèvement d'une fraction de ses cotisations d'impôt sur le revenu des années 2002 et 2003 en raison de l'imputation et du report des déficits professionnels nés de ce traitement comptable ;

Sur le bien-fondé du jugement :

Considérant que dans sa décision de rejet du 9 mai 2005, l'administration a estimé que la somme de 457 347 euros constituait un élément d'actif incorporel non amortissable dont la perte générait une moins-value à long terme, laquelle, toutefois, ne pouvait être imputée, en application de l'article 39 quindecies du code, sur le bénéfice de 72 619 euros réalisé au titre de 2003, ce dernier n'ayant pas été soumis à l'impôt du fait du dépôt tardif, le 18 novembre 2004, de la déclaration de résultats pour 2003 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : ... 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. ; que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré ;

Considérant que les dispositions de l'article 38-4 bis du code issues de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 ont légalisé la règle de l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ; qu'elles disposent : Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou une surestimation de celui-ci. ;

Considérant que le jugement attaqué a fait droit à la qualification d'erreur comptable de l'indemnité, telle que revendiquée par M. A, et a admis sa réparation dans le respect du principe de la correction symétrique des bilans prévu à l'article 38-4 bis du code général des impôts ; que ce traitement fiscal a conduit le juge à considérer que la correction devait remonter jusqu'au bilan d'ouverture de l'exercice 2001, premier exercice non prescrit lors de la réclamation de 2004 au regard du délai de trois ans visé à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ; qu'il convenait cependant d'opposer au contribuable le délai de réclamation de droit commun de deux ans visé à l'article R. 196-1 du même livre, et, par suite, de rejeter sa requête ;

Considérant que l'article 38-4 bis du code dispose que le premier exercice non prescrit est celui fixé conformément à l'article 169 du livre des procédures fiscales, selon lequel : Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due ; qu'il y a lieu d'effectuer la correction symétrique des erreurs en remontant dans le temps selon le délai de trois ans ainsi privilégié, et non, ainsi que l'a fait le tribunal, selon le délai de deux ans de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales, opposable au contribuable alors que le délai de trois ans est opposable à l'administration dans ses procédures de contrôle ; que le jugement du Tribunal administratif de Nice du 12 juin 2008 doit être annulé pour erreur de droit ;

Considérant que par l'effet dévolutif de l'appel, il y a lieu de statuer sur les moyens présentés par M. A devant le tribunal administratif et devant la Cour ;

Sur la qualification d'erreur comptable du mode de comptabilisation du droit d'exploitation de la plage :

Considérant qu'il résulte des stipulations de l'article 9 du sous-traité d'exploitation de la plage, conclu le 31 décembre 1996 entre la commune de Cannes et M. A, que la convention en cause est personnelle et incessible sous peine de résolution immédiate ; que la rubrique décharge de l'acte de cession du 7 janvier 1997 de la concession par M. à M. A rappelle que le sous-traité d'exploitation est incessible, expire fin 2001 et est susceptible d'être non reconduit à son expiration ; que pour être regardés comme un élément incorporel de l'actif immobilisé, les droits d'exploitation de ce type doivent constituer une source régulière de profits, être dotés d'une pérennité suffisante et être susceptibles de faire l'objet d'une cession ; que ce dernier critère n'étant pas rempli en l'espèce, le droit en cause constitue un droit précaire d'exploitation, qualification confirmée par sa non-reconduction fin 2002, qui ne pouvait faire l'objet de la comptabilisation d'une immobilisation au bilan de M. A ; que s'agissant d'une erreur comptable non délibérée, l'administration ne peut s'opposer à sa correction ;

Sur les modalités de la correction :

Considérant que M. A demandait, dans sa réclamation de 2004, la correction de l'erreur constatée en faisant valoir que le bilan de clôture de son activité au 31 décembre 2002, après correction de son erreur, faisait apparaître un déficit de 391 505 euros, dont il demandait l'imputation sur son revenu global des années 2002 et 2003 ;

Considérant qu'en appel, M. A soutient que le délai de prescription de l'article L. 169 ne peut être opposé qu'à l'occasion d'une procédure de vérification mais non d'une demande présentée par le contribuable ; que l'imputation sur 2001 de la charge exceptionnelle que constitue cette erreur ne constitue pas un obstacle à la présentation d'une demande de dégrèvement au titre de 2002 et 2003, dès lors que cette charge de 457 347 euros aurait nécessairement généré un déficit global reportable sur les années suivant l'année 2001 ; que le juge a soulevé d'office le moyen tiré de la correction symétrique des bilans sans en avertir les parties, alors qu'un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne peut venir au soutien d'une décision juridictionnelle ;

Considérant que M. A, en portant, par erreur, à l'actif du bilan de son entreprise, le montant de l'indemnité versée pour se voir transférer le droit d'occuper le domaine public, a surestimé le montant de cet actif et a donc modifié la valeur de l'actif net, se plaçant ainsi dans le cadre du régime de la réparation des erreurs ou omissions affectant l'actif net ; que les articles 38-2 et 38-4 bis précités, qui régissent légalement ce régime, s'appliquent à l'espèce, sans qu'il soit besoin de soulever ce moyen d'office, ce que n'a d'ailleurs pas fait le jugement en cause ; qu'ils prescrivent que de telles erreurs peuvent être réparées, mais doivent être symétriquement corrigées dans les bilans antérieurs dès lors qu'elles s'y retrouvent ; que la correction doit alors remonter jusqu'au bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, cette prescription étant calculée en application des délais visés à l'article L. 169 du livre des procédures fiscales, que la demande émane de l'administration ou du contribuable ; qu'en l'espèce, à la date où M. A a présenté sa demande, en 2004, la prescription susvisée remontait à l'exercice 2001 ; que l'erreur pouvait ainsi être corrigée à compter du bilan de clôture de l'exercice 2001, c'est-à-dire en 2002, et être reportée si nécessaire, en matière d'impôt sur le revenu, sur les cinq années suivantes, en application de l'article 156-I du code général des impôts, c'est-à-dire sur les années 2003, 2004...jusqu'à épuisement du déficit ou jusqu'à la fin de la cinquième année suivant l'année 2002 ; qu'il y a lieu de renvoyer M. A devant le service aux fins que celui-ci précise les réductions de droits dont il est bénéficiaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que l'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nice du 12 juin 2008 est annulé.

Article 2 : M. A est fondé à demander l'imputation sur ses cotisations d'impôt sur le revenu du montant du déficit commercial de 391 505 euros constaté au titre de l'exercice 2002. L'administration déterminera le montant des cotisations d'impôt sur le revenu dont M. A est fondé à demander la décharge, au titre des années 2002 et suivantes jusqu'à l'année 2006 inclusivement si nécessaire.

Article 3 : M. A est renvoyé devant l'administration aux fins de calcul des réductions de droit résultant de l'article 2.

Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Christian A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre-formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA03979
Date de la décision : 11/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-02-01-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Évaluation de l'actif. Théorie du bilan.


Composition du Tribunal
Président : Mme FELMY
Rapporteur ?: Mme Anita HAASSER
Rapporteur public ?: M. GUIDAL
Avocat(s) : SELAS FISCALYS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-07-11;08ma03979 ?
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