Vu I°) sous le n° 08MA03659, la requête, enregistrée le 4 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille présentée pour la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD), dont le siège est quai Saint Jean à Saint-Crépin (05600), représentée par Me Michel A en qualité d'administrateur judiciaire et Me Dominique B en sa qualité de mandataire judiciaire, par Me Treffs, avocat ;
La SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD) demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0107608 en date du 10 juin 2008 par lequel le Tribunal administratif de Marseille l'a condamnée à verser au département des Bouches-du-Rhône la somme de 3 144 431,90 euros toutes taxes comprises et a mis à sa charge les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 189 305,70 euros toutes taxes comprises ;
2°) de condamner le département des Bouches-du-Rhône à lui verser la somme de 2 856 715 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge du département des Bouches-du-Rhône une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.............
Vu II°) sous le n° 08MA03877, la requête, enregistrée le 18 août 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille présentée pour le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE, dont le siège est hôtel du département 52 avenue de Saint-Just à Marseille Cedex 20 (13256), représenté par son président en exercice, par Me Mendes Constante, avocat ;
Le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0107608 en date du 10 juin 2008 en tant que le Tribunal administratif de Marseille n'a fait droit que partiellement à sa demande initiale ;
2°) de condamner la société Travaux Guil-Durance (STGD) à lui verser la somme de 7 938 298 euros en réparation de ses préjudices ;
3°) de mettre à la charge de la société Travaux Guil-Durance (STGD) une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
Vu le code de commerce ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;
Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat en date du 27 janvier 2009 fixant la liste des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2011 :
- le rapport de Mme Markarian, rapporteur,
- les conclusions de M. Marcovici, rapporteur public
-et les observations de Me Dessinges représentant Me A et Me B et de Me Woimant représentant le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré reçue le 11mars 2011, présentée pour le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE par Me Mendes Constante ;
Considérant que les requêtes n°s 08MA03659 et 08MA3877 sont dirigées contre un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Considérant que le département des Bouches-du-Rhône a confié en décembre 1998 la mission de maître d'ouvrage délégué à la société Provençale d'Equipement (SPE) Geodis pour l'opération de construction d'un collège de 600 élèves à Plan de Cuques ; que le lot n°1 gros oeuvre du marché conclu le 30 octobre 2000 a été confié à la société Charles Queyras Construction, aux droits de laquelle vient la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE ; que le marché attribué à cette société a été résilié le 31 octobre 2001 ; que par une demande présentée le 28 décembre 2001, la société Charles Queyras Construction a sollicité du Tribunal administratif de Marseille qu'il condamne solidairement le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE et la société Provençale d'Equipement Geodis à lui verser la somme de 18 738 823,21 F toutes taxes comprises, soit 2 856 715 euros, en règlement de ce marché ; qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise, le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE a demandé, par voie reconventionnelle, que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE soit condamnée à lui verser la somme à parfaire de 10 206 480,82 euros ; que par un jugement en date du 10 juin 2008, le Tribunal administratif de Marseille a condamné la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE à verser au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE la somme de 3 144 431,90 euros toutes taxes comprises en réparation de son préjudice et a mis à sa charge les dépens taxés et liquidés à la somme de 189 305,70 euros toutes taxes comprises ; que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE, représentée par ses administrateur et mandataire judiciaires, relève appel de ce jugement dans l'instance n° 08MA03659 et sollicite l'annulation du jugement du 10 juin 2008 et la condamnation du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE à lui verser la somme précitée de 2 856 715 euros ; que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE a également relevé appel de ce même jugement dans l'instance n° 08MA03877 en tant que le tribunal n'a fait droit que partiellement à sa demande d'indemnisation et sollicite en conséquence que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE soit condamnée à lui verser la somme complémentaire de 7 938 298 euros ;
En ce qui concerne l'extinction de la créance du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-40 du code de commerce, dans sa rédaction applicable en l'espèce : I.- Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; (...) ; qu'aux termes de l'article L. 622-41 du même code : Sous réserve des dispositions de l'article L. 621-126, les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le représentant des créanciers et, le cas échéant, l'administrateur dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant. ; qu'aux termes de l'article L. 621-43 du même code : A partir de la publication du jugement, tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement d'ouverture, à l' exception des salariés, adressent la déclaration de leurs créances au représentant des créanciers. ; qu' aux termes de l'article L. 621-46 du même code : A défaut de déclaration dans les délais fixés par décret en Conseil d'Etat, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait (...). Les créances qui n'ont pas été déclarées et n'ont pas donné lieu à relevé de forclusion sont éteintes. ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées ; que la circonstance que la collectivité publique dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle ou n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur ces conclusions, qu'elles tendent à la condamnation définitive de l'entreprise ou à l'octroi d'une provision, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative, et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ;
Considérant également que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient au juge administratif d'examiner si la collectivité publique a droit à réparation et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, soit à titre définitif, soit à titre provisionnel, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ;
Considérant qu'il suit de là que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE, placée en redressement judiciaire, n'est pas fondée à soutenir que le Tribunal administratif de Marseille aurait dû s'assurer que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE avait déclaré sa créance et en cette absence déclarer sa créance éteinte et ne pouvait par suite la condamner à verser une indemnité au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE en réparation des désordres affectant le nouveau collège André Malraux ;
En ce qui concerne la décision de résiliation :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 49 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux dans sa rédaction alors applicable : Mesures coercitives : 49-1. A l'exception des cas prévus au 22 de l'article 15 et au 16 de l'article 46, lorsque l'entrepreneur ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, la personne responsable du marché le met en demeure d'y satisfaire dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit (...) ; 49-2 : Si l'entrepreneur n'a pas déféré à la mise en demeure, une mise en régie à ses frais et risques peut être ordonnée, ou la résiliation du marché peut être décidée. (...) 49-4 : La résiliation du marché décidée en application du 2 ou du 3 du présent article peut être, soit simple, soit aux frais et risques de l'entrepreneur. (...) En cas de résiliation aux frais et risques de l'entrepreneur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur pour l'achèvement des travaux (...). ;
Considérant que la résiliation d'un marché public passé par une collectivité territoriale ne peut être prononcée par l'organe exécutif ou son mandataire qu'après l'autorisation préalable de l'organe délibérant ; que si la décision de résiliation en date 31 octobre 2001 a été prise par le directeur de la société Provençale d'Equipement Géodis, le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE en réponse au moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision, ne se prévaut de l'existence d'aucune délibération du Conseil général ou de la commission permanente ni d'aucune stipulation du contrat de délégation qui aurait habilité le directeur de cette société pour ce faire ; que la décision de résiliation doit par suite être regardée comme étant intervenue sur une procédure irrégulière ;
Considérant cependant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que durant la réalisation des fondations, des infrastructures et des superstructures des ouvrages, un certain nombre de malfaçons graves ont été observées dans la mise en oeuvre du béton et des armatures de nature à compromettre la stabilité de l'ouvrage ; que la gravité de ces désordres et leur imputabilité à la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE justifiaient la résiliation du marché de travaux ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que si la résiliation est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, elle est justifiée au fond ; que le moyen tiré de ce que l'ordre de service notifiant la résiliation du marché n'a pas été précédé d'une délibération du Conseil général du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHONE ne peut être utilement invoqué à l'appui d'une demande tendant à la réparation des conséquences dommageables de la résiliation, dès lors qu'il n'est pas établi, ni même d'ailleurs allégué, que cette irrégularité aurait, par elle-même, en l'espèce, causé un préjudice à la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE ;
En ce qui concerne la demande de la SOCIETE TRAVAUX GUIL DURANCE :
Considérant que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE, qui ne conteste pas en appel le bien-fondé de la résiliation prononcée à ses torts exclusifs, réitère sa demande initiale et sollicite le versement de la somme de 18 738 823,21 F toutes taxes comprises, soit 2 856 715 euros ; qu'elle ne conteste pas toutefois les motifs du jugement du 10 juin 2008 rejetant sa demande et ne met pas la Cour en mesure d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille n'a pas fait droit à sa demande d'indemnité ;
En ce qui concerne la demande du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE :
Considérant, s'agissant des frais de remise en état de l'ancien collège André Malraux, que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif de Marseille a limité ces frais à 30 % de leur montant ; que toutefois, et ainsi que l'ont estimé les premiers juges, de tels frais ne sont pas intégralement imputables à la décision de résiliation dans la mesure où la remise en service du collège André Malraux a été décidée dès le mois de février 2001 compte tenu du retard constaté dès le départ de l'opération de construction ;
Considérant que s'agissant du surcoût des travaux du nouveau collège, le département des Bouches-du-Rhône a retenu la solution préconisée par l'expert en procédant à la démolition des bâtiments A et B mais a également procédé à la démolition des autres bâtiments afin de procéder à la réalisation d'un nouveau projet de collège ; qu'ainsi que l'ont estimé les premiers juges, les conséquences financières de ce choix ne peuvent dès lors être supportées intégralement par la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE ;
Considérant que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE sollicite le remboursement de l'arrêté de compte du 8 juillet 2002 ; que si le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE produit en appel les ordres de service notifiés dans le cadre du marché en cause et la fiche comptable des travaux, ces éléments ne mettent pas pour autant la Cour en mesure d'apprécier sa demande ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Marseille n'a fait droit que partiellement à sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire droit, dans la présente instance, aux conclusions susvisées de la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD) et du DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête n° 08MA03659 présentée par la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE est rejetée.
Article 2 : La requête n° 08MA03877 présentée par le DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Me Michel A, administrateur judiciaire de la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD), à Me Dominique B, mandataire judiciaire de la SOCIETE TRAVAUX GUIL-DURANCE (STGD), au DEPARTEMENT DES BOUCHES-DU-RHÔNE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
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N°s 08MA03659 et 08MA03877