Vu la requête, enregistrée le 29 avril 2008, présentée pour M. et Mme Jean-Claude A, demeurant ..., par Me Bardet ;
M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0503688 du 14 février 2008 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales qui leur sont réclamées au titre des années 1998 et 1999, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat les dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention fiscale modifiée, conclue entre la France et la Côte d'Ivoire le 6 avril 1966 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative et l'arrêté d'expérimentation du vice-président du Conseil d'Etat du 27 janvier 2009 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 mars 2011 :
- le rapport de Mme Haasser, rapporteur,
- les conclusions de M. Guidal, rapporteur public,
- et les observations de Me Bardet pour les époux A ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que, par décision en date du 17 juin 2009 postérieure à l'introduction de la requête, le chef des services fiscaux chargé de la Direction nationale des vérifications des situations fiscales a prononcé le dégrèvement, en droits et pénalités, à concurrence d'une somme de 26 715 euros, du complément de contributions sociales afférent aux années 1998 et 1999 ; que les conclusions de la requête de M. et Mme A relatives à cette imposition sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Considérant que M. et Mme A contestent les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu, et les pénalités y afférentes, auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 en ce qu'elles procèdent d'une part, de la remise en cause de leur domiciliation fiscale en Côte d'Ivoire et, d'autre part, de la réintégration dans leur revenu imposable de sommes considérées par le service comme des revenus d'origine indéterminée ;
Sur le domicile fiscal :
Considérant que les requérants soutiennent que le jugement attaqué, en déterminant leur domiciliation fiscale au regard des dispositions de l'article 4 A du code général des impôts sans faire application des critères définis par l'article 2-1 de la convention conclue entre la France et la Côte d'Ivoire, méconnaît la hiérarchie des normes juridiques selon laquelle une convention internationale a une valeur supérieure à celle des lois nationales ;
Considérant que les conventions bilatérales destinées à prévenir les risques de double taxation fiscale ne peuvent fonder l'imposition ni directement servir de base à une décision relative à l'imposition, mais ont seulement pour objet d'empêcher éventuellement l'imposition prévue par la loi interne ; que leur application suppose au préalable de vérifier si au regard du droit interne le contribuable est imposable en France en vertu de la législation nationale, et, dans l'affirmative, sur le fondement de quelle qualification, puis ensuite, le cas échéant, en rapprochant cette qualification des stipulations de la convention, de déterminer, en fonction des moyens invoqués ou même, s'agissant de déterminer le champ d'application de la loi, d'office, si cette convention fait ou non obstacle à l'application de la loi fiscale ; qu'il en est ainsi à l'égard de toute convention ayant cet objet, alors même qu'elle définit directement les critères de la résidence fiscale à prendre en compte pour son application ;
Considérant qu'en l'espèce le service a d'abord examiné la situation des époux PALU en fonction des dispositions des articles 4A et 4B du code général des impôts ; qu'ensuite, constatant l'existence d'une activité professionnelle imposable de M. A en Côte d'Ivoire, il a précisé qu'il y avait lieu de prendre en compte les exigences de la convention franco-ivoirienne ; que celle-ci cependant ne nécessitait pas de démontrer au préalable l'assujettissement à l'impôt dans les deux pays concernés, mais seulement d'examiner si la situation des époux A pouvait présenter un conflit de domiciliation ainsi que l'intitule l'administration elle-même, c'est-à-dire s'ils pouvaient être regardés comme domiciliés en Côte d'Ivoire au sens de l'article 2-1 de la convention, selon lequel 1. Une personne physique est domiciliée, au sens de la présente convention, au lieu où elle a son foyer permanent d'habitation , cette expression désignant le centre des intérêts vitaux, c'est-à-dire le lieu avec lequel les relations personnelles sont les plus étroites. Lorsqu'il n'est pas possible de déterminer le domicile d'après l'alinéa qui précède, la personne physique est réputée posséder son domicile dans celui des Etats contractants où elle séjourne le plus longtemps. En cas de séjour d'égale durée dans les deux Etats, elle est réputée avoir son domicile dans celui dont elle est ressortissante... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 4A du code général des impôts : Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus... et qu'en application de l'article 4B du même code : Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4A : a) Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ; b) Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu'elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ; c) Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques. (...). ; que le foyer est le lieu où le contribuable habite normalement et a le centre de ses intérêts familiaux, sans qu'il soit tenu compte des séjours effectués temporairement ailleurs en raison des nécessités de la profession ou de circonstances exceptionnelles ;
Considérant qu'il convient d'examiner où se situe le foyer d'habitation des requérants au regard du droit interne puis de la convention, afin de déterminer leur droit éventuel de se prévaloir de la qualité de résidents de Côte d'Ivoire au sens des stipulations précitées de la convention franco-ivoirienne ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les requérants étaient propriétaires d'un appartement à Paris où ils résidaient pour partie lors de leurs séjours en France, et où résidaient occasionnellement leurs deux enfants majeurs, d'une maison à Bandefols dans le Périgord, occupée par la belle-soeur de Mme A, et qu'ils disposaient d'une habitation à Montagnac (Hérault), le Mas de Novi, propriété de la SA St Jean du Noviciat, dont les requérants possèdent plus de 50 % des parts, qui y exploitait un domaine viticole administré par un régisseur et dont Mme A était président directeur général sans être rémunérée ; qu'ils disposaient enfin en France de comptes bancaires ; que les paiements constatés en France par carte bancaire, les chèques émis en France et les relevés de la compagnie Air France ont permis d'établir la régularité des séjours des époux A dans la propriété de Montagnac, objet par ailleurs d'importants investissements financés par eux, à hauteur de 3 MF en 1998 et 4 MF en 1999 ; qu'au vu de ces éléments, leur foyer doit être considéré comme se situant en France, à Montagnac ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction qu'au cours des années litigieuses, M. A a exercé, outre des fonctions de PDG, directeur général ou employé dans différentes sociétés du groupe BGI situées en Afrique de l'Ouest, les fonctions de directeur général des sociétés ivoiriennes Sicodis du 1er janvier 1998 au 31 juillet 1998 puis Solibra du 1er août 1998 au 31 décembre 1999 , percevant à ce titre un salaire annuel de 1 360 000 F ; que ces sociétés ont mis à sa disposition un logement et une voiture de fonction à Abidjan, ainsi que du personnel ; qu'au vu de l'attestation fiscale ivoirienne, des certificats de résidence du consulat de France à Abidjan, des cartes de séjour et de la carte d'assuré social de Côte d'Ivoire concernant M. et Mme PALUPALU, toutes pièces produites au dossier, les requérants avaient également durant les années 1998 et 1999 des liens étroits avec la Côte d'Ivoire ; que, dans ces conditions, il n'est pas possible de déterminer le pays avec lequel les intéressés entretenaient les relations personnelles les plus étroites et où ils avaient par suite leur foyer permanent d'habitation, qui, au sens des stipulations de la convention précitée, se définit en fonction d'éléments d'appréciation relatifs à la personne du contribuable et non à son patrimoine ;
Considérant qu'il résulte également de l'instruction que, durant les années en cause, les requérants ont résidé une partie de l'année dans les deux pays, sans que puissent être appréciées les durées exactes de leurs séjours dans les deux Etats ; que par application du second des critères subsidiaires prévus par cette convention, auquel il convient dès lors de recourir, et eu égard à la nationalité française qui est celle des intéressés, c'est bien en France que devait être fixé leur domicile fiscal ; que, dès lors, les époux PALU ne sont pas fondés à se plaindre de ce que les premiers juges ont fixé leur domicile fiscal dans ce pays ; que dans ces conditions, le service a pu à bon droit adresser les avis d'imposition à leur domicile de Montagnac ;
Sur le bien-fondé des impositions :
Considérant qu'à la suite d'un examen contradictoire de l'ensemble de leur situation fiscale personnelle au titre des années 1998 et 1999, en l'absence de réponse suffisante de leur part sur la nature et l'origine des sommes demeurées injustifiées figurant au crédit de leurs comptes bancaires ouverts en France, M. et Mme A ont été taxés d'office sur des revenus d'origine indéterminée à hauteur des sommes de 1 134 443 F pour 1998 et de 86 412 F pour 1999, en application des dispositions de l'article L.69 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, il incombe aux requérants de prouver l'exagération des sommes taxées d'office ;
Considérant que, dans le cadre de la procédure de redressements contradictoire prévue à l'article L.55 du même livre, le service a en outre imposé les sommes demeurées injustifiées pour 800 000 F en 1998 et 300 128 F en 1999, figurant au crédit des comptes bancaires ouverts au nom des requérants à Monaco, considérées comme des revenus imposables au sens des dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts ;
Considérant que, pour soutenir que les sommes figurant au crédit de leurs comptes bancaires français et monégasques à concurrence de 1 819 837,19 francs pour l'année 1998 correspondent aux remboursements d'un prêt de 500 000 000 F CFA soit 5 000 000 FF conclu le 24 février 1994 entre M. A et M. B, ressortissant ivoirien, M. et Mme A produisent le tableau des versements faits en amortissement du prêt établi par M. B le 14 décembre 2001 et produit au service, qu'ils comparent avec les tableaux des crédits inexpliqués dressés par le service dans sa lettre 3926 ; que toutefois, le tableau des remboursements joint à l'attestation de M. B n'indique pas l'identité de la partie versante ; que les dates de versement ne correspondent pas à celles indiquées sur l'échéancier du prêt ; que le tableau des crédits inexpliqués n'indique pas davantage l'identité des parties versantes ; que par les pièces qu'ils produisent, et nonobstant l'incidence du cours du change, les requérants n'ont pas établi l'existence de flux concordants entre les débits allégués de M.B et les crédits de M. A ;
Considérant que par suite, les requérants n'apportent pas la preuve qui leur incombe que les sommes figurant au crédit de leurs comptes bancaires français et monégasques procèdent d'opérations créditrices dont l'origine serait identifiée ; que, dès lors, c'est à bon droit que le service a regardé lesdites sommes comme des revenus imposables à rapporter au revenu d'ensemble de M. et Mme A au titre des années 1998 et 1999 ;
Sur les pénalités :
Considérant que l'administration a assorti les cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles M. et Mme A ont été assujettis au titre des années 1998 et 1999 des pénalités de mauvaise foi ; qu'en relevant simplement la réalisation de transferts vers des comptes bancaires monégasques, l'administration ne peut être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de M. et Mme A d'éluder l'impôt français par la revendication d'une domiciliation fiscale en Côte d'Ivoire ; que, par suite, c'est à tort que l'administration a majoré de 40 % les suppléments d'impositions notifiés ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Montpellier a rejeté leur demande pour ce qui concerne les seules pénalités ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : M. et Mme A sont déchargés de la majoration de 40 % appliquée aux suppléments d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre des années 1998 et 1999.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Montpellier en date du 14 février 2008 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme Jean-Claude A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
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N° 08MA02270