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04/01/2011 | FRANCE | N°08MA01964

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 04 janvier 2011, 08MA01964


Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE dont le siège est route de Saint-Hilaire à Carcassonne (11890), par Me Anahory, avocat, du cabinet Landwell et associés ; le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE demande à la Cour :

1°) à titre principal,

- d'annuler le jugement n° 0404559 en date du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme A la somme de 43 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros, outre la somme de 9

26 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et...

Vu la requête, enregistrée le 11 avril 2008, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE dont le siège est route de Saint-Hilaire à Carcassonne (11890), par Me Anahory, avocat, du cabinet Landwell et associés ; le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE demande à la Cour :

1°) à titre principal,

- d'annuler le jugement n° 0404559 en date du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme A la somme de 43 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros, outre la somme de 926 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et a mis à sa charge les frais d'expertise ;

- de rejeter les demandes présentées par Mme A et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude ;

2°) à titre subsidiaire,

- de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros outre la somme de 926 euros au titre de

l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- de rejeter la demande présentée par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude ;

3°) à titre infiniment subsidiaire,

- de réformer le jugement en tant qu'il l'a condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude les frais d'hospitalisation, les frais médicaux et pharmaceutiques et indemnités journalières ;

- de constater que l'indemnisation sollicitée par Mme A au titre de son invalidité permanente est identique au montant réclamé par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude au titre des pertes de gains professionnels futurs ;

4°) et, en tout état de cause, de mettre à la charge de Mme A, outre les dépens, la somme de 2 500 euros au titre des frais d'instance ;

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Vu le code de la santé publique et de la sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions ;

Vu l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat, en date du 27 janvier 2009, fixant la liste des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel autorisés à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 novembre 2010 :

- le rapport de Mme Massé-Degois, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Fedi, rapporteur public ;

- et les observations de Me Gobert, du cabinet Landwell et associés pour le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE ;

Considérant que Mme A, alors âgée de 49 ans, souffrant d'un goitre thyroïdien multi-nodulaire avec dysthyroïdie, a subi le 11 avril 2001 au CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE une thyroïdectomie subtotale avec ablation du lobe thyroïdien droit et ablation du pôle inférieur du lobe thyroïdien gauche ; qu'à la suite, de cette intervention, elle a présenté une paralysie laryngée bilatérale associée à un hématome de la corde vocale gauche ; que Mme A présente des troubles de phonation, de déglutition et de respiration ; que le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE relève appel du jugement du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser, d'une part, à Mme A la somme de 43 000 euros et, d'autre part, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros, outre la somme de 926 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, et a mis à sa charge les frais d'expertise ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par Mme A :

Considérant qu'il ressort de l'examen du dossier de première instance, et notamment de l'avis de réception de l'envoi recommandé contenant le jugement attaqué, que le pli a été notifié au CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE le 11 février 2008 ; que ledit CENTRE HOSPITALIER a interjeté appel de ce jugement par une requête, enregistrée au greffe de la Cour de céans le 11 avril suivant, transmise par télécopie authentifiée par un exemplaire original ultérieur ; que, par suite, la requête d'appel a été déposée dans le délai d'appel de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir, tirée de la tardiveté de la requête, opposée par Mme A, manque en fait et ne peut qu'être écartée ;

En ce qui concerne la responsabilité sans faute :

Considérant que lorsqu'un acte médical nécessaire au diagnostic ou au traitement du malade présente un risque dont l'existence est connue mais dont la réalisation est exceptionnelle et dont aucune raison ne permet de penser que le patient y soit particulièrement exposé, la responsabilité du service public hospitalier est engagée si l'exécution de cet acte est la cause directe de dommages sans rapport avec l'état initial du patient comme avec l'évolution prévisible de cet état, et présentant un caractère d'extrême gravité ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif de Montpellier que les complications dont a été victime Mme A à la suite de l'intervention chirurgicale réalisée le 11 avril 2001 ont entraîné une incapacité permanente partielle de 25 % ; qu'ainsi, les séquelles dont est atteinte Mme A, si elles comportent des gênes importantes dans la vie quotidienne de l'intéressée, pour importantes et invalidantes qu'elles soient, ne présentent toutefois pas le caractère d'extrême gravité auquel est subordonnée la mise en oeuvre de la responsabilité sans faute du CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE ; que, dès lors, ainsi que l'ont admis les premiers juges, la responsabilité sans faute du CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE ne saurait être engagée ;

En ce qui concerne la responsabilité pour faute :

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des deux rapports d'expertise rédigés par des praticiens spécialisés en Oto-Rhino-Laryngologie que l'indication d'exérèse chirurgicale thyroïdienne chez Mme A, fondée sur les éléments cliniques et para-cliniques thyroïdiens, a été correctement posée et que tant l'intervention du 11 avril 2001 que les soins post-opératoires se sont réalisés conformément aux règles de l'art ; que, d'une part, si l'expert judiciaire dans son rapport déposé le 18 novembre 2004 a estimé que l'atteinte des nerfs laryngés inférieurs était en relation directe et certaine avec l'intervention sur le corps thyroïde le 11 avril 2001, il n'a cependant relevé aucune faute dans l'indication opératoire ou dans la réalisation du geste chirurgical ; que, d'autre part, il résulte des éléments du rapport amiable rédigé le 1er décembre 2003 que les lésions de paralysie laryngée après thyroïdectomie sont relativement fréquentes, de l'ordre de 1 % en l'absence de toute faute ou de tout manquement à la technique et que, dans le cas présent, il s'agit d'un aléa de la technique opératoire sans qu'une faute chirurgicale ne puisse être retenue ; que, dans ces conditions, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Montpellier, une telle atteinte des deux nerfs laryngés, à l'origine de la paralysie des cordes vocales de Mme A ne relève pas de la faute médicale et n'est pas de nature à engager la responsabilité du CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE ;

Considérant, toutefois, que lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ;

Considérant que l'intervention subie par Mme A, même conduite dans les règles de l'art, présentait des risques connus, notamment de paralysie des deux hémilarynx et de lésion bilatérale des nerfs laryngés inférieurs ; que ces risques devaient être portés à la connaissance de la patiente ; que le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE n'apporte pas la preuve qui lui incombe qu'il a donné à Mme A cette information alors qu'il n'existait aucune situation d'urgence de nature à dispenser les médecins de leur obligation d'information ; qu'ainsi, Mme A est fondée à soutenir que le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE a commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard ;

Considérant que, nonobstant la circonstance que Mme A ne soutient pas qu'elle aurait renoncé à l'opération si ce risque avait été porté à sa connaissance, il appartient au juge de déterminer si l'intéressée a été privée d'une chance d'éviter le dommage et de vérifier si, eu égard à son état de santé et aux alternatives thérapeutiques existantes, elle avait la possibilité de refuser l'intervention qui lui était proposée ; qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise diligentée devant le tribunal administratif, que Mme A présentait en janvier 2001 un goitre multinodulaire toxique découvert par un bilan paraclinique biologique et scintigraphique et qu'elle souffrait d'une hyperthyroïdie secondaire à une multidénomatose toxique et d'un nodule chaud volumineux ; qu'il résulte également de ce rapport et notamment des pièces médicales examinées par l'homme de l'art qu'une solution chirurgicale était à privilégier eu égard à l'état de santé et à l'âge de Mme A ; que si le compte-rendu d'examen histopathologique établi le 18 avril 2001 n'a pas montré de signe de malignité du nodule gauche, il ressort cependant de ce compte-rendu que Mme A était porteuse de quatre nodules assez volumineux au lobe droit thyroïdien avec des lésions diffuses assez importantes de thyroïdite lymphocytaire et deux ganglions réactionnels ainsi que de six petits nodules au lobe gauche ; qu'enfin, l'homme de l'art a estimé que l'indication de l'exérèse chirurgicale était, en l'espèce, correctement posée compte-tenu des données cliniques et paracliniques pour une femme de 49 ans présentant une dysthyroïdie et dont le traitement médical par antithyroïdiens de synthèse précédemment institué s'était révélé insuffisant pour contrôler le goitre ; que, dès lors, il ne résulte pas de l'instruction que des alternatives moins risquées existaient ; qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments médicaux, que l'état de santé de Mme A doit être regardé comme rendant nécessaire, en l'absence d'alternative thérapeutique moins risquée, l'exérèse chirurgicale thyroïdienne ; que, par suite, la faute commise par le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE n'a pas entraîné, dans les circonstances de l'espèce, de perte de chance pour Mme A de se soustraire au risque qui s'est réalisé ; qu'aucune indemnisation n'est, par suite, due à ce titre ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : Les dépens comprennent les frais d'expertise (...) Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. ;

Considérant qu'il y a lieu, par suite et dans les circonstances particulières de l'affaire, de laisser les frais de l'expertise qui s'élèvent à la somme de 600 euros à la charge définitive du CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à verser à Mme A la somme de 43 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros, outre la somme de 926 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que Mme A demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE au titre des dispositions de cet article ;

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 0404559 du 24 janvier 2008 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE CARCASSONNE à verser à Mme A la somme de 43 000 euros (quarante trois mille euros) et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude la somme de 47 642,07 euros (quarante sept mille six cent quarante deux euros et sept centimes d'euro) sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du CENTRE HOSPITALIER DE CARACASSONNE et les conclusions incidentes présentés par Mme A et par la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au CENTRE HOSPITALIER DE CARACASSONNE, à Mme Géraldine A, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aude et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

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N° 08MA019642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08MA01964
Date de la décision : 04/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: Mme Christine MASSE-DEGOIS
Rapporteur public ?: Mme FEDI
Avocat(s) : GABORIT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2011-01-04;08ma01964 ?
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