Vu la requête, enregistrée le 2 avril 2008, présentée pour la COMMUNE DE TOMINO, représentée par son maire en exercice, et la COMMUNE DE MERIA, représentée par son maire en exercice, par Me Seffar ; la COMMUNE DE TOMINO et la COMMUNE DE MERIA demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601270 du 7 février 2008 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé, sur demande de M. A, les arrêtés des 20 et 22 mai 2006 du maire de la commune de Tomino et du maire de la commune de Meria refusant de délivrer à M. A un permis de construire ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Bastia ;
3°) de mettre à la charge de M. A la somme de 2000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l'audience devant ces juridictions, et notamment son article 2 ;
Vu l'arrêté du 27 janvier 2009 pris par le vice-président du Conseil d'Etat autorisant la cour administrative d'appel de Marseille à appliquer, à titre expérimental, les dispositions de l'article 2 du décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 avril 2010 :
- le rapport de Mme Ségura, rapporteur ;
- et les conclusions de M. Bachoffer, rapporteur public ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé, sur demande de M. A, les arrêtés des 20 et 22 mai 2006 du maire de la commune de Tomino et du maire de la commune de Meria refusant de délivrer à M. A un permis pour reconstruire sa maison d'habitation détruite en 1976 par un attentat à l'explosif ; que la COMMUNE DE TOMINO et la COMMUNE DE MERIA relèvent appel de ce jugement ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : La reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre est autorisée nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement, dès lors qu'il a été régulièrement édifié. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un plan d'occupation des sols ne peut faire obstacle au droit à la reconstruction à l'identique qu'elles autorisent que s'il interdit expressément une telle reconstruction ;
Considérant qu'il est constant qu'aucune disposition du règlement du plan d'occupation des sols intercommunal du Cap Corse applicable sur les communes de Tomino et de Meria n'interdit expressément en zone ND la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit par un sinistre ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que les maires de Tomino et de Meria n'avait pas pu fonder légalement leurs refus de permis de construire sur les dispositions des articles ND 1 et ND 2 dudit règlement ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors applicable : II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. (...) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 146-6 du même code : Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) ;
Considérant que, sauf les cas de risque d'atteinte à la sécurité des biens et des personnes, l'inconstructibilité d'une zone ne peut faire obstacle au droit à la reconstruction à l'identique prévue par les dispositions précitées de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme qu'à condition que l'interdiction en soit explicitement formulée ; que les dispositions de l'article L. 146-4 et de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, qui ont pour objet direct de protéger les caractéristiques naturelles, architecturales, culturelles et historiques d'un espace dans une zone donnée n'interdisent pas expressément une telle reconstruction ; que, par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la circonstance que le terrain d'assiette du projet se trouvait dans un espace remarquable au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme ou dans la bande littorale des cent mètres n'était pas de nature, à elle seule, à faire obstacle au droit à reconstruire de M. A ;
Considérant, en troisième lieu, que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif de droit ou de fait autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ; que la COMMUNE DE TOMINO et la COMMUNE DE MERIA soutiennent en appel qu'elles auraient pu légalement refuser le permis de construire sollicité par M. A en se fondant, d'une part, sur l'illégalité de la construction initiale et, d'autre part, sur l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme ;
Considérant, d'une part, que les requérantes excipent de l'illégalité du permis de construire délivré à M. A le 23 novembre 1968 par le maire de Tomino en faisant valoir que la partie du bâtiment dont la construction était projetée sur le territoire de la commune de Meria n'avait pas été autorisée par le maire de cette commune ; que, toutefois, une décision emportant droit de reconstruire un bâtiment, sur le fondement de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, ne peut utilement être contestée par la voie de l'exception d'illégalité de la décision initiale créatrice d'un droit de construire dès lors que cette décision, comme en l'espèce, n'a été ni retirée par l'administration ni annulée par le juge administratif ; que, par suite et, en tout état de cause, le moyen est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 421-5 du code de l'urbanisme : Lorsque, compte tenu de la destination de la construction projetée, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte de ladite construction, le permis de construire ne peut être accordé si l'autorité qui le délivre n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public lesdits travaux doivent être exécutés. ; que ces dispositions ne peuvent faire obstacle au régime dérogatoire du droit à reconstruire un bâtiment détruit par un sinistre prévu par l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE TOMINO et la COMMUNE DE MERIA ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés des 20 et 22 mai 2006 ; que, par voie de conséquence, il y a lieu, d'une part, de rejeter leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, de mettre à leur charge, sur le fondement des mêmes dispositions, une somme globale de 1500 euros à verser à M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE TOMINO et de la COMMUNE DE MERIA est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE TOMINO et la COMMUNE DE MERIA verseront à M. Claude A une somme globale de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE TOMINO, à la COMMUNE DE MERIA, à M. Claude A et au ministre d'Etat, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.
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N° 08MA01778